Aperçu de la relève québécoise au baseball
Baseball dimanche, 1 mars 2020. 07:15 jeudi, 12 déc. 2024. 09:46MONTRÉAL – Où étiez-vous jeudi après-midi pendant qu’un étrange cocktail météo s’abattait sur le Québec? L’endroit idéal pour se retrouver, c’était le complexe sportif Claude-Robillard où une cinquantaine des plus beaux espoirs de l’Académie de baseball du Canada (ABC) étaient en audition devant des recruteurs du Baseball majeur.
Difficile de trouver mieux comme remède pour chasser l’hiver pendant quelques heures. À entendre les bâtons claquer et les gants capter les balles, il suffisait de fermer les yeux pour se sentir aux abords d’un terrain de « balle ».
Par la nature de la scène sportive montréalaise, notre métier nous fait observer nettement plus souvent le talent qui s’exprime sur une patinoire. Mais, disons-le tout de suite, c’est de toute beauté de voir l’émergence de cette relève au baseball. Une relève qui demeure en excellente santé malgré le départ des Expos il y a déjà plus de 15 ans.
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L’ABC joue un rôle colossal à ce chapitre en parcourant les États-Unis chaque printemps et été avec les jeunes qui forment l’élite de ce sport pour leur permettre de se mesurer à des adversaires de haut niveau et d’être épié par des recruteurs des équipes du baseball majeur et des universités américaines.
Cette journée d’évaluation se tient depuis une dizaine d’années et elle donne en quelque sorte le coup d’envoi pour la saison à venir et en vue du prochain repêchage en juin. Elle permet aux recruteurs et aux entraîneurs, dont Greg Hamilton qui dirige les équipes nationales, de constater le progrès effectué par les joueurs depuis l’automne dernier.
« Chaque année, on a toujours une bonne participation des recruteurs. Les gens nous suivent, ils savent que les gars s’améliorent ici donc ils veulent le voir de leurs yeux d’année en année », a expliqué Maxime Hockhoussen, le coordonnateur en chef de l’ABC.
Comme dans n’importe quel sport, le talent se constate par cycle. Cela dit, le Québec a surtout été reconnu pour développer de bons lanceurs. D’ailleurs, le contexte d’un entraînement intérieur était particulièrement propice pour observer les lanceurs et on a pu voir plusieurs lancers s’approcher des 90 milles à l’heure et d’autres les atteindre à l’occasion sous les conseils des entraîneurs des lanceurs Marc-Antoine Bérubé et Karl Gélinas.
Ce constat pourrait changer sous peu avec la vague entamée par Abraham Toro et c’est une preuve que le baseball évolue dans la bonne direction.
« La tendance que je vois dernièrement versus les autres années, c’est qu’à un moment donné, on regardait surtout les lanceurs alors que maintenant, il y a des lanceurs et des joueurs de position qui se développent de manière intéressante pour nous. Je parle autant de voltigeurs, de receveurs et joueurs d’avant-champ », a indiqué Jasmin Roy, un dépisteur des Blue Jays qui était sur place alors que les Mariners, les Yankees et les Marlins étaient également représentés.
« On a d’excellents lanceurs, mais je dirais aussi des arrêts-courts et un groupe très solide de receveurs qui bataillent pour des postes. Dans quelques années, avec le bassin actuel, ce sera les voltigeurs qui vont s’illustrer. Étant donné qu’on ratisse large, ça nous permet d’avoir un éventail assez intéressant de joueurs ce que les recruteurs aiment beaucoup », a ajouté Hockhoussen sur le même sujet.
Le travail accompli par l’ABC et les différents programmes fréquentés par la relève québécoise rapporte en trouvant davantage de débouchés.
« La perception des joueurs issus du Québec a toujours été bonne, mais on voit plus de jeunes qui parviennent à aller dans les gros programmes universitaires. Ça, c’était moins présent par le passé. Il y a un bon travail qui est fait par la Fédération par rapport à cet aspect. Ça ouvre la porte à de grosses bourses. Avant, les options passaient surtout par le niveau professionnel ou de petites institutions », a soulevé le recruteur des Jays.
