MONTRÉAL – Au fil des ans, Phillippe Aumont a surmonté plusieurs obstacles pour rebondir au monticule. L’artilleur de 31 ans ne peut toutefois rien contre la pandémie de la COVID-19 qui l’a freiné au camp d’entraînement des Blue Jays de Toronto en plus de l’empêcher de participer aux Jeux olympiques à Tokyo.

Ce n’est pas tout, s’il était parvenu à convaincre les Jays de ne pas le retrancher, il aurait participé, cette semaine, aux matchs préparatoires du club au Stade olympique face aux Yankees de New York.

Preuve qu’il a évolué psychologiquement, Aumont demeure somme toute serein face à ces imprévus de la vie. C’est le cas même s’il doit s’astreindre à une quarantaine à distance de sa conjointe et sa petite fille.

«J’ai un lien très serré avec mes chiens et mon chat. Je progresse aussi au jeu vidéo Call of Duty», a décrit Aumont, en riant, qui est revenu en sol canadien une journée avant que Justin Trudeau annonce la fermeture de la frontière canado-américaine aux déplacements non essentiels.

Si tout se passe bien, il pourra donc retrouver les deux femmes de sa vie dans une semaine. Cette attente lui a permis de songer au contexte actuel. En dépit de la déception qu’il doit encaisser, le geste du Comité olympique canadien de se retirer des JO s’imposait.

«C’est une décision intelligente et sécurité pour les athlètes canadiens qui a été prise. Si on est rendus au point de fermer des pays, ça veut dire qu’on pense que le problème va encore augmenter. Ça ne donne rien de risquer la santé des gens. Après tout, les Jeux olympiques, c’est un village dans lequel le monde se côtoie. C’est évident que le virus s’y serait promené, c’était pratiquement inévitable», a évalué Aumont au RDS.ca.

«Je n’ai pas de misère avec ce choix, mieux vaut prévenir que guérir. Je suis vraiment pour cette approche. C’est certain que c’est dommage en tant que compétiteur. C’était une belle occasion de participer aux Jeux olympiques. L’expérience aurait été fabuleuse, mais je pense que c’était la chose faire. Ça peut aussi être repoussé d’un an et ça reste que c’est préférable de prioriser la santé sur un événement sportif», a-t-il poursuivi.

Aumont s’accroche à l’idée de ce report puisqu’il tient absolument à vivre l’expérience olympique au Japon, un pays qui raffole du baseball.

«La compétition aurait été spéciale, c’est sûr. On a eu un petit avant-goût avec le Tournoi Premier 12 (disputé en Corée du Sud). Là, vraiment au Japon, ç’aurait été vraiment amusant.»

L’aventure olympique aurait été magique, mais Aumont se préparait surtout à se tailler une place avec les Jays. Le grand droitier avait justement suscité bien de l’intérêt à la suite des performances avec le Canada au Tournoi Premier 12.

«Ce sont des choses qui arrivent et avec lesquelles tu dois composer. Si ce n’est pas ton tour, c’est comme ça. Je continue de lancer et je vais rester prêt dans l’éventualité que ça reprenne. C’est évident que ce ne sera pas dans les six ou sept prochaines semaines, mais on peut quand même se tenir en forme», a expliqué Aumont qui espère que cette audition ne lui filera pas entre les doigts.

Disposant d’un contrat des ligues mineures accordé à titre de joueur autonome, Aumont se retrouve devant l’inconnu au niveau salarial. Les équipes du Baseball majeur doivent gérer plusieurs conséquences et on redoute qu’elles ne se précipitent pas pour compenser cette catégorie de joueurs.

«Jusqu’à maintenant, je n’ai rien entendu. Je n’ai pas eu de nouvelles là-dessus, j’attends de voir ce qui arrivera. Je ne m’y connais pas dans ces aspects techniques, je vais surtout me fier à mon agent et d’autres joueurs plus impliqués dans l’Association des joueurs», a-t-il émis.

Par rapport à ce qui se déroulait sur le terrain, Aumont y voit une source de consolation. Ça se passait plutôt bien pour lui et il assure qu’il avait sa place parmi le groupe de lanceurs.

