À qui la fin heureuse?
NBA mercredi, 19 juin 2013. 21:23 mercredi, 11 déc. 2024. 22:49À la suite d’une rencontre mémorable, comme celle de mardi entre les deux aspirants au trophée Larry-O’Brien, c’est difficile de prendre un recul adéquat afin de comprendre tout ce qui s’est passé. Écarter les émotions et les impressions à chaud pour tirer de grandes lignes plus révélatrices après coup.
Sauf que l’exercice, dans l’exemple qui nous intéresse, rencontre un obstacle additionnel qui est cruellement agréable : il y aura un septième match entre le Heat et les Spurs et tout ce que nous venons de vivre pourrait se reproduire – en mieux ou en pire.
Les champions en titre auront donc la chance de conserver leur sacre, devant leurs partisans, lors d’un match sans lendemain. Difficile de demander mieux comme scénario.
Comme prédire l’avenir est encore et toujours une pratique marginalement reconnue, nous devrons nous tourner vers ce que nous savons après six matchs afin d'anticiper adéquatement la conclusion d'une série marquante jusqu'ici.
Tous les yeux sur LeBron
C’est inévitable, la reconnaissance individuelle attire l’attention et c’est particulièrement vrai dans la NBA. Même s’il y a dix joueurs en tout temps sur le terrain, les yeux cherchent toujours compulsivement l’excellence individuelle, le meilleur joueur sur le bois franc. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas le Heat, il n’y a aucun doute sur le fait que LeBron James est, à tout moment, le meilleur joueur sur le terrain.
Et ce, qu’importe le terrain.
Avec l’attention supplémentaire suit la critique acharnée, positive et négative. Lors du sixième match, LeBron nous a présenté toutes ses déclinaisons, ouvrant le débat à savoir s’il sera en mesure de reprendre son équipe en main pour une dernière fois cette saison afin de soulever le convoité trophée.
Mardi soir, nous avons eu le bon LeBron, le mauvais LeBron et le LeBron des grandes occasions, celui qui fait les couvertures de magazines avec des superlatifs accrocheurs et des surnoms interchangeables sur le même thème de la grandeur et de l’excellence. LeBron James est un centre d’attraction, un joueur d’impact et une histoire qui se déploie devant nos yeux. Avec un peu moins de 1000 matchs derrière la cravate dans la NBA, l’histoire de LeBron est encore jeune et les évènements qu’elle rencontre en ce moment seront fondateurs d’un mythe éventuel.
Un mythe que l’avenir dévoilera sous un éclairage favorable ou non.
D’ici là, il est permis de croire que LeBron James n’est peut-être pas l’héritier illégitime des grands compétiteurs de l’histoire de la NBA. Les Jordan, Bird et Russell de ce monde partageaient tous cet instinct de survie lors des moments cruciaux, comme s’il n’y avait pas d’autre alternative que la victoire pour aller de l’avant. Lors du sixième match, James nous a présenté une version dominante de lui-même qui a renversé une confortable avance des Spurs avec quelques minutes à joueur. Sauf que cette version dominante de LeBron, plus physique, moins frileuse, est aussi la même version qui a bien failli couler le Heat avec des revirements coûteux et deux tirs de trois points ratés dans la dernière minute de temps règlementaire.
Heureusement pour James, son équipe était là pour prendre le relais afin d’éviter la catastrophe. Chris Bosh était au bon endroit au bon moment et Ray Allen a redonné vie aux siens avec un geste qu’il cultive comme une seconde nature depuis son adolescence : le tir de points.
Sans ses deux jeux à la fin du temps règlementaire, on ne parlerait pas du triplé de LeBron, mais plutôt de sa gestion approximative de la pression. Au moment où le match se réduit à l’excellence de son élément le plus fort, LeBron a puisé sa force dans la persévérance de ses coéquipiers. Une situation inhabituelle dans le grand livre d’histoire de la NBA, mais pas nécessairement nuisible pour la trame narrative du Roi James.
Dans la mesure où il souhaite écrire son histoire, à lui seul, le « besoin de l’autre » qu’affiche LeBron est une caractéristique qui lui est propre. Le don de soi alors que tout le monde souhaiterait le voir tourner le dos au panier et dominer son couvreur est une façon de faire que les observateurs de la ligue gèrent mal pour l’instant, parce qu’il n’y a pas de précédent. Il y a eu de grands passeurs, de grands marqueurs et de grandes présences sous les paniers, mais il n’y a jamais eu de combinaison des trois dans un seul et même corps. James doit porter les trois chapeaux et assumer tout ce qui vient avec.
Ça explique en partie le flot de critiques qu’il reçoit et aussi l’option bien réelle que son style d’excellence ne soit pas d’à-propos dans l’optique d’accumuler les championnats. Les variables sont tellement nombreuses afin de répéter l’exploit d’un championnat que le pur volume statistique joue contre James qui doit tout faire et en faire le moins possible pour que son talent soit maximisé.
Si ce n'est pas le vieux scénario selon lequel on a toujours tort quoiqu'on fasse, difficile de dire ce que c'est.
Le temps joue contre les Spurs
Tim Duncan a tout donné lors de la première demie du sixième match, une soirée historique dans la carrière du vétéran qui a déjà sa place acquise au Panthéon du basketball. Même s’il a été blanchi lors du quatrième quart, Duncan a terminé la rencontre avec 30 points et 17 rebonds, une performance autoritaire qui a permis aux Spurs de maintenir une avance presque tout au long du match.
