Ellis Valentine a redonné ce qu'il n'avait pas
MLB mercredi, 9 déc. 2015. 00:25 dimanche, 15 déc. 2024. 10:30
MONTRÉAL – En raison de ses dépendances à la drogue et à l’alcool ainsi que ses problèmes de comportement, Ellis Valentine a connu une carrière tumultueuse au baseball majeur, mais ça ne l’a pas empêché de toucher le cœur des amateurs des Expos.
À ses débuts dans la vingtaine, Valentine est débarqué dans la lointaine métropole québécoise avec toute la confiance et l’arrogance causées par son énorme talent au baseball et particulièrement son bras canon.
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Élevé dans la dure réalité de l’un des quartiers les moins recommandables des États-Unis, Valentine s’est sur-le-champ senti en grande sécurité dans sa ville d’adoption. Mais il s’est empêtré tout aussi rapidement dans les pièges que sa carrière d’athlète lui a présentés puisqu’il n’était pas armé psychologiquement pour ces défis personnels.
« Quand je suis arrivé à Montréal, je n’avais pas les outils pour être à la hauteur de la situation. Je ne savais pas quoi faire avec 5000$ dans ma poche, une automobile de luxe et la possibilité de pouvoir aller où je veux. Je traînais aussi des problèmes reliés à mon enfance, j’ai amené tout ça avec moi et ça donnait un mélange explosif », a raconté le divertissant colosse au RDS.ca.
Il a donc été pris dans ce tourbillon pendant plusieurs années avant de pouvoir remettre de l’ordre dans sa vie. Par contre, une fois qu’il en a eu marre de ses habitudes destructrices, Valentine s’est consacré à redonner aux autres ; une mission qu’il épouse depuis 29 ans à la suite de sa retraite.
Décidé à utiliser ses expériences personnelles pour sortir les autres du pétrin, Valentine est retourné sur les bancs d’école pour devenir un conseiller du type travailleur social.
« J’ai découvert que l’aide dont j’avais besoin il y a plusieurs années, c’est l’aide que je donne aux gens maintenant », a expliqué Valentine avec des mots porteurs de sensibilité.
Quand il discute du sujet, ses yeux s’illuminent autant – sinon plus – que lorsqu’il revoit dans sa tête ses plus beaux relais et ses plus puissants coups de circuit sur le terrain. Tout simplement parce que parcours lui a permis de redonner l’affection que les adeptes du baseball lui ont accordée.
« Ça leur permet de gérer leurs démons, ce que je ne savais pas faire à l’époque. Je me suis choyé d’avoir pu aider des gens à surmonter des défis qui auraient pu ruiner leur vie ou leur famille », a-t-il confié.
Habile raconteur et grand farceur, Valentine n’exagère pas sur ce sujet. Il a prodigué la plupart de ses conseils dans son quartier natal de Compton, une rude banlieue de Los Angeles. Dans son travail, il s’attarde surtout à aider les gens à apprivoiser et maîtriser leurs émotions.
« Les personnes réagissent de manière différente, mais nous avons tous quelque chose en commun et ce sont les sentiments. Malheureusement, on ne nous apprend pas à les gérer et c’est ce qui cause des problèmes », a évoqué l’homme de 61 ans qui ne se plaint pas de sa santé même s’il ne se déplace plus avec son aisance d’antan.
« Nous vivons tous de la colère, de la honte, de la culpabilité, de la solitude et de la tristesse. C’est simplement que certaines personnes réagissent mal. Mon travail consiste donc à aider les gens à connaître leurs émotions et mieux les contrôler. C’est là que mon rôle a été bénéfique pour de nombreuses personnes. Je les aide de passer d’une étape à l’autre sans heurt », a-t-il poursuivi en pesant ses mots.
Doué en communications, Valentine a ainsi lancé un programme d’aide sous l’acronyme RAFT (Recovering Adults and Family Treatment).
« J’ai nommé mon programme ainsi parce que tu utilises un raft (radeau) pour aller d’un point à l’autre. Et la bonne chose, c’est que ça ne coulera pas », a exposé celui qui a porté l’uniforme des Expos de 1975 à 1981.
