Le roi est nu: souverain en Ligue des champions pendant une décennie, Barcelone a abdiqué en quarts mercredi pour la troisième fois en quatre saisons. Et son règne en Championnat d'Espagne pourrait s'interrompre aussi lors du clasico dimanche face au Real Madrid.

Un «au revoir» en majesté

Avec une immense ovation en fin de match, le Camp Nou a salué ses héros vaincus mercredi soir lors de l'élimination contre la Juventus Turin (0-3, 0-0). Une sortie en grande pompe pour cette équipe, qui a dominé l'Europe au XXIe siècle en remportant quatre C1 en dix ans (2006, 2009, 2011, 2015).

«C'est une rude élimination mais que le public chante comme ça pour nous mérite de rester dans les mémoires», a souligné, ému, le défenseur Gerard Piqué. «C'est l'une des rares fois que j'ai vu le Camp Nou comme ça pour une défaite.»

«Un au revoir, avec fierté», ont titré à l'unisson les deux principaux journaux sportifs catalans, Sport et Mundo Deportivo.

Mais les chants du Camp Nou et les applaudissements de la presse sonnent comme un éloge funèbre, ce qu'a souligné le quotidien madrilène Marca avec ce titre: «Quatre boules au tirage, et un enterrement».

Pour la troisième fois en quatre ans, voilà le Barça absent du dernier carré, qu'il ne manquait jamais entre 2008 et 2013. L'Atletico Madrid avait été son bourreau en 2014 et 2016, c'est la Juve qui l'a guillotiné mercredi, et le sacre européen de 2015 ressemble a posteriori aux derniers feux d'une génération dorée.

Un monarque vieillissant

La dynastie barcelonaise, longtemps bâtie sur un milieu de terrain dominant avec Xavi et Andres Iniesta, a grand besoin de sang neuf, car Xavi est parti en 2015 au Qatar et Iniesta (32 ans) semble loin de ses grandes années.

A l'évidence, le centre de gravité du Barça s'est déplacé vers l'attaque, devenant trop dépendant du trio offensif «MSN» (Messi-Suarez-Neymar). Ces trois-là avaient été décisifs dans la «remontada» face au Paris SG en huitièmes (0-4, 6-1) mais, en quarts, ils n'ont pas marqué le moindre but.

Quant aux recrutements les plus récents (et onéreux), comme André Gomes ou Paco Alcacer, ils n'ont pas intégré assez vite l'ADN du jeu de passes barcelonais et n'offrent pas de vraie alternative.

«L'équipe est nue en cette fin de saison, sans banc de touche et sans capacité de renverser les matches qui se compliquent», a analysé dans un éditorial Ernest Folch, directeur de Sport.

«Cette élimination est douloureuse parce qu'elle accroît la sensation que la meilleure génération de l'histoire du Barça a laissé échappé trop de Ligues des champions», écrit-il.

Mon royaume pour une Liga

«Il n'y a pas eu de miracle mais il reste un doublé en jeu»: voilà la clé de la fin de saison barcelonaise selon Mundo Deportivo.

Victorieux de 8 trophées sur 11 possibles depuis 2014, l'entraîneur Luis Enrique s'apprête à quitter le club en juin et il espère le faire en réussissant un troisième doublé Liga-Coupe consécutif.

Mais si le Barça jouera la finale de Coupe du Roi fin mai contre Alaves, seule la conquête du Championnat d'Espagne peut sauver sa saison: «Désormais, la Liga est vitale», a lancé le directeur sportif Robert Fernandez.

Cela s'annonce périlleux face à un Real Madrid en tête du classement et en pleine euphorie après avoir terrassé le Bayern Munich (2-1, 4-2 a.p.).

Dimanche, sur le terrain du Real (1er, 75 pts, un match de moins), le Barça (2e, 72 pts) jouera son va-tout, au risque de tout perdre en l'espace de quatre jours. Et il faudra voir si la déception ressentie en C1, symbolisée par les larmes de Neymar, affecte durablement le moral catalan.

«Nous irons au stade Bernabeu pour rivaliser et essayer de gagner», a promis Gerard Piqué, ravivant le souvenir des triomphes passés à Madrid: «Nous ne sommes pas au mieux, mais nous pouvons gagner.» Et retarder, si possible, la fin de règne du FC Barcelone.