Dodgertown languit dans la solitude
Baseball samedi, 14 févr. 2009. 15:45 jeudi, 12 déc. 2024. 00:49
VERO BEACH, Floride - Les lanceurs et les receveurs ne se présenteront pas pour la première journée du camp d'entraînement.
Les trottoirs faits de coquillages aplatis n'arborent aucune trace de pieds. Les vieux sièges, dont certains sont fendillés ou manquent un accoudoir, sont inoccupés. Le tableau qui servait à afficher le rôle des frappeurs sur la passerelle des médias n'inclut aucun nom.
Mis à part le bruissement des palmiers et le cognement des câbles sur les mâts, Dodgertown, pendant des décennies le site d'entraînement des Dodgers de Los Angeles, est silencieux.
Disparue, l'Avenue Jackie Robinson. Idem la Promenade Don Drysdale et l'Allée Vin Scully. On y voit bien quelques bouteilles d'alcool au bar du centre de conférence et des photos en noir et blanc le long des corridors. Et on peut encore percevoir une certaine odeur de transpiration dans le vestiaire. Mais surtout, il ne reste que des souvenirs.
Pour la première fois en 61 ans, il n'y aura pas de lancer protocolaire sur le complexe d'entraînement par excellence du baseball majeur.
"C'est le cafard qui suit l'autopsie", a décrit le préposé au terrain Steve Carlsward, coiffé d'une casquette au logo délavé des Dodgers. "Je travaille tous les jours pour entretenir un terrain sur lequel personne ne joue, et où personne ne jouera peut-être plus jamais."
Vers la fin du camp de 2008, lorsque spectateurs et légendes du baseball ont pleuré ensemble lors du dernier match préparatoire des Dodgers à Vero Beach, tous avaient de la difficulté à concevoir que l'équipe partagerait, dorénavant, un complexe d'entraînement avec les White Sox de Chicago à Glendale en Arizona. Mais il semblait encore plus inconcevable qu'une autre organisation du baseball majeur n'occuperait pas ce site un an plus tard.
Les Orioles de Baltimore semblaient destinés à faire leur nid à Dodgertown, mais les négociations ont éventuellement achoppé. Or, les Orioles s'apprêtent à conclure une entente pour transférer leurs activités printanières à Fort Myers tandis que les autres organisations ont signé des pactes à long terme.
Tout indique qu'il faudra attendre des années avant qu'une équipe du baseball majeur ne s'entraîne de nouveau à Dodgertown. Et qui sait, peut-être ce rêve ne se concrétisera jamais.
"C'est comme si je marchais dans une ville-fantôme", avoue le maire-adjoint de Vero Beach, Tom White.
En agonie
Même maintenant, malgré son allure plus délabrée, Dodgertown revêt un cachet unique.
Le chaleureux Holman Stadium ne compte que 17 rangées de sièges. Les abris des joueurs ne sont pas de vrais abris, car ils n'ont pas de toit. Jusqu'à il y a environ dix ans, aucune clôture ne ceinturait le champ extérieur; des palmiers séparaient les voltigeurs d'une colline gazonnée.
Mais les fameux points de repère du complexe d'entraînement ont graduellement disparu ou perdu de leur lustre.
Le lac en forme de poire, que le regretté propriétaire Walter O'Malley avait fait creuser pour "y voir son coeur" lorsqu'il le survolerait en avion, abonde d'algues. Le terrain de golf, aménagé à l'origine pour accueillir les joueurs de race noire de l'équipe parce qu'ils n'étaient pas admis en ville, est fermé depuis de nombreuses années. L'herbe a bruni et le parcours est raboteux. La limite de vitesse de 17 km/h (11 m/h) est inutile car aucune voiture ne franchit les barrières entourant le complexe d'entraînement.
"Le site tombe en ruines", déplore Jerry Reuss, un ancien lanceur des Dodgers, maintenant analyste aux matchs de l'équipe. "Le temps a fait son oeuvre."
La présence des Dodgers autour du complexe se dissipe également.
L'école primaire Dodgertown se cherche un nouveau nom. L'annuaire téléphonique de la localité, rehaussé d'une photo du releveur Jonathan Broxton en page couverture il y a un an, n'a plus aucun lien avec le baseball.
De nombreux restaurants ont cessé leurs opérations. Vendre une maison et trouver preneur pour un appartement sont des missions presque impossibles, en raison de l'économie en chute libre et la rareté des touristes printaniers.
Une centaine de personnes ont été mis à pied uniquement sur le site de Dodgertown, confirme Nancy Gollnick, adjointe au vice-président du complexe des ligues mineures chez les Dodgers. Quelques employés, dont elle-même, ont été invités à déménager avec l'équipe en Arizona, mais ils ont refusé. Ce printemps, elle facilitera la transition, puis perdra son emploi.
"Ça vous brise le coeur", admet Gollnick, en refoulant les larmes. "Nous formons une famille ici, et nous sommes tous dévastés."
Carlsward, qui soignait le terrain d'entraînement des Dodgers depuis 27 ans, souhaite revoir des matchs de baseball printaniers un jour à Vero Beach.