Un autre point positif, c’est que la barrière de la langue s’estompe alors que les jeunes se débrouillent de plus en plus vite en anglais.
Il restait un préjugé défavorable à abattre de l’ABC s’y est attaqué depuis quatre ans.
« Les dépisteurs aiment beaucoup nos gars, mais la question du nombre de matchs qu’ils disputent dans une année revenait souvent. Mais étant donné qu’on a changé la philosophie à l’ABC et qu’on parle désormais d’un total entre 75 et 100 matchs, ce n’est plus un enjeu. On a renouvelé la formule », a décrit Hockhoussen.
Par la force des choses, une dizaine de joueurs se démarquaient du lot. On parle toutefois d’athlètes encore très jeunes dans un sport où l’on voit surtout les joueurs s’illustrer – outre quelques exceptions - à partir de 23 ou 24 ans.
« Quand un jeune arrive à sa troisième ou quatrième année universitaire, tu vois pas mal le joueur qu’il sera plus tard. Ici, les gars sont plus jeunes donc la marge est plus grande, ça permet de rêver un peu plus sauf qu’on peut aussi se tromper un peu plus », a raconté Roy, en souriant, qui transmet ses rapports à ses collègues des Jays qui pourront épier les espoirs de l’ABC dans d’autres régions ce printemps et cet été.
Aperçu de quelques espoirs de haut niveau
Terminons avec un tour d’horizon de quelques joueurs qui ont retenu l’attention autant des recruteurs que des entraîneurs. On a pris le temps de sonder certains de ces joueurs sur leur chemin parcouru et celui qui reste à accomplir.
Raphaël Pelletier
« La plus grande qualité de ce receveur, c’est sa façon d’attraper la balle, il le fait déjà comme un pro. Tout ce qui est proche du marbre, il le transforme en prise. Un athlète super séreux, il a été choisi en 25e ronde au dernier repêchage et on espère qu’il va sortir plus haut cette année. Il a tout fait pour le faire. On a vu une belle progression cet hiver au bâton (sa lacune) avec l’entraîneur des frappeurs Yannick Bergeron et il a travaillé avec Jean-François Gaudreau pour améliorer son alimentation », a décrit Hockhoussen.
« Je passe beaucoup de temps dans les cages de frappeur avec Yannick et d’autres entraîneurs pour connaître plusieurs philosophies. Je pense que tu dois juste prendre celle qui marche pour toi », a expliqué Pelletier qui cite Yan Gomes et Russell Martin parmi ses inspirations.
Louka Daoust
« Puissance au bâton, c’est un pur frappeur. Il a eu une belle bourse de l’Université West Virginia en grande partie via son bâton. Mais il est aussi capable de bien courir et de jouer défensivement », a exposé Hockhoussen.
« Je pense que je me débrouille bien au bâton parce que quand je vais à la plate, c’est vraiment pour frapper la balle. Je n’ai pas peur de la rapide, je suis toujours prêt pour ça. Dans les derniers temps, je me suis beaucoup pratiqué pour la balle courbe, c’était mon point faible », a commenté Daoust qui devra patienter jusqu’en 2022 pour commencer son parcours à West Virginia.
« C’est vrai que c’est dans longtemps, mais je dois me dire que j’ai encore du chemin à faire. Je n’ai pas encore ma place avec l’équipe, je dois faire mes preuves. J’ai fait une dizaine d’heures d’auto pour participer à un camp là-bas. On a fait une pratique de neuf heures, c’était quelque chose! Mais j’étais prêt pour montrer mon talent et ça s’est bien passé. J’étais le seul Québécois sur le terrain, c’était un peu différent et difficile pour ça », a ajouté le sympathique jeune homme qui étudie à l’école Félix-Leclerc.
