(D'après AP) - Il y a maintenant 33 ans, le releveur Jim Bouton choquait le monde du sport avec le lancement du livre "Ball Four". En racontant ce qu'il a vécu au cours de la saison 1969 avec les Pilots de Seattle et les Astros de Houston, Bouton a secoué et alarmé le monde du baseball, et le public. C'est que plus d'un n'ont pas apprécié que l'on associe le baseball à toutes sortes d'histoires sur l'usage des drogues et alcools.

Contredit et ostracisé par la communauté du baseball pour avoir brossé un portrait vigoureux du sport qu'il aimait, Bouton a aujourd'hui l'air d'un voyant, et ses contemporains avaient l'air de petits anges si on les compare aux joueurs modernes.

Pas besoin de faire le tour des stades des années 2000, un seul coup d'oeil dans les pages sportives suffit, pour s'apercevoir que le passe-temps favori du peuple américain a radicalement changé.

"J'ai vu cela venir il y a longtemps", mentionne Bouton. "Jadis, j'avais dit que s'il existait une pilule pour permettre de remporter vingt victoires, mais que pour ce faire, il faudrait réduire ta carrière de cinq ans, les joueurs l'auraient avalé sans y penser à deux fois".

Deux générations, même discours

À l'époque de Bouton, les drogues étaient plus "vertes". Aujourd'hui, ces drogues ont, entre autres, été remplacées par l'androsténédione, les stéroïdes et l'éphédrine. Et au lieu de lire les récits de Bouton, on se régale aujourd'hui de ceux de Jose Canseco, Ken Caminiti et David Wells.

Tout comme les histoires de Bouton, celles des joueurs modernes ne sont pas parfaites et leur légitimité peut être questionnée. Wells a renoncé à certaines déclarations bizarres après avoir été mis à l'amende par les Yankees. Canseco, qui affirmait que 85% des joueurs consommaient des stéroïdes, vient à peine de sortir de prison. De son côté, Caminiti a attendu de se retirer avant de déballer son sac.

Malgré tout, les mots baseball et drogue sont pratiquement indissociables dans les manchettes.

Il y a cinq ans, l'excitation entourant la chasse au record de Roger Maris de Mark McGwire a brièvement été entaché quand on a appris que Big Mac consommait de l'androsténédione, une substance légale mais considérée comme le précurseur des stéroïdes.

De son côté, le voltigeur des Giants Barry Bonds a soudainement transformé sa charpente. Du jour au lendemain, il est passé d'un frappeur de simples et de doubles à un redoutable tas de muscles qui défonce les clôtures. Malgré des changement morphologiques plus que visibles, Bonds se dit blanc comme neige. Et il y a quelques semaines, Steve Bechler, un prospect des Orioles de Baltimore, est décédé alors que des traces de l'éphédrine ont été découvertes dans son système.

"Je ne peux faire de suppositions", affirme le joueur d'arrêt-court des Reds Barry Larkin, un vétéran de 18 ans dans les majeures. "Je ne sais pas comment certains joueurs deviennent plus gros et plus forts, mais il y a des joueurs qui deviennent plus gros et plus forts".

Depuis 1983, le nombre de coups de circuit a augmenté de 40%, selon les chiffres obtenus au Elias Sports Bureau. L'utilisation des stéroïdes ne serait qu'une des théories pour expliquer cette hausse. Parmi les autres explications, on note la dilution du talent des lanceurs depuis l'expansion et la construction de plus petits stades.

Tests de dépistage

Pendant ce temps, le Baseball majeur réagit lentement...

Dans la foulée des allégations sur l'usage des stéroïdes, alors que l'on négociait un nouveau contrat de travail, les propriétaires et le syndicat des joueurs ont accepté l'introduction de tests de dépistage pour la première fois.

Cette politique prévoit que tous les joueurs devront subir un test de dépistage au cours de la saison 2003. Au cours de la même année, 240 joueurs seront testés de manière aléatoire. Si plus de 5% testent positif, un nouveau pas sera franchi en 2004 alors que seront imposées des pénalités pour les joueurs trouvés coupables. Toutefois, en 2003, les joueurs positifs aux stéroïdes ne seront pas punis -- ou même identifiés.

On ne prévoit toutefois rien pour la cocaïne et la marijuana.

Il s'agit d'une politique plutôt faible si on la compare à celles qui prévalent dans la NFL, la NCAA et au sein du CIO. Les trois organismes prévoient des peines beaucoup plus rigoureuses aux coupables.

"Je ne crois pas que deux médecins et deux avocats du baseball seront en mesure de travailler adéquatement", croit le Dr. Gary Wadler du comité de recherche médicale de l'AMA, un critique virulent de la politique du baseball.

Il est difficile de déterminer comment le spectre qui plane au-dessus du monde du baseball affecte les relations publiques. Les assistances ont diminué de 6% la saison dernière et la Série mondiale a enregistré ses plus faibles cotes d'écoute de l'histoire. Mais pendant des entrevues menées avec une vingtaine de partisans avant un match Reds-Phillies pendant le camp d'entraînement, tous ont mentionné que la menace de grève les avaient plus dérangé que la question de la drogue.

"Ça ne me dérange pas vraiment", pense Wilbur Snapp, qui assiste au camp des Phillies depuis 21 ans. "Mais je ne comprends pas comment des gars qui gagnent des millions de dollars peuvent prendre des risques avec ça (les drogues)".

Quand Bechler a rendu l'âme le 17 février, le baseball est encore une fois devenu le point de mire. Le commissaire Bud Selig a répondu en bannissant l'éphédrine -- une herbe normalement trouvée dans certaines diètes -- auprès des joueurs détenant un contrat des ligues mineures. L'Association des joueurs a pour sa part distribué un mémo aux joueurs afin de les décourager de consommer ce produit.

Mais il est trop tôt pour dire si l'avertissement a eu un quelconque impact.

"Avant, je n'aurais pas eu peur de consommer ce produit. Mais avec ce que j'ai entendu sur le sujet, je refuserais d'en prendre", indique le receveur des Phillies Mike Lieberthal.

Même si les autres sports ont déjà banni l'éphédrine, plusieurs joueurs du baseball affirment qu'il y a ici un non-sens si le produit est toujours en vente libre.

Mais c'est une toute autre question en ce qui a trait aux stéroïdes.

En juillet dernier, dans un sondage mené par le USA Today, 79% des joueurs ont mentionné être d'accord avec des tests de dépistage aux stéroïdes. Même si l'Association des joueurs appuie faiblement le système proposé, les joueurs sentent l'urgence d'agir. Pour eux, il s'agit d'une manière de légitimer leurs exploits.

"Plusieurs amateurs m'ont accusé d'avoir consommé des stéroïdes", indique le voltigeur des D-Backs de l'Arizona Luis Gonzalez, qui a frappé 57 circuits en 2001. "Quand un joueur comme Caminiti, avec qui j'ai déjà joué, lance de telles affirmations, ça diminue nos exploits, même si nous n'avons rien à nous reprocher. Voilà pourquoi je veux être testé".

Sorti du baseball depuis plus de trois décennies, Bouton pense que les tests proposés en vue de la saison 2003 ne feront pas changer les choses. Bref, il ne semble pas très optimiste quant à l'avenir du sport.

"Ces drogues sont dangereuses. Même si on ne peut les éradiquer, on peut au moins s'arranger pour que les joueurs aient de la difficulté à s'en procurer. Quiconque est heureux avec le système en place présentement est bouché".