MONTRÉAL - Plus qu'un grand joueur de baseball, Hank Aaron était un grand homme aux yeux de son ex-coéquipier Claude Raymond, qui a été touché par le décès du membre du Temple de la renommée du baseball, vendredi.

« Quand tu parles de Hank Aaron, tu parles d'un gentleman extraordinaire », a déclaré Raymond au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Canadienne, quelques minutes seulement après avoir appris le décès de son ex-coéquipier.

Raymond a été son coéquipier de 1961 à 1963 avec les Braves de Milwaukee, puis à Atlanta, de 1967 jusqu'à son départ vers Montréal en 1969.

« Ç'a été un privilège de jouer avec lui à Milwaukee et Atlanta, a souvent répété Raymond au cours de cet entretien. Dans mon livre à moi, c'est lui le Roi des circuits à 755, pas Barry Bonds à 762. Hank n'a jamais eu besoin d'aide pour frapper ses circuits.

« Mais plus que tout, c'est de l'homme dont je me souviens. Un gars réservé, qui ne parlait pas beaucoup. Mais quand il parlait - jamais fort et toujours seul à seul avec vous -, tout le monde l'écoutait », a-t-il ajouté.

Mais Raymond se rappelle aussi du redoutable compétiteur qu'il était.

« Ce n'était pas qu'un frappeur de circuits, mais un joueur très complet. Il pouvait voler un but quand il voulait », a souligné Raymond avec justesse, Aaron ayant terminé avec 240 larcins et cinq saisons de 20 buts volés ou plus, dont une de 31 en 1963, année où il a frappé 44 circuits et produit 130 points.

« Il avait aussi un bras extraordinaire et était un excellent voltigeur défensif. Souvent, je me faisais frapper une balle et je me dirigeais vers le troisième but, car je me disais que ça allait être au moins un double. Quand je me levais les yeux, Hank était sous la balle pour la capter. Il était très intelligent. Comme voltigeur de droite, tu ne pouvais demander mieux que ça. Mais les gens en parlaient moins, car contrairement à Roberto Clemente, à qui je ne veux rien enlever, pour Hank, ça semblait toujours facile », s'est-il souvenu.

Raymond a souvent mentionné qu'il devait sa première victoire dans les Majeures au cogneur de puissance des Braves.

« On jouait contre les Phillies et Jack Boldschun, un lanceur de balles tire-bouchon, était au monticule pour eux. Je venais de lancer la huitième et le pointage était égal en neuvième. Hank vient s'asseoir à côté de moi », a-t-il commencé par dire.

« 'Frenchie, qu'il me dit, je vais aller au bâton contre lui et il va m'envoyer des balles tire-buchon. Je vais mal paraître sur deux lancers d'affilée, avant qu'il m'envoie une troisième balle tire-bouchon. Je vais frapper un circuit et nous allons gagner.' Comme de fait, c'est ce qui est arrivé. Sur le premier tir, son élan était si raté qu'il en a perdu son casque protecteur, comme s'il n'avait vu ce lancer de sa vie », a raconté Raymond.

« J'ai été chanceux: mes trois ou quatre premières victoires, c'est lui ou Eddie Matthews qui a frappé un circuit à notre dernier tour au bâton pour me donner la victoire », a-t-il résumé.

Raymond et Aaron ont été coéquipiers alors que la ségrégation raciale battait encore son plein aux États-Unis. Raymond se rappelle que dans certaines villes, St. Louis par exemple, l'autobus de l'équipe faisait un détour par les quartiers afro-américains de la ville pour y déposer Aaron et les autres joueurs noirs ou latins du club.

« On ne les revoyait qu'au stade le lendemain. Je me rappelle qu'en certaines occasions, Eddie Matthews, Lew Burdette et d'autres se levaient d'un bond pour dire au chauffeur qu'on ne pouvait pas laisser nos coéquipiers à tel ou tel endroit. Pour nous, c'était notre ami. Jamais qu'on ne lui proposait pas de venir au cinéma, manger ou prendre un verre avec nous", a assuré le Québécois.

Sans être un ami proche, Raymond a toujours entretenu une relation cordiale avec Aaron, même longtemps après leur retraite.

« Je me rappelle d'une année quand j'étais entraîneur avec les Expos, nous avions croisé Hank en Floride ou en Arizona - je ne me rappelle plus. Le lanceur Joey Eischen était avec moi, et Hank était une de ses idoles. Il m'avait demandé si je croyais qu'il pourrait obtenir son autographe. Je suis allé le présenter à Hank, qui lui a parlé comme s'il le connaissait depuis longtemps », a dit Raymond.

«Hank m'a souvent dit une phrase qui résume bien sa personnalité: 'Je ne veux pas que les gens se rappellent de moi comme d'un grand joueur, mais comme d'une bonne personne'. Je pense qu'il a réussi », a-t-il conclu.