J'ai beaucoup d'expérience au sein d'équipes qui savent très tôt dans la saison que leurs chances de participer aux séries éliminatoires sont minces. Beaucoup trop d'expérience, en fait. Si à Columbus cette situation était presque de mise alors que j'étais de l'organisation pour ses six premières années d'existence, ma deuxième et dernière saison à Tampa aura été décevante, voire fatidique pour ma carrière.

Un joueur passe par de nombreuses phases au niveau de ses états d'âme lors d'une saison de 82 matchs. Ces changements émotifs affectent directement le comportement et, ultimement, les performances de l'athlète qui a à cœur les succès collectifs et individuels. Ces transformations internes sont multipliées de façon exponentielle lors d'une saison de misère. Inversement, les groupes au centre d'une lutte de tous les instants, soit pour une place en séries, soit pour l'avantage de la patinoire, n'ont pas à se soucier d'une multitude de facteurs plus ou moins importants, ils jouent.

Hier soir, dans L'antichambre à Alma, Mario Tremblay a affirmé avec justesse que les joueurs se nourrissent de distractions afin de se trouver des excuses. Conséquemment, une des responsabilités du personnel hockey d'une équipe est de limiter ses distractions. Or, rien ne cause plus de distractions qu'une saison difficile, sans direction commune, surtout lorsqu'elle n'est pas annoncée.

Surtout lorsqu'elle n'est pas annoncée. Je ne bégaie pas, je répète. Tout comme personne ne parle du rang de sélection au prochain repêchage lorsque tu es engagé dans une course pour la première place, personne ne parle de déception lorsque tu reconstruis…

Revenons à la perspective de l'athlète. Je rage lorsque j'entends des commentaires du genre : « Il est mort de rire » au sujet d'un joueur grassement payé qui performe en deçà des attentes, ou qui ratera les séries. Rien n'est plus faux. Un joueur de la LNH qui atteint ce statut de haut salarié ne le vole à personne. Il y parvient grâce à son talent, mais se démarque par ses habitudes de travail, des résultats positifs et une grande part de fierté. Même si ce n'est qu'une fierté envers soi-même.

Tout joueur qui paraphe un contrat important comprend les attentes qui s'y rattachent. La saison où j'ai été le plus misérable est de loin celle où j'ai été le mieux payé. Parce que tous les dollars du monde n'auraient pu m'aider à effectuer cet arrêt de plus qui fait toute la différence dans le match, j'en ai passé des nuits à regarder le plafond en espérant que ma volonté et mes efforts arrangeraient tout. La fin du film n'est pas toujours hollywoodienne, mais les leçons que j'en ai tirées, je ne les changerais pour rien au monde.

Peu importe la tournure que prendra le reste de la campagne du Canadien au niveau du classement, il y a fort à faire pour tous les intervenants impliqués. Les joueurs doivent ensemble trouver la motivation dans le but de montrer un visage engagé chaque soir. Le résultat face aux Rangers aidant, ils ont un point de départ, une performance étalon au niveau de l'intensité nécessaire pour être dans le coup à chaque match.

La haute direction, de par l'acquisition de Rene Bourque, a affirmé vouloir marquer des buts différemment. La nouvelle identité de la formation devra être conséquente afin que tous ceux qui ont une influence directe sur les performances achètent ce concept. Alors là, ils auront limité efficacement les distractions