Jays : le pari risqué d'Alex Anthopoulos
Baseball lundi, 17 déc. 2012. 22:41 dimanche, 15 déc. 2024. 12:33
Par Stéphane Morneau - C'est ironique de penser qu'un Montréalais ambitieux possède entre ses mains le présent et l'avenir des Blue Jays de Toronto.
Pourtant, il s'agit de la situation présentement dans la Ville Reine. Alex Anthopoulos est tout le contraire de discret depuis l'ouverture de la « saison morte » du baseball majeur et démontre qu'il n'a pas peur de mettre sa tête sur le bûcher pour le bien de son équipe.
Sauf que les manœuvres ambitieuses du jeune DG des Jays ne constituent pas une surprise, en soi, dans la mesure où il n'a jamais hésité quand venait le temps de brouiller les cartes.
Ayant débuté sa carrière au sein de l'organisation des Expos de Montréal en 2000, Anthopoulos a ensuite fait le saut à Toronto en 2003, gravissant un à un les échelons chez les Jays jusqu'à ce qu'il atteigne le poste de directeur-gérant en 2009, à la suite du congédiement de J. P. Ricciardi.
À ses débuts comme DG, Anthopoulos s'est fortement impliqué dans la fameuse transaction envoyant Roy Halladay aux Phillies de Philadelphie en retour, notamment, de Kyle Drabek, Travis D'Arnaud et Michael Taylor. En cédant Halladay aux Phillies, les Jays effectuaient un virage vers l'avenir qui a permis pour un temps à Anthopoulos d'agir sans trop avoir de pression reliée à la performance.
C'est cette absence de pression qui lui a permis de tenter sa chance en transigeant pour obtenir un Colby Rasmus mécontent avec les Cards en 2011. C'est aussi cette latitude qui lui a permis d'expédier Vernon Wells et son faramineux contrat aux Angels en retour de Mike Napoli, toujours en 2011.
De 2009 à 2012, Anthopoulos a conclu plusieurs petites transactions discrètes lui permettant d'obtenir de la profondeur et des choix au repêchage. Une approche conservatrice pour un DG qui apprenait les rouages du métier.
L'hiver 2012, après trois ans de gestation, sonne donc le changement de ton officiel du discours d'Anthopoulos qui se refuse désormais de n'être qu'un spectateur dans la division est de l'Américaine. Devant le virage plus économique des Red Sox de Boston et les problèmes multiples des Yankees de New York, Anthopoulos a fait le grand saut pour finalement attaquer la tête de la division et peut-être même rêver à un retour en Série mondiale.
C'est Joe Carter qui doit sourire dans sa barbe.
D'abord, Anthopoulos a fait trembler le monde du baseball en transigeant avec les Marlins de Miami. La manœuvre, permettant aux Jays d'amener Jose Reyes, Josh Johnson et Mark Buehrle, casse le régime plus radin des Jays qui n'ont pas l'habitude de faire sauter la banque avec des contrats exorbitants.
Il a demandé la permission d'ouvrir les valves sur le plan des dépenses et il a livré la marchandise très rapidement.
Ensuite, il a fait l'acquisition de R.A Dickey, coiffant sa rotation d'un as fraîchement sortie d'une saison formidable qui lui a mérité le trophée Cy Young dans la Nationale.
En deux temps, les Blue Jays ont abandonné le statut d'équipe discrète, coincée dans la division la plus exigeante du baseball, embrassant plutôt le rôle d'aspirant au trône d'un royaume où les dollars, plus que les performances, font foi de tout.
Toutes ces manœuvres d'Anthopoulos sont et seront bénéfiques pour les Blue Jays qui n'ont plus le lustre d'antan et n'attirent pas les joueurs d'impact en quête de gloire. Sauf qu'en contrepartie, c'est Anthopoulos qui met son emploi en jeu en prenant ces risques. À partir d'aujourd'hui, il ne peut plus accuser la malchance, l'absence de moyens ou les erreurs du passé pour justifier les saisons ordinaires. Il vient de façonner une équipe à son image, prometteuse et ambitieuse, et doit en assumer toutes les retombées.
