Comme on se retrouve
NBA mercredi, 5 juin 2013. 14:39 dimanche, 15 déc. 2024. 13:04L’eau est sur le feu depuis trois ans déjà, depuis l’arrivée de LeBron James à Miami pour être exact.
La possibilité d’une nouvelle rencontre entre le roi James et les Spurs était latente depuis tout ce temps, attendant patiemment qu’on appelle son nom sous les feux de la rampe. Le Thunder d’Oklahoma City s’étant chargé de dérailler le train des Spurs l’an dernier, à la surprise de tous. Sauf que les vieux renards texans n’avaient pas dit leur dernier mot et voici qu’ils retournent en finale pour représenter l’Ouest et tenter de détrôner les champions en titre, le Heat, fort d’une troisième présence consécutive en finale.
Maintenant que le couvercle clapote, il est temps de retirer la marmite et de déguster le festin qu’elle a à nous offrir. Le dernier tour de piste d’un empire discret contre la consécration croissante d’une dynastie en devenir.
Mais surtout, LeBron James aura enfin la chance de venger la première amertume de sa carrière professionnelle : l’humiliant balayage de 2007 en finale contre ces mêmes Spurs qui célébraient ainsi leur quatrième championnat sur le terrain des Cavaliers, la maison d’antan de LeBron.
Avant de tomber dans les rancœurs d’hier, il serait bon de saisir ce qui se présente devant nous aujourd’hui, à l’aube de la dernière danse de la NBA cette saison.
Ce que nous savons
Il y a un beau mystère qui plane autour de cette finale étant donné le long laps de temps depuis le dernier véritable affrontement entre les deux équipes.
Cette saison, il est difficile de tirer des conclusions à la suite des deux matchs qu’ils se sont disputés vu l’absence de plusieurs joueurs clés les deux fois. À Miami, cet hiver, Gregg Popovich avait essuyé les foudres de David Stern en clouant au banc quatre de ses partants pour la fin d'un long périple à Miami. Les Spurs ont tout de même remporté ce match. Même son de cloche pour le Heat qui a reposé LeBron James et Dwyane Wade à la fin de la saison lors d’un voyage au Texas. Encore là, le Heat s’est sauvé avec la victoire à la suite d’un trois points décisif de Chris Bosh.
Bref, nous savons avec certitude que nous ne savons pas grand-chose et que les cartes cachées seront déterminantes lors de cette finale.
Le Heat a peiné contre la défensive étanche des Pacers, mais une série enlevante n’enlève rien aux champions qui demeurent l’équipe à battre même s’ils ont sué un peu plus pour atteindre la dernière marche avant un autre sacre.
Les Spurs, à la surprise de plusieurs, ont servi une belle leçon de basketball aux Grizzlies de Lionel Hollins et l’aisance de la finale de l’Ouest pourrait porter à croire que les Spurs sont une surpuissance que le Heat ne sera pas en mesure de contenir.
Le véritable portrait de cette série se trouve à la rencontre de ses deux perceptions un peu extrêmes, là où le Heat devra composer avec une autre équipe défensivement supérieure tout en ayant la chance de posséder le meilleur atout qui soit dans cette dernière bataille : LeBron James.
Une vieille école de pensée penche fortement vers la consécration hâtive du meilleur joueur sur le terrain au cours d’une série. L’équipe suivra la voie pavée par l’excellence de son maillon le plus fort. Jusqu’ici, le tout tient la route sauf qu’une question demeure : LeBron James ou Tony Parker?
Identifier le MVP
Moyenne par match en série : | Points | Passes | Minutes |
LeBron James | 26,2 | 6,4 | 41,2 |
Tony Parker | 23,0 | 7,2 | 37,0 |
LeBron James est égal à lui-même depuis le début des séries, une constance plutôt effrayante quand on chausse les espadrilles de l’équipe adverse. Aucune surprise ici, c’est le joueur par excellence de la saison régulière (pour une quatrième fois en six ans) et le Heat suit la gouverne de son roi incontesté.
La surprise, elle provient plutôt de Tony Parker qui a augmenté son rendement d’un cran et il le manifeste brutalement depuis le début des éliminatoires. Jusqu’ici, personne n’est en mesure d’empêcher l’arrière français d’imposer sa volonté avec le ballon dans les mains et sa gestion chirurgicale de l’espace a propulsé les Spurs vers des sommets inespérés, eux que l’on accuse d’être trop vieux depuis un certain temps déjà.
Mais l’âge, le temps d’une danse, peut prendre le chemin de l’oubli sans trop se faire prier, parlez-en à Tim Duncan et Manu Ginobili qui regardent Parker mener la barque depuis le début des séries, sans broncher, ponctuant le tout quand besoin il y a.
Une surprenante tournure, même si Parker avait remporté le titre de joueur par excellence lors de la finale de 2007. C’est que la nature discrète de Parker nous pousse à l’oublier, ce qui est une erreur en soi. Loin de l’ombre, Parker a mis dans sa petite poche arrière Mike Conley des Grizzlies et c’est à se demander qui du Heat pourra lui faire entrave. Certainement pas Mario Chalmers ou Norris Cole.
LeBron James est certainement le joueur le plus intimidant sur la planète aujourd’hui, mais Tony Parker insuffle une énergie incalculable à ses coéquipiers et l’éternel débat du « meilleur » contre le « plus utile » revient aux premières lignes pour cette finale.
Au plus fort la poche, la consécration aura le dernier mot sur cette édition d’un débat éternel.
