Lorsqu’Alex Anthopoulos a dévoilé le nom de son nouveau gérant le 20 novembre 2012, plusieurs avaient la même question en tête. Pourquoi ramener John Gibbons? Des gérants tels que Jim Tracy étaient disponibles et pourtant le choix d’Anthopoulos s’était arrêté sur celui que les Jays avaient eux-mêmes congédié le 20 juin 2008.

Clairement, Gibbons sait se vendre et plusieurs pensaient dont celui qui écrit ces lignes qu’Anthopoulos s’était fait passer un sapin. De toutes les décisions qu’Anthopoulos a prises jusqu’ici, celle d’embaucher Gibbons m’apparaissait la pire et de loin.

D’ailleurs, à la première saison de Gibbons à titre de gérant en 2013, les Jays ont déçu en terminant au dernier rang de leur division malgré cvinq joueurs qui ont réussi plus de 20 circuits (Arencibia  21, Encarnacion 36, Rasmus 22, Bautista 28 et Lind 23). Une amélioration en 2014 certes, mais une fois de plus, en deçà des attentes avec une fiche de 83-79, au 3e rang de leur division, à 13 matchs des Orioles et du premier rang.

On avait l’impression que 2015 s’amorçait une fois de plus comme les deux années précédentes, et ce malgré les ajouts de Russell Martin et Josh Donaldson. Après 50 matchs, les Jays avaient une fiche de 23-27. Malgré une excellente relation avec les médias torontois, Gibbons se faisait critiquer de plus en plus. On avait la ferme impression qu’il n’était même pas intéressé par le rendement de l’équipe, toujours bien assis, ou devrais-je dire bien étendu dans l’abri.

J’ai toujours pensé et je le pense encore, une équipe joue comme elle est menée. Je ne vous dis pas que le gérant doit être aussi intense que ses joueurs. Je dis simplement que le gérant doit être toujours une manche d’avance sinon deux dans ses pensées. En prenant des décisions réfléchies, tout en démontrant de l’intérêt... Tout ça mène à un respect des joueurs et une meilleure compréhension de la vision du gérant.

Gibbons a sauvé son emploi en juin. Je suis convaincu que si les Jays avaient terminé le mois de juin avec une fiche négative, Anthopoulos, qui en est à sa dernière année de contrat, n’aurait pas eu le choix de remercier son bon ami. Il y a eu cette belle séquence de 11 victoires du 2 au 14 juin qui a ramené les Jays à une fiche respectable de 34-30.

Le gérant a enfin trouvé son releveur numéro un en Roberto Osuna, qui a sauvegardé son premier match le 22 juin et en a maintenant 16 à sa fiche. La blessure d'Aaron Sanchez en juin à permis à Gibbons de jongler avec ses partants. Ainsi, lorsque Sanchez est revenu au jeu, on n’a pas hésité à le placer en 8e manche question de préparer la table à Osuna. En agissant ainsi, les Jays sont passés d’une des pires équipes en fin de match à une des meilleures.

Des leaders à la tonne

Il y a donc eu de bonnes décisions dans tout ça, mais Gibbons n’est pas pour autant un meilleur gérant. Je crois simplement qu’il est un bon gérant pour le groupe de joueurs en place.  Le « leadership », il y en a à la tonne dans ce vestiaire. Les acquisitions de Russell et de Donaldson s’ajoutaient déjà au « leadership » exercé par plusieurs, dont Jose Bautista, R.A. Dickey, Mark Buerhle et compagnie.

Dans le fond, Anthopoulos a donné toutes les munitions à son gérant pour qu’il paraisse bien et qu'il puisse réussir. Avec une telle direction et une telle attitude chez les joueurs, comment peut-il échouer? Les transactions de Ben Revere, Mark Lowe, Cliff Pennington et David Price s’avèrent des plus importantes, mais celle qui a tout changé est certes celle qui a sorti Jose Reyes de Toronto et évidemment l’entrée en scène de Troy Tulowitzki. Même si Reyes était populaire parmi certains coéquipiers comme Bautista, son départ a créé plus de sérieux et ainsi un meilleur esprit d’équipe. Rappelez-vous les commentaires de Bautista qui s'interrogeait sur cette transaction en disant que l’on n’avait pas besoin d’un autre joueur d’arrêt-court. Plusieurs lui ont fait comprendre, dont Gibbons, et depuis, l’équipe s’en porte que mieux.

Avec tous ces éléments en place, Gibbons n’a plus le choix, il doit gérer. Et sans dire qu’il fait un travail remarquable, au moins, il gère! Il est, la plupart du temps, debout ou sur les marches de l'abri en train, j’imagine de réfléchir une ou deux manches à l’avance.  Si les Jays confirment leur présence en séries, Anthopoulos aura gagné son pari, incluant l’embauche de Gibbons.

Comment prévoir qu’avec un autre gérant, le résultat n’aurait pas été le même ou pire encore? Je répète souvent à qui veut l’entendre : le baseball est un sport qui permet de te racheter. Voilà une occasion en or pour John Gibbons de se racheter. Je ne suis pas plus un partisan de Gibbons, mais il a mon respect si son équipe se rend en séries. Et si les Jays atteignent les séries et se rendent assez loin, j’espère que le gérant des Jays invitera Anthopoulos à souper. Il lui doit bien ça!