Les Jays se doivent de gagner, maintenant, ou sinon tout le blâme tombera sur les épaules d'Anthopoulos et sa trop grande ambition.
Gros dollars, grosses responsabilités
Avant les transactions de cet hiver, un seul joueur des Jays commandait un salaire de plus de 6 millions de dollars : Jose Bautista (14 millions).
Anthopoulos a donc ajouté les salaires de Johnson (13,75 millions), Dickey (environ 12 millions), Reyes (10 millions), et Buehrle (7 millions). Il a aussi offert un contrat de deux à Melky Cabrera qui empochera 6 millions par année.
En augmentant de près de 50 millions de dollars la masse salariale de l'équipe pour la saison 2013, le temps n'est pas l'allié des Jays. Les attentes ont drastiquement changé envers l'équipe sans même avoir mis les pieds sur le terrain ne serait-ce qu'une seule fois.
Les attentes, la plupart du temps, font rouler des têtes quand le train déraille.
Hypothéquer l'avenir
Un autre aspect non négligeable des manœuvres d'Anthopoulos, c'est qu'elles influencent l'avenir des Jays qui devront assumer le tout, pour le meilleur et pour le pire.
Pour obtenir les services de R.A. Dickey, Anthopoulos s'est départi du jeune receveur Travis D'Arnaud et de l'intrigant lanceur Noah Syndergaard. Respectivement, les deux jeunes joueurs étaient au sommet des espoirs de l'organisation, plus particulièrement D'Arnaud qui est considéré par plusieurs experts comme le meilleur espoir derrière le marbre de tout le baseball majeur. Les plus optimistes voient même le prochain Mike Piazza dans les crampons de D'Arnaud.
C'est une facture salée pour obtenir les services d'un lanceur de 38 ans qui préconise un style peu orthodoxe (la balle papillon) en plus de présenter une variation qui n'a pas de précédent dans toute l'histoire du baseball (la balle papillon rapide). À savoir si la carrière de Dickey se prolongera plus de trois ans, votre estimation est aussi bonne que la mienne.
Si D'Arnaud devient ne serait-ce que la moitié du joueur que l'on projette en lui, la décision de le laisser partir pourrait revenir hanter Anthopoulos, et ce même si Dickey connaît du succès avec les Jays.
Pour se permettre une telle chose, Anthopoulos doit être très persuadé que les Jays peuvent rebondir dès maintenant et permettre aux partisans d'oublier le risque qu'il vient de courir.
Comme tous bons parieurs, Anthopoulos se doit d'avoir la mémoire courte.
Il y a aussi l'implication financière qui ne se terminera pas demain matin pour les Blue Jays, qu'ils retrouvent le chemin de la victoire ou non.
Jose Reyes est sous contrat jusqu'en 2016, Buehrle jusqu'en 2015 et R.A. Dickey sera dans les livres pour au moins trois saisons. Il ne s'agit pas ici d'un investissement aussi lourd que les Angels ont fait avec Josh Hamilton et Albert Pujols, par exemple, mais il s'agit quand même d'une position inhabituelle pour les Blue Jays.
Des attentes réalistes?
Ici, les positions sont aussi variables que les trajectoires des lancers de Dickey.
Certains se mouillent et favorisent les Blue Jays pour la prochaine Série mondiale. D'autres pensent qu'ils vont encore se cogner le nez dans la trainée laissée par les Yankees et les Red Sox.
La réalité réside fort probablement entre les deux.
Une chose est sûre cependant, un dossier de 73-89 (comme en 2012) est désormais inacceptable pour les Blue Jays, Anthopoulos et la nouvelle ambition de l'organisation.
Anthopoulos se retrouve avec l'heureux problème d'avoir le moyen de ses ambitions, dans la mesure où il devra répondre à l'appel autant pour les bonnes que les mauvaises nouvelles qui suivront.
Un pari risqué, sans doute, mais un pari qui pourrait payer, et ce, très bientôt. Comme quoi la victoire, sans péril, n'est pas aussi glorieuse qu'on le voudrait. Un principe qui n'échappe pas au DG des Jays qui peut déjà se vanter d'avoir ravivé la flamme du baseball au Canada, un exploit peu banal au pays du hockey et de l'hiver.