Les duels cruciaux
Bien qu’on surveille de près James et Parker, la série va se gagner dans les petits détails, loin des deux vedettes qui traceront les grandes lignes.
D’abord, comment l’alignement « petite pointure » du Heat composera avec la paire formée par Tim Duncan et Tiago Splitter sous les paniers? Pas aussi imposante que Roy Hibbert et David West des Pacers, la paire des Spurs ne demeure pas moins avantagée au niveau de la taille contre Chris Bosh et la rotation qui patrouille à ses côtés. Que ce soit Shane Battier, Chris Anderson ou Joel Anthony, l’avantage est clairement du côté des Spurs qui possèdent une paire plus stable et plus productive. Qui plus est, Tim Duncan n’affiche aucun signe de fatigue et ses envies d’ajouter une cinquième bague à son doigt seront sans doute lui offrir un petit « je-ne-sais-quoi » supplémentaire pour déchausser un Chris Bosh ennuyé par une cheville amochée.
Sur les périmètres, Manu Ginobili se frottera à Dwyane Wade et le duel promet d’offrir plusieurs réponses dès le premier match. On ne sait toujours pas si Wade est ennuyé ou non par une blessure, mais ses performances ne lui ressemblent pas depuis le début des séries. Ses attaques au panier tombent à plat, son tir n’est pas aiguisé et son premier pas n’est plus aussi rapide. Il devra ajuster son jeu contre Ginobili qui est, lui aussi, embêté par des problèmes encore inconnus. Peut-être aussi que l’âge a tout simplement rattrapé le vétéran qui en est peut-être à sa dernière saison avec les Spurs. Deux joueurs avec un pif pour les grandes occasions et un doigté pour les moments d’exceptions, reste à savoir ce qu’ils auront à offrir pour cette finale.
Enfin, Kawhi Leonard aura la lourde tâche de jouer à l’ombre auprès de LeBron James en tentant de limiter les dégâts. Leonard, c’est la version plus jeune et plus fringante de Bruce Bowen qui avait tant dérangé James en 2007. Il a sa place dans la formation de San Antonio spécifiquement pour retirer de l’équation le meilleur joueur adverse sur les périmètres. Dans ce cas-ci, retirer James du portrait serait trop lui en demander, mais il peut certainement déranger le roi James en lui rendant la vie difficile à toutes les possessions. Un gros contrat, certes, mais un défi que le jeune homme de 21 ans devra affronter du mieux qu’il peut.
Nous ne sommes plus en 2007
Il y a six ans, les Spurs ont rendu service à LeBron James en exposant ses faiblesses lors d’une finale à sens unique, le quatrième sacre de l’ère Popovich et Duncan.
À l’époque, la stratégie des Spurs était limpide et orchestrée par les vétérans Bruce Bowen et Michael Finley : éloigner James du panier et le défier d’utiliser à outrance son lancer des zones médianes et longues. Jadis, James était encore inexpérimenté et son tir n’était pas une arme redoutable, avec un taux d’efficacité d’environ 30 %.
Mais nous ne sommes plus en 2007 et depuis, le roi James s’est amélioré à toutes les sauces, évacuant les lacunes de son jeu. Il a remporté quatre titres de joueur par excellence de la saison régulière depuis cette humiliante leçon. Il a aussi participé deux autres fois à la finale de la NBA, remportant finalement son premier titre l’an dernier à sa deuxième tentative avec le Heat.
Bref, James est devenu le monstre que l’on connaît aujourd’hui depuis cette finale fatidique de 2007 et les Spurs savent que les airs de vengeance animeront LeBron et ses ambitions.
Conserver son titre et, surtout, retrouver sa fierté qui est encore à plat sous les semelles de Tim Duncan et ses quatre bagues de champions.
À quatre contre une, il serait tentant d’avantager Duncan et ses acolytes, mais peut-on vraiment exclure LeBron de l’équation sur des impressions vieilles de six ans? Dans la NBA, six ans c’est l’équivalent de trois vies et beaucoup de choses changent entre temps.
Prédiction
Avec toutes les histoires qui évoluent en parallèle au cours de cette finale, c’est facile de se laisser prendre au jeu de la narration complaisante et d’adopter une finalité avant même que le ballon soit lancé dans les airs pour le coup d’envoi du premier match.
Tous les matchs seront relevés et le scénario de 2007 est très improbable. Les Spurs peuvent contenir l’offensive du Heat et Miami pourrait casser la baraque avec son offensive en transition qui roule à un rythme d’enfer, surtout pour les vieilles jambes des Spurs.
Deux des plus grands de leur génération, Tim Duncan et LeBron James, s’échangeront des coups pour une dernière fois sur une aussi grande scène selon toute vraisemblance. À sa cinquième présence en finale, Duncan pourrait tirer sa révérence quand la poussière retombera cet été.
Quoi qu’il en soit, on pouvait difficilement demander mieux comme finale. Une combinaison de talent, d’expérience et de circonstances exceptionnelles qui nous offrira un moment marquant, indépendamment du résultat.
À la suite de sept matchs chaudement disputés, les Spurs refroidiront l’atmosphère à Miami en soulevant le trophée Larry-O’Brien pour une cinquième fois, la preuve incontestable que le mariage entre Gregg Popovich et Tim Duncan mérite d’être immortalisé à jamais au Temple de la renommée. Qui plus est, peut-on vraiment espérer un meilleur chant du cygne pour les deux?