«Certainement. C’est sûr que j’ai donné des points durant ma deuxième sortie et ça ne regarde jamais bien quand ça arrive. Mais on était invités à travailler sur ce qu’on nous indiquait. Je me suis fait frapper et j’ai décidé de revenir avec ce qui fonctionnait. J’ai fini mes deux manches avec cinq retraits au bâton après avoir quitté un peu ce que je travaillais. Je me suis plus mindé à finir mes manches», a commenté l’ancien choix de première ronde en 2007.

Phillippe AumontUne approche bien différente cette fois

Autre preuve que la chance n’était pas tant de son côté, Aumont a été tenu à l’écart peu de temps après cette deuxième présence au monticule en raison d’une infection cutanée au bras droit.

«Peut-être que ça vient d’une morsure d’insecte ou d’une réaction allergique. Ça s’est répandu rapidement et les médecins ne savaient pas trop ce que c’était. On m’a prescrit quelques antibiotiques avant de trouver le bon médicament. Le problème a duré un peu plus longtemps que prévu. L’enflure est partie, j’étais prêt pour revenir à l’action, mais malheureusement, le coronavirus a pris le dessus», a raconté celui dont la dernière présence officielle sur un monticule des Majeures remonte à 2015.

À six pieds sept pouces, son moral aurait pu chuter de haut et finir dans ses talons, mais Aumont possède assez de solidité pour éviter cette avenue. En fait, il a abordé ce camp avec l’esprit plus léger grâce à son expérience.

« C’était un camp pendant lequel j’étais beaucoup moins stressé. Je ne me faisais pas d’attentes précises, j’avais simplement l’objectif de tout donner jour après jour. Je ne voulais pas me compliquer la vie. Je tenais à m’amuser et pousser à fond. Oui, tu dois avoir un but et une vision, mais si tu pousses trop, ça peut venir t’affecter. Tu vois plus chaque petit truc comme un échec quand ça ne va pas à ton goût. Je voulais plus laisser mes efforts s’exprimer sur le terrain », a dévoilé l’artilleur.

Cette différence était majeure pour lui, mais ce n’était pas la seule. Plus que jamais, les équipes élaborent la stratégie face aux frappeurs en fonction de statistiques poussées.

«Oh oui, il y a eu beaucoup de changements simplement si je compare de mon essai en 2018 avec les Tigers à celui de 2020 avec les Jays. L’augmentation est considérable. Les équipes compilent tellement de données. Tout est calculé dans une banque de données et tu piges là-dedans», a-t-il constaté.

«L’important devient de bien réchauffer ses lancers pour arriver dans une situation du style : ce frappeur n’est pas capable de lancer une split finger ou un changement de vitesse comme je lance. Ça revient à bien exécuter ce lancer et il va probablement rater son coup. C’est tellement rendu technique. C’est next level, ça évolue extrêmement vite», a ajouté le colosse.

Possible que la saison écope?

Aumont aurait été prêt à s’habituer à cette réalité. Comme tous ses camarades de balle, il ne peut que s’accrocher à l’espoir que la saison régulière ne soit pas sacrifiée. Malheureusement, le rythme de propagation de la COVID-19 constaté aux États-Unis dans les derniers jours n’a rien de rassurant à cet effet.

«La santé first, la saison viendra ensuite. Pour vrai, on ne connaît pas la suite des choses. Dans ma tête, je vais choisir la santé en premier et ça prendra le temps qu’il faut pour qu’on puisse apprécier des activités en famille. C’est plus important que de risquer des vies avec un tel virus. Quand on parle d’une pandémie qui provoque l’état d’urgence, il faut prendre ça au sérieux», a répondu le Québécois.

Personne ne peut prédire le contexte qui régnera dans deux ou trois mois en Amérique du Nord, mais Aumont sait bien que cet obstacle pourrait mener à la fin de retour au Baseball majeur.

«Ça se peut... c’est possible, mais je suis en paix avec ce scénario. Je me suis amusé avec les Jays. Je n’ai aucun regret, je serais bien content et je ne ferais que passer à autre chose. La vie continuerait», a conclu Aumont qui tenait à prouver sa résilience à sa fille.