Pourtant, il s'agit de la situation présentement dans la Ville Reine. Alex Anthopoulos est tout le contraire de discret depuis l'ouverture de la « saison morte » du baseball majeur et démontre qu'il n'a pas peur de mettre sa tête sur le bûcher pour le bien de son équipe.
Sauf que les manœuvres ambitieuses du jeune DG des Jays ne constituent pas une surprise, en soi, dans la mesure où il n'a jamais hésité quand venait le temps de brouiller les cartes.
Ayant débuté sa carrière au sein de l'organisation des Expos de Montréal en 2000, Anthopoulos a ensuite fait le saut à Toronto en 2003, gravissant un à un les échelons chez les Jays jusqu'à ce qu'il atteigne le poste de directeur-gérant en 2009, à la suite du congédiement de J. P. Ricciardi.
À ses débuts comme DG, Anthopoulos s'est fortement impliqué dans la fameuse transaction envoyant Roy Halladay aux Phillies de Philadelphie en retour, notamment, de Kyle Drabek, Travis D'Arnaud et Michael Taylor. En cédant Halladay aux Phillies, les Jays effectuaient un virage vers l'avenir qui a permis pour un temps à Anthopoulos d'agir sans trop avoir de pression reliée à la performance.
C'est cette absence de pression qui lui a permis de tenter sa chance en transigeant pour obtenir un Colby Rasmus mécontent avec les Cards en 2011. C'est aussi cette latitude qui lui a permis d'expédier Vernon Wells et son faramineux contrat aux Angels en retour de Mike Napoli, toujours en 2011.
De 2009 à 2012, Anthopoulos a conclu plusieurs petites transactions discrètes lui permettant d'obtenir de la profondeur et des choix au repêchage. Une approche conservatrice pour un DG qui apprenait les rouages du métier.
L'hiver 2012, après trois ans de gestation, sonne donc le changement de ton officiel du discours d'Anthopoulos qui se refuse désormais de n'être qu'un spectateur dans la division est de l'Américaine. Devant le virage plus économique des Red Sox de Boston et les problèmes multiples des Yankees de New York, Anthopoulos a fait le grand saut pour finalement attaquer la tête de la division et peut-être même rêver à un retour en Série mondiale.
C'est Joe Carter qui doit sourire dans sa barbe.
D'abord, Anthopoulos a fait trembler le monde du baseball en transigeant avec les Marlins de Miami. La manœuvre, permettant aux Jays d'amener Jose Reyes, Josh Johnson et Mark Buehrle, casse le régime plus radin des Jays qui n'ont pas l'habitude de faire sauter la banque avec des contrats exorbitants.
Il a demandé la permission d'ouvrir les valves sur le plan des dépenses et il a livré la marchandise très rapidement.
Ensuite, il a fait l'acquisition de R.A Dickey, coiffant sa rotation d'un as fraîchement sortie d'une saison formidable qui lui a mérité le trophée Cy Young dans la Nationale.
En deux temps, les Blue Jays ont abandonné le statut d'équipe discrète, coincée dans la division la plus exigeante du baseball, embrassant plutôt le rôle d'aspirant au trône d'un royaume où les dollars, plus que les performances, font foi de tout.
Toutes ces manœuvres d'Anthopoulos sont et seront bénéfiques pour les Blue Jays qui n'ont plus le lustre d'antan et n'attirent pas les joueurs d'impact en quête de gloire. Sauf qu'en contrepartie, c'est Anthopoulos qui met son emploi en jeu en prenant ces risques. À partir d'aujourd'hui, il ne peut plus accuser la malchance, l'absence de moyens ou les erreurs du passé pour justifier les saisons ordinaires. Il vient de façonner une équipe à son image, prometteuse et ambitieuse, et doit en assumer toutes les retombées.
Les Jays se doivent de gagner, maintenant, ou sinon tout le blâme tombera sur les épaules d'Anthopoulos et sa trop grande ambition.
