La première image télévisuelle connue d'Alexandre Despatie est restée gravée dans la mémoire des Québécois alors que le petit plongeur de 13 ans devenait le plus jeune médaillé d'or canadien des Jeux du Commonwealth. Treize ans plus tard, Despatie a l'impression d'avoir séjourné dans une machine à remonter dans le temps.

Même s'il est âgé de 26 ans et qu'il en sera à ses quatrièmes Jeux olympiques, le plongeur québécois se sent comme un enfant à l'approche du rendez-vous olympique de 2012.

«Je ressens la même excitation qu'un enfant parce que je suis capable de plonger sans douleur et je sens que mon corps travaille mieux», s'est réjoui Despatie.

Poussé sur la touche en raison d'une tendinite au genou gauche, Despatie a rassuré bien des gens quand il a fait le point sur son état de santé la semaine dernière. En entrevue, on le sent détendu, serein et rempli d'assurance. Grâce à cette confiance et cette maturité, il ne craint pas d'admettre que la route n'a pas été de tout repos.

«Ça fait longtemps que j'attendais de voir la lumière au bout du tunnel. Je me sens bien mentalement, mon genou va très bien et je ressens aussi un excès de motivation», a-t-il avoué.

«C'est le fun de se sentir aussi bien que cela. C'est hyper excitant et je veux garder ce feeling jusqu'aux Jeux et profiter de ces moments. Je sais que ça sonne cliché, mais je ne savais pas à quoi m'attendre il y a quelques mois à cause de ma blessure.»

Depuis le premier plongeon de sa carrière professionnelle, Despatie a accumulé les médailles, mais il a également subi son lot de blessures si bien que son expérience lui permet de savoir qu'il est loin d'être rendu au fil d'arrivée. Pour continuer la comparaison avec l'athlétisme, sa remise en forme se limiterait présentement à la marche au lieu de la course.

«Je viens de recommencer à sauter, mais je ne plonge pas encore. Je suis loin de ce que les gens voient en compétition. Je me contente de sauter à partir du début du tremplin et j'effectue des choses de base. En fait, je fais des exercices qu'on enseigne à des enfants», a dévoilé Despatie qui est de retour dans l'eau depuis environ une semaine.

Les préparatifs olympiques d'un athlète sont déjà rigoureux, mais ils deviennent encore plus exigeants quand on doit repartir au pied de la montagne.

«Je me prépare mentalement à accepter que toutes les journées ne seront pas faciles et c'est normal que ce soit ainsi au retour d'une blessure. Les choses n'iront pas toujours comme je le veux. Je suis très perfectionniste et je voudrais que ça soit parfait même si ça fait plusieurs mois que je n'ai pas plongé», a reconnu l'un des visages importants de la délégation canadienne.

En plus de retrouver ses repères de l'élite mondiale, Despatie doit aussi assurer sa qualification olympique lors d'une Coupe du monde du 20 au 26 février. La tâche ne risque pas d'être si laborieuse puisque le plongeur québécois doit terminer parmi les 18 premières positions.

La possibilité de rater le podium

Médaillé d'argent au plongeon de 3m à Athènes (2004) et Pékin (2008), Despatie est conscient plus que quiconque que la ligne est mince entre un podium et une quatrième position. Il est donc loin d'être assuré de repartir de Londres avec une médaille au cou pour une troisième aventure olympique d'affilée. Est-ce que cette pensée lui a effleuré l'esprit?

«Je ne peux pas m'attarder à cela comme au fait que je pourrais mériter l'or. Je dois me concentrer sur le travail que j'ai à accomplir. Ensuite, il restera la compétition et je suis expérimenté là-dedans. Bien sûr, c'est possible que je ne sois pas sur le podium, mais j'ai trop de travail devant moi pour y songer.»

Tout en retrouvant ses repères sur le tremplin, Despatie entend ajouter un plongeon au très haut degré de difficulté à sa série de six sauts et la raison ne fait aucun doute à ses yeux.

«Je veux absolument intégrer le quadruple périlleux et demi que j'ai fait l'an passé. Peut-être que je ne le ferai pas lors de la Coupe du monde en février, mais c'est dans mes plans pour les JO. On est dans une période qui exige un gros plongeon comme celui-ci pour avoir une chance de terminer parmi les meilleurs.

Le contexte parle de lui-même, Despatie a trop de pain sur la planche donc il ne peut guère investir des efforts en plongeon synchronisé avec son partenaire Reuben Ross.

«Je dois d'abord retrouver mes repères individuellement. Quand tout sera un peu plus replacé, on va réintégrer le synchro. On a quand même de l'expérience ensemble et ce serait une perte de ne pas se donner une chance alors on garde le synchro dans la mire.»

Tout ce renouveau fait briller les yeux de Despatie et il explique cela ainsi.

«Je vais être comme un enfant! J'ai hâte d'aller à Londres comme à premiers JO parce que je me sens bien sauf que j'ai le bagage de 20 ans de plongeon et ce sera ma quatrième expérience olympique. Je pense qu'il y a définitivement quelque chose à faire avec cela pour en tirer avantage. C'est très important d'avoir cette motivation», ajoute-t-il sans devoir convaincre personne.

De façon imagée, Despatie comparent ses émotions à celle d'un enfant. Néanmoins, il réalise que son rôle a évolué et qu'il est devenu un leader, un modèle de premier plan pour les autres athlètes canadiens.

«J'ai 26 ans et je suis l'un des vétérans de l'équipe. J'avoue que c'est parfois un peu particulier de penser que je suis un modèle, mais si des athlètes veulent discuter ou me demander des conseils, je suis présent pour eux et j'aime le faire. Par contre, quand on se qualifie pour les Olympiques, on est tous au même niveau et on se supporte dans ce projet», tient à souligner celui qui gardait son calme et sa gentillesse alors que tous les médias se l'arrachaient.

Despatie a vécu ses premiers Jeux olympiques à Sydney à l'âge de 15 ans. À cette époque, il était encore un adolescent et il ne connaissait pratiquement personne dans ce tourbillon olympique. Douze ans plus tard, il a l'intention de profiter au maximum de l'édition londonienne.

«J'aimerais assister à la finale de soccer. J'ai eu la chance d'y aller à Pékin et j'en conserve un excellent souvenir. L'Argentine avait obtenu l'or contre le Nigéria. Évidemment, j'aimerais assister à la finale du 100m, c'est vraiment impressionnant de se retrouver dans le grand stade», a-t-il conclu avec son ton d'amateur sportif.