Mais à 37 ans, le temps n’est pas l’allié de Duncan. D’ailleurs, sa domination s’effritait lors du sixième match et Chris Bosh n’était plus intimidé par le vétéran à la fin de la rencontre. Douter de l’excellence de Duncan n’est pas une option ici, sauf que sa durabilité pourrait en inquiéter plusieurs.
Autre détail que l’on néglige au lendemain du sixième match, Tony Parker joue toujours avec le stress de savoir qu’il pourrait s’infliger une déchirure au niveau des ischio-jambiers à tout moment. Victime d’un claquage tôt dans la série, le joueur de pointe français aurait besoin d’une dizaine de jours de repos, mais la situation actuelle dicte une route alternative. Parker doit se ménager du mieux qu’il peut tout en offrant à son équipe une performance se rapprochant le plus possible de celle qu’il offre habituellement lorsqu’il est en santé. Autrement dit, Parker est en gestion de crise et sa situation force Gregg Popovich à se tourner vers ses autres manieurs de balle à l’occasion pour provoquer des choses.
Notamment Manu Ginobili qui, à défaut d’autres adjectifs, a été décevant lors du sixième match. Sublime lors de la cinquième rencontre, l’Argentin n’offre pas une performance soutenue depuis le début de la finale et, tout comme Duncan, ne possède pas le luxe de la jeunesse pour trouver de l’énergie inespérée. À 35 ans, Ginobili n’a plus l’explosion d’antan et lorsqu’il ne trouve pas ses coéquipiers sur le terrain, il provoque toutes sortes de problèmes pour les Spurs.
Pour les vieilles jambes de San Antonio, il n’y a plus de lendemain. Le match ultime est possiblement la dernière chance d’aspirer au trophée Larry-O’Brien. Même si les placards de Duncan, Popovich et compagnie sont déjà bien garnis au niveau des récompenses, celui-ci aurait une place particulière compte tenu des circonstances et de l’amplitude de cette confrontation contre Miami et, surtout, LeBron James.
Aussi, il n’y a pas que le temps qui possède une dent contre les Texans.
L’histoire joue contre les Spurs
Aboutir à un match numéro sept lors de la finale de la NBA, c’est un peu comme conduire une voiture luxueuse sur un circuit fermé – on s’imagine difficilement meilleure condition.
L’équipe hôte d’un septième match en finale de la NBA, ou en finale d'association, détient un dossier de 17 victoires contre 2 défaites au cours des trente dernières années. Les deux exceptions à la règle : les Kings de Sacramento qui ont été renversés par les Lakers de Los Angeles en 2002 et les Pistons de Detroit qui ont surpris le Heat de Miami en 2005. Ces deux exceptions n’étaient pas en finale de la NBA, seulement en finale d'association.
Pour trouver la dernière équipe en visite qui a fait mousser le champagne à la suite d’un septième match, il faut remonter à 1978 lorsque les Bullets de Washington (maintenant les Wizards) ont surpris le monde en freinant les SuperSonics de Seattle (maintenant le Thunder d’Oklahoma City).
Les Spurs doivent composer avec une disette de 35 ans, rien de moins.
Ce qui reste à découvrir
En six matchs, la diégèse de cette finale est étonnamment complexe quand on dénombre les principaux acteurs responsables des succès de chacune des équipes.
La série s’est éloignée de l’habituelle domination des joueurs vedettes pour faire place à une visite à tour de rôle sous les projecteurs afin de propulser les choses vers de nouveaux sommets. Il y a eu, bien sûr, le mémorable sixième match en prolongation.
Manu Ginobili et Dwyane Wade se sont échangé l’honneur de voler un match sous la même trame de la gloire sporadique saupoudrée d’une nostalgie pas si lointaine. Danny Green est venu voler le record de Ray Allen avant de voir ce dernier lui enseigner comment réussir un tir de trois points au bon moment. Chacune des équipes s’est payé une petite correction de l’autre aussi, tôt dans la série.
Ce qui devait être un duel de gros trios est devenu une trame riche et complexe de petites histoires vers la grandeur d’un tout. Le septième match, c’est l’aboutissement de toutes ces petites miettes parsemées afin de faire un sentier intelligible vers une destination souhaitée.
À la maison, d’une certaine façon.
La maison, dans ce cas-ci, c’est le trophée Larry-O’Brien qui sera tout propre et prêt à être remis à l’une des deux équipes jeudi. Jonché sur son piédestal, le trophée n’attend qu’un champion digne de le soulever. Les candidats ne manquent pas dans cette série, mais qui sera le héros du septième et ultime match?
LeBron James, une fois de plus? Tim Duncan pour une dernière fois? Tony Parker avant de s’écrouler? Kawhi Leonard qui virevolte autour de tout le monde sans prendre sa pleine part du gâteau? Dwyane Wade comme avant de joindre un super groupe? Chris Bosh entre deux maladresses?
La question est ouverte, fort heureusement.
Une chose est sûre, les deux équipes se connaissent très bien à ce stade-ci de la série et les entraîneurs devront doubler de ruse pour surprendre au bon moment. Mardi, autant Popovich qu’Erik Spoelstra ont raté l’objectif avec des stratégies plus audacieuses. Le septième match sera l’occasion de sortir ces « trucs du dimanche » qu’on n’ose à peine dessiner sur l’ardoise de peur de se tromper royalement.
Sauf que la peur, au sommet du monde, n’est plus une option.
Sans surenchérir sur les attentes par rapport à ce septième match, attendez-vous à beaucoup de surprises de la part des deux équipes. La familiarité sera au rendez-vous, mais les petites choses feront beaucoup de bruits jeudi soir et les détails sépareront les aspirants des champions.
Toutes ces réponses et plus encore nous attendent jeudi soir lors de la fin d’une autre grande saison de la NBA.