Comme il le précisait, l’ancien voltigeur aurait eu besoin d’un tel support pour chasser la drogue de son existence. Trente plus tard, la drogue (de tous les types) demeure un problème dans le sport professionnel en dépit des ressources à la disposition des athlètes. Avec son expertise, il peut se permettre de critiquer la situation.
« Le plus important, c’est de cesser le comportement effectué par une personne. Mais, la chose que les équipes ne veulent pas faire, c’est sortir le joueur de l’organisation pour un certain temps afin de lui donner le soutien nécessaire. Il faut donc trouver un compromis pour l’aider pendant qu’il poursuit sa carrière », a proposé Valentine qui a servi de monnaie d’échange pour acquérir Jeff Reardon en 1981.
Le plaisir de ne pas sombrer dans l’oubli
Déménagé au Texas depuis dix ans, Valentine en est rendu à une retraite très active. En plus d’arpenter les terrains de golf (il joue autour de 80), il possède une entreprise (Past Pros) qui permet aux anciens athlètes de divers sports de récolter des fonds en vendant des souvenirs à leur effigie. De plus, il poursuit son rôle de conseiller tout en s’impliquant dans une multitude d’œuvres caritatives.
Il était de passage au Québec pour ce dernier motif alors qu’il a accepté de joindre l’événement l’Expos Fest qui se tiendra à Montréal le 3 avril 2016. Cette initiative permettra d’amasser de l’argent pour vaincre le cancer DIPG.
« J’ai été très touché par l’histoire qu’on m’a racontée d’une petite fille qui en est décédée. J’ai accepté sans hésiter de me joindre à la cause », a mentionné l’homme dévoué.
En plus de sensibiliser les gens à ce cancer qui frappe surtout les enfants de 5 à 9 ans, l’Expos Fest permettra à Valentine de côtoyer d’autres anciens membres des Expos de différentes époques que la sienne tels Vladimir Guerrero, Marquis Grissom, Andres Galarraga, Jose Vidro et Derek Aucoin.
« Nous, les plus vieux, nous sommes comme les dinosaures! Mais nous faisons tous partie de la famille des Expos. On veut simplement revenir et être utile pour ce mouvement », a-t-il fait remarquer.
Malgré les années qui séparent leur règne comme voltigeur, Valentine et Guerrero ont terrassé les adversaires avec des relais inoubliables. Le parallèle est donc facile à dresser entre les deux hommes qui pourraient bientôt apprendre à mieux se connaître.
« Je l’ai croisé quelques fois et on s’est parlé brièvement. Ça nous donnera peut-être la chance de développer une relation plus proche », a souhaité Valentine qui a bien ri quand on lui a rappelé que Guerrero n’était pas le plus bavard et surtout pas en anglais.
« On utilisera le langage des signes ! », a rigolé le bon vivant.
Valentine ne se rappellera probablement pas des souvenirs avec Guerrero pendant des heures, mais ce bain de foule lui permettra de constater une fois de plus qu’il n’a pas été oublié par les amateurs.
« Ça fait du bien de sentir ça surtout que j’étais vraiment dévasté quand j’ai été échangé en 1981. C’était difficile. Depuis ce temps, des gens m’ont contacté et c’est encore plus fréquent dernièrement (avec l’engouement autour des Expos). C’était une très grosse partie de ma vie qui m’avait été enlevée. Ça m’a pris du temps pour m’en remettre et mieux me sentir », a admis celui qui aurait sans doute prolongé sa carrière de quatre ou cinq saisons s’il n’avait pas abusé des substances illicites.
Ce n’est pas nouveau, Valentine a déjà exprimé qu’il croyait au retour des Expos, son premier amour au baseball. À son avis, il s’agit maintenant de savoir si le projet se concrétisa à court, moyen ou long terme.
« Je ne le sais pas pour être honnête. C’est un dossier très imposant. Les gens me demandent souvent pourquoi le baseball majeur ne procède tout simplement pas à une expansion, mais ça impliquerait plusieurs facteurs d’ajouter deux nouvelles équipes. Évidemment, ce serait beaucoup plus facile de relocaliser une formation. Ça faciliterait la transition et ça accélérerait sans doute le processus. Ce que je peux confirmer, c’est qu’il y a définitivement plus d’énergie et d’espoir maintenant que c’était le cas il y a quatre ou cinq ans. Je suis vraiment excité de cette possibilité », a conclu Valentine avec son plus beau sourire.