Gros dollars, grosses responsabilités
Avant les transactions de cet hiver, un seul joueur des Jays commandait un salaire de plus de 6 millions de dollars : Jose Bautista (14 millions).
Anthopoulos a donc ajouté les salaires de Johnson (13,75 millions), Dickey (environ 12 millions), Reyes (10 millions), et Buehrle (7 millions). Il a aussi offert un contrat de deux à Melky Cabrera qui empochera 6 millions par année.
En augmentant de près de 50 millions de dollars la masse salariale de l'équipe pour la saison 2013, le temps n'est pas l'allié des Jays. Les attentes ont drastiquement changé envers l'équipe sans même avoir mis les pieds sur le terrain ne serait-ce qu'une seule fois.
Les attentes, la plupart du temps, font rouler des têtes quand le train déraille.
Hypothéquer l'avenir
Un autre aspect non négligeable des manœuvres d'Anthopoulos, c'est qu'elles influencent l'avenir des Jays qui devront assumer le tout, pour le meilleur et pour le pire.
Pour obtenir les services de R.A. Dickey, Anthopoulos s'est départi du jeune receveur Travis D'Arnaud et de l'intrigant lanceur Noah Syndergaard. Respectivement, les deux jeunes joueurs étaient au sommet des espoirs de l'organisation, plus particulièrement D'Arnaud qui est considéré par plusieurs experts comme le meilleur espoir derrière le marbre de tout le baseball majeur. Les plus optimistes voient même le prochain Mike Piazza dans les crampons de D'Arnaud.
C'est une facture salée pour obtenir les services d'un lanceur de 38 ans qui préconise un style peu orthodoxe (la balle papillon) en plus de présenter une variation qui n'a pas de précédent dans toute l'histoire du baseball (la balle papillon rapide). À savoir si la carrière de Dickey se prolongera plus de trois ans, votre estimation est aussi bonne que la mienne.
Si D'Arnaud devient ne serait-ce que la moitié du joueur que l'on projette en lui, la décision de le laisser partir pourrait revenir hanter Anthopoulos, et ce même si Dickey connaît du succès avec les Jays.
Pour se permettre une telle chose, Anthopoulos doit être très persuadé que les Jays peuvent rebondir dès maintenant et permettre aux partisans d'oublier le risque qu'il vient de courir.
Comme tous bons parieurs, Anthopoulos se doit d'avoir la mémoire courte.
Il y a aussi l'implication financière qui ne se terminera pas demain matin pour les Blue Jays, qu'ils retrouvent le chemin de la victoire ou non.
Jose Reyes est sous contrat jusqu'en 2016, Buehrle jusqu'en 2015 et R.A. Dickey sera dans les livres pour au moins trois saisons. Il ne s'agit pas ici d'un investissement aussi lourd que les Angels ont fait avec Josh Hamilton et Albert Pujols, par exemple, mais il s'agit quand même d'une position inhabituelle pour les Blue Jays.
Des attentes réalistes?
Ici, les positions sont aussi variables que les trajectoires des lancers de Dickey.
Certains se mouillent et favorisent les Blue Jays pour la prochaine Série mondiale. D'autres pensent qu'ils vont encore se cogner le nez dans la trainée laissée par les Yankees et les Red Sox.
La réalité réside fort probablement entre les deux.
Une chose est sûre cependant, un dossier de 73-89 (comme en 2012) est désormais inacceptable pour les Blue Jays, Anthopoulos et la nouvelle ambition de l'organisation.
Anthopoulos se retrouve avec l'heureux problème d'avoir le moyen de ses ambitions, dans la mesure où il devra répondre à l'appel autant pour les bonnes que les mauvaises nouvelles qui suivront.
Un pari risqué, sans doute, mais un pari qui pourrait payer, et ce, très bientôt. Comme quoi la victoire, sans péril, n'est pas aussi glorieuse qu'on le voudrait. Un principe qui n'échappe pas au DG des Jays qui peut déjà se vanter d'avoir ravivé la flamme du baseball au Canada, un exploit peu banal au pays du hockey et de l'hiver.