Le rêve de la NBA pour les joueurs canadiens est une longue route à peine pavée sur laquelle plusieurs jeunes athlètes, souvent moins informés que leurs homologues américains, s’aventurent à tâtons avec l’espoir d’être remarqué par l’une des prestigieuses universités de la NCAA.

Xavier Rathan-Mayes, de Scarborough en Ontario, a appris bien malgré lui que toutes les routes ne mènent pas forcément à la providence.

Coéquipier et ami du très talentueux Andrew Wiggins au sein de l’équipe Huntington Prep de l’école catholique Saint-Joseph l’an dernier, Rathan-Mayes a accepté l’été dernier l’offre de l’Université Florida State de rejoindre son programme de basket-ball. Il suivait du même coup les traces de son père, Tharon Mayes, qui avait porté les couleurs des Seminoles de 1986 à 1990 avant de jouer une vingtaine de matchs dans la NBA lors de la saison 1991-1992.

Avec son talent sur le bois franc, ses fréquentations avec les meilleurs jeunes joueurs au pays et l’expérience de son père en banque, Rathan-Mayes était sur la bonne voie afin de s’installer avantageusement sous les projecteurs des dépisteurs de la NBA lors de sa première saison dans la NCAA.

Du moins, il était sur la bonne voie avant de recevoir une nouvelle qui allait faire dérailler ses ambitions en août dernier.

Aux termes de longues négociations entre Florida State et la NCAA, l’université n’a pas eu gain de cause et le joyau de leur recrutement estival s’est vue déclarer inadmissible en raison de son parcours académique inadéquat jugé insuffisant pour les exigences minimales exigées par la NCAA.

En bref, Xavier Rathan-Mayes s’est fait pointer les douches avant même d’avoir foulé le parquet une seule fois à Tallahassee. Il devra regarder ses coéquipiers des gradins cette année, ratant ainsi l’entièreté de sa saison recrue dans la NCAA.

Interrogé au bout du fil par notre correspondant Alexandre Tourigny, Rathan-Mayes ne cache pas sa déception.

« Ça fait mal, » avoua-t-il sans broncher. « Ça fait très mal de se faire enlever la chose que l’on aime le plus au monde. J’ai dû prendre un recul et en parler avec ma famille. Même si maintenant on le voit comme une bénédiction dissimulée et une chance de faire ma marque, ça fait quand même mal. »

Xavier Rathan-MayesUne erreur de jugement

Avant de rejoindre Andrew Wiggins à Saint-Joseph, Rathan-Mayes a joué une saison pour le controversé programme de la Christian Faith Center Academy, en Caroline du Nord, dirigé par l’entraîneur canadien Ro Russell. C’est un journaliste de la CBC, Bob McKeown, qui a levé le voile sur les magouilles du programme qui embauchait l’entraîneur. En effet, les frais académiques facturés aux parents n’étaient en fait que des frais de subsistances pour le programme de basket-ball, faisant ainsi de l’école une façade trompeuse pour les parents qui croyaient investir dans l’éducation de leurs enfants en plus de leur offrir un mentorat sportif relevé.

Des joueurs de la NBA comme Tristan Thompson et Cory Joseph ont ouvert le chemin pour Rathan-Mayes, fréquentant l'école avant lui, sauf que le plancher s’est dérobé sous les pieds du jeune Canadien et la NCAA demeure catégorique sur le sujet : il n’y aura pas de retour sur la décision et Rathan-Mayes ne jouera pas cette saison.

Cependant, il pourra accepter une bourse d’études de la part de l’Université et compenser ses crédits académiques en plus d’utiliser les installations sportives de Florida State.

« Je ne regrette pas le fait d’avoir fréquenté le Christian Faith Center Academy, » confia-t-il à notre correspondant. « Tout arrive pour une raison et je dois le prendre comme une leçon de vie. Cela va m’aider en tant que personne et en tant que joueur pour l’avenir. »

Même si les regrets ne sont pas présents dans les propos du jeune joueur, l’amertume est certainement palpable au lendemain d’une carrière lancée sur un faux départ.

Encaisser les coups pour mieux se développer

« J’étais déprimé quand la nouvelle est tombée, » ajoute-t-il. « Mais maintenant, je le vois comme une opportunité de m’améliorer sur et à l’extérieur du terrain. Je veux améliorer mon jeu et devenir un rouage important pour l’équipe. »

C’est tout à l’honneur de Rathan-Mayes d’accepter son sort sans s’apitoyer sur ce dernier. Surtout qu’il avait déjà goûté, très brièvement, à la vie d’un espoir prometteur au sein d’un gros programme universitaire américain.

« J’étais à l’entraînement avec l’équipe depuis quelques semaines déjà quand j’ai appris que je ne serais pas éligible pour la saison. L’équipe se préparait pour un voyage en Grèce et les entraîneurs m’ont appris la nouvelle. »

Maintenant, le garde ontarien se prépare pour la saison prochaine. Il était pourtant perçu par plusieurs experts comme l’un des trente meilleurs joueurs de première année dans la NCAA aux côtés de son compatriote Wiggins et d’autres jeunes sensations comme Jabari Parker et les jumeaux Harrison. Il devra refaire sa réputation dans l'ombre.

« Je dois rester en forme et être prêt à revenir en force l’an prochain. »

Un objectif simple, encapsulé dans une phrase sans détour. Mais le jeune athlète devra s’armer de courage et résister à la tentation de regretter son parcours hasardeux avant de récolter les fruits de son labeur.

« Florida State était la meilleure situation pour moi, » précise-t-il. « J’ai vite établi une bonne relation avec les entraîneurs et le personnel. Mon père a joué ici et je voulais suivre ses traces et battre certains de ses records. »

Malgré quelques embrouilles qui obscurcissent marginalement son potentiel, Rathan-Mayes a la conscience de son talent et sait qu’une saison perdue n’est pas un drame, mais bien une chance de se construire une deuxième opportunité.

Côtoyer l’ouragan Andrew Wiggins

Écarté du cirque de la NCAA cette saison, Xavier Rathan-Mayes ne sera pas aux premières loges du passage très médiatisé de son ami Wiggins à l’Université du Kansas. Pressenti comme un très haut choix au prochain repêchage de la NBA, Wiggins ne sera vraisemblablement qu'en visite brève chez les Jayhawks et sa seule et unique saison dans la NCAA servira peut-être de guide à son ancien coéquipier.

« Andrew est mon meilleur ami et je voulais le convaincre de venir jouer avec moi à Florida State. Par contre, je souhaite ce qu’il y a de mieux pour lui et j’ai été l’un des premiers à le féliciter quand il a choisi l’Université du Kansas. »

Si l’amitié n’a pas rassemblé les deux jeunes hommes sous la même bannière, Rathan-Mayes n’a aucun doute sur le fait que Wiggins aura une grande carrière dans la NBA.

« Je connais Andrew depuis très longtemps. Une chose que je sais avec certitude, c’est qu’il peut remplir les attentes. Il se prépare comme pas un et je crois en lui pour l’avenir. Les gens vont se concentrer sur ce qu’il ne deviendra pas, mais je sais ce qu’il peut devenir et ce qu’il sera en mesure d’accomplir. »

Humble et lucide, Rathan-Mayes ne s’est pas laissé ébranler par l’épreuve mise sur son chemin et il rejoindra peut-être, dans quelques années, son meilleur ami dans la plus prestigieuse ligue de basket-ball du monde : la NBA.

Seul l’avenir nous le dira.