"Je veux que tout soit parfait quand une équipe se manifestera. Je veux me souvenir de ce site pour ce qu'il a été : un lieu sacré."
Les trottoirs faits de coquillages aplatis n'arborent aucune trace de pieds. Les vieux sièges, dont certains sont fendillés ou manquent un accoudoir, sont inoccupés. Le tableau qui servait à afficher le rôle des frappeurs sur la passerelle des médias n'inclut aucun nom.
Mis à part le bruissement des palmiers et le cognement des câbles sur les mâts, Dodgertown, pendant des décennies le site d'entraînement des Dodgers de Los Angeles, est silencieux.
Disparue, l'Avenue Jackie Robinson. Idem la Promenade Don Drysdale et l'Allée Vin Scully. On y voit bien quelques bouteilles d'alcool au bar du centre de conférence et des photos en noir et blanc le long des corridors. Et on peut encore percevoir une certaine odeur de transpiration dans le vestiaire. Mais surtout, il ne reste que des souvenirs.
Pour la première fois en 61 ans, il n'y aura pas de lancer protocolaire sur le complexe d'entraînement par excellence du baseball majeur.
"C'est le cafard qui suit l'autopsie", a décrit le préposé au terrain Steve Carlsward, coiffé d'une casquette au logo délavé des Dodgers. "Je travaille tous les jours pour entretenir un terrain sur lequel personne ne joue, et où personne ne jouera peut-être plus jamais."
Vers la fin du camp de 2008, lorsque spectateurs et légendes du baseball ont pleuré ensemble lors du dernier match préparatoire des Dodgers à Vero Beach, tous avaient de la difficulté à concevoir que l'équipe partagerait, dorénavant, un complexe d'entraînement avec les White Sox de Chicago à Glendale en Arizona. Mais il semblait encore plus inconcevable qu'une autre organisation du baseball majeur n'occuperait pas ce site un an plus tard.
Les Orioles de Baltimore semblaient destinés à faire leur nid à Dodgertown, mais les négociations ont éventuellement achoppé. Or, les Orioles s'apprêtent à conclure une entente pour transférer leurs activités printanières à Fort Myers tandis que les autres organisations ont signé des pactes à long terme.
Tout indique qu'il faudra attendre des années avant qu'une équipe du baseball majeur ne s'entraîne de nouveau à Dodgertown. Et qui sait, peut-être ce rêve ne se concrétisera jamais.
"C'est comme si je marchais dans une ville-fantôme", avoue le maire-adjoint de Vero Beach, Tom White.
En agonie
Même maintenant, malgré son allure plus délabrée, Dodgertown revêt un cachet unique.
Le chaleureux Holman Stadium ne compte que 17 rangées de sièges. Les abris des joueurs ne sont pas de vrais abris, car ils n'ont pas de toit. Jusqu'à il y a environ dix ans, aucune clôture ne ceinturait le champ extérieur; des palmiers séparaient les voltigeurs d'une colline gazonnée.
Mais les fameux points de repère du complexe d'entraînement ont graduellement disparu ou perdu de leur lustre.
Le lac en forme de poire, que le regretté propriétaire Walter O'Malley avait fait creuser pour "y voir son coeur" lorsqu'il le survolerait en avion, abonde d'algues. Le terrain de golf, aménagé à l'origine pour accueillir les joueurs de race noire de l'équipe parce qu'ils n'étaient pas admis en ville, est fermé depuis de nombreuses années. L'herbe a bruni et le parcours est raboteux. La limite de vitesse de 17 km/h (11 m/h) est inutile car aucune voiture ne franchit les barrières entourant le complexe d'entraînement.
"Le site tombe en ruines", déplore Jerry Reuss, un ancien lanceur des Dodgers, maintenant analyste aux matchs de l'équipe. "Le temps a fait son oeuvre."
La présence des Dodgers autour du complexe se dissipe également.
L'école primaire Dodgertown se cherche un nouveau nom. L'annuaire téléphonique de la localité, rehaussé d'une photo du releveur Jonathan Broxton en page couverture il y a un an, n'a plus aucun lien avec le baseball.
De nombreux restaurants ont cessé leurs opérations. Vendre une maison et trouver preneur pour un appartement sont des missions presque impossibles, en raison de l'économie en chute libre et la rareté des touristes printaniers.
Une centaine de personnes ont été mis à pied uniquement sur le site de Dodgertown, confirme Nancy Gollnick, adjointe au vice-président du complexe des ligues mineures chez les Dodgers. Quelques employés, dont elle-même, ont été invités à déménager avec l'équipe en Arizona, mais ils ont refusé. Ce printemps, elle facilitera la transition, puis perdra son emploi.
"Ça vous brise le coeur", admet Gollnick, en refoulant les larmes. "Nous formons une famille ici, et nous sommes tous dévastés."
Carlsward, qui soignait le terrain d'entraînement des Dodgers depuis 27 ans, souhaite revoir des matchs de baseball printaniers un jour à Vero Beach.
"Je veux que tout soit parfait quand une équipe se manifestera. Je veux me souvenir de ce site pour ce qu'il a été : un lieu sacré."