MONTRÉAL - Quand les Blue Jays de Toronto lui ont offert un poste de recruteur avant le début de la saison 2004, Alex Anthopoulos s'est empressé d'accepter, mais en se permettant de demander une faveur à son nouvel employeur.

Il voulait congé le 29 septembre, un mercredi.

La permission lui a été accordée et le jour venu, Anthopoulos est monté dans sa voiture et a englouti les kilomètres en direction de sa ville natale. Il tenait à assister à la mort de l'équipe qui l'avait mis au monde.

« Ce n'est pas vraiment un match préparatoire » - Alex Antopoulos

« Je dois tout aux Expos et je croyais que c'était la bonne chose à faire », relatait Anthopoulos sous les gradins du Stade olympique, une heure avant que les Blue Jays, dont il est aujourd'hui le directeur général, sautent sur le terrain pour y affronter les Mets de New York dans le premier de deux matchs hors-concours dans l'ancien domicile de Nos Amours.

« Il y avait peut-être 35 000 personnes ce soir-là, mais c'était vraiment triste. Je voulais y être pour boucler la boucle sur toutes les années que j'avais passées ici, mais ce n'est pas un souvenir positif. C'est un moment noir. »

Anthopoulos, qui s'est immiscé dans le monde du baseball professionnel en 2000 en acceptant de répondre bénévolement au courrier des joueurs des Expos, est revenu pour la toute première fois à l'endroit où son rêve a pris naissance, vendredi. Son sourire devait avoir le diamètre de l'anneau technique du Stade.

« Je viens juste de rencontrer John Wetteland pour la première fois. Il est venu dans le bureau de (l'entraîneur des Blue Jays) John Gibbons et il ne faisait que parler de l'équipe de 1994. Toutes les images de l'époque où j'étais un partisan qui ne vivait que pour cette équipe sont repassées dans ma tête. »

Et Anthopoulos n'est pas le seul nostalgique en ville. Une foule d'environ 46 000 spectateurs était attendue dans l'enceinte mal-aimée du quartier Hochelaga-Maisonneuve pour le premier de deux matchs sans aucune signification, vendredi. C'est beaucoup, mais pas autant que le nombre de billets qui avaient été vendus pour celui du lendemain.

« Toute la semaine, on a vu des images des Expos à la télévision. Tout le monde en ville parle de baseball. J'ai vu le terrain. Bientôt, les bancs vont commencer à se remplir et il va y avoir tellement de bruit. Ça me rend fier parce que tout le monde va regarder ça et va se dire 'wow!' »

« Pourquoi pas ici? »

Le bonheur d'Alex Anthopoulos est toutefois aigre-doux. Comblé de voir l'équipe qu'il a bâtie être accueillie à bras ouverts dans la cité qui l'a vu naître, il préférerait de loin observer à distance pendant qu'ici, on se préparerait aussi pour la vraie saison.

Montréal est digne d'une équipe des ligues majeures, Anthopoulos n'en démord pas.

« Je connais cette ville. Il y a tellement de partisans de baseball ici et je suis sûr que plusieurs partagent mon avis là-dessus : avec un stade au centre-ville, sans toit, les Expos seraient encore ici. »

Mets 4 - Blue Jays 5

Dix ans après le départ des Expos, les irréductibles vivent d'espoir, leur optimisme indéfectible gonflé par les progrès régulièrement rapportés par le groupe Projet Baseball Montréal, piloté par l'ancien joueur Warren Cromartie, et la réponse enthousiasmante des amateurs aux rendez-vous printaniers proposés par les Blue Jays.

Mais avant de parler d'une résurrection imminente, il y a une marge, un précipice vers lequel Anthopoulos s'engage prudemment. Trop d'obstacles séparent encore le rêve de la réalité, c'est bien évident.

Mais ce rêve, est-il irréalisable?

« Montréal est une grande ville qui a eu son équipe pendant longtemps. D'autres villes ont perdu leur club avant d'éventuellement le retrouver. Pourquoi pas ici? », répond l'architecte de la seule équipe canadienne des majeures.

D'ici là, ça ne coûte rien de fabuler. Une équipe montréalaise dans la division Est de la Ligue américaine, en compétition avec les féroces rivaux géographiques de New York, Boston et Toronto, ça ressemblerait à quoi comme contexte compétitif?

« Ça serait comme la rivalité Canadiens-Maple Leafs. Ou comme celle contre les Nordiques, si je remonte à quand j'étais plus jeune. Ça, ça serait vraiment incroyable », fantasme Alex Anthopoulos.