Alexis Gravel
« Un autre jeune de Félix-Leclerc, un lanceur gaucher et voltigeur. Il a beaucoup de puissance au bâton. Il est capable de courir et de bien lancer du champ. Il a un très beau physique de joueur de baseball, les recruteurs aiment ça. Il est déjà très musclé et très fort. Il est déjà avec l’équipe nationale, un très beau produit », a cerné Hockhoussen.
« Je trouve que j’ai bien réussi à montrer mon bras comme lanceur. Je suis bien content aussi au bâton. Dans le champ, c’était un peu plus difficile parce que je venais de faire le bullpen et mon bras était un peu fatigué », a mentionné Gravel qui dévore les vidéos de ses idoles sur les réseaux sociaux comme bien des jeunes.
« Oh oui, on a tout ce qu’on veut des gars du baseball majeur, comment ils frappent, leur technique. Je regarde toujours ça, j’analyse les vidéos et j’essaie de faire comme eux », a dit celui qui raffole du jeu de Mike Trout.
Joshua Jones
« C’est l’éthique de travail, il t’écoute, il te regarde dans les yeux. Il sait comment travailler et il le fait de la bonne façon. Il ne fait rien pour rien, mais il fait tout en même temps. Son éthique de travail va l’amener à un autre niveau. Ce qu’il y a d’intéressant pour un recruteur, c’est que chaque fois qu’il voit Joshua, il est meilleur que la dernière fois. C’est vraiment important pour les recruteurs et ça fait une grosse différence dans son cas », a souligné Hockhoussen.
« Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais je suis capable d’apprendre des choses rapidement. Je suis content parce que c’est une belle qualité pour un joueur de baseball, je suis en mesure de faire des ajustements rapidement », a indiqué le fils d’Andruw Jones qui a joué de 1996 à 2012 dans le Baseball majeur.
« Ma relation est très bonne. Ça m’aide à m’ouvrir des portes et il m’a aussi donné son ADN donc c’est clair que c’est utile aussi. Mais j’essaie de définir ma carrière et non essayer de suivre la sienne », a exposé celui qui s’inspire majoritairement d’Aaron Judge.
Émilien Pitre
« On ne l’avait pas sélectionné à sa première année d’admissibilité, il y a deux ans. On l’a choisi l’an passé et tout a déboulé pour lui : il était plus vite et plus fort. Son bâton est ultra fiable, sa défense représente sa plus grande qualité. Il a un bon bras et des mains très rapides, tout ce qu’on veut d’un arrêt-court. C’est pour ça qu’il s’en va à l’Université Kentucky avec une super belle bourse. Il y avait beaucoup d’intérêt autour de lui cet été, ça lui a permis de prendre une bonne décision avec Kentucky », a raconté Hockhoussen.
« J’ai vraiment travaillé sur mon bâton. Ma défensive est déjà assez bonne. Pour moi, c’est de prendre du poids et de travailler plus fort. Je passe bien du temps avec l’entraîneur des frappeurs et l’entraîneur de musculation. J’ai toujours été un frappeur de coup sûr, pas un gars de puissance. Je le fais bien et ça m’ouvre des portes à gauche et à droite présentement », a déclaré celui qui se fait vanter pour sa vitesse.
Alfonso Villalobos
« Ça fait trois ans qu’il est avec nous. Encore là, un joueur avec un gros bâton. Un troisième-but avec un physique imposant. Il s’en va à Chipola College où Russell (Martin) et Ivan (Naccarata) sont allés. Nos meilleurs Québécois sont souvent passés par là. Dans le jargon, on appelle ça un power house. Il a convaincu Chipola College par son jeu qui est impeccable au bâton, il frappe dans le cœur de la formation depuis deux ou trois ans avec nous, c’est un élément clé. Il a toujours été proche de l’équipe nationale junior sans la faire. Ça démontre que ce n’est pas une finalité », a indiqué. Hockhoussen.
Outre ces noms, les recruteurs ont évoqué ceux de Louis-Philippe Langevin pour son « action de bras intéressante donc on peut prévoir une belle progression » et Robin Villeneuve puisqu’il « lance et frappe en étant bon aux deux places ».