En janvier dernier, à la suite de constatations sur le terrain et d'informations transmises de mes nombreux collaborateurs, il m'était permis de vous faire part de la situation inquiétante, voire désastreuse dans laquelle notre cheptel chevreuil était plongé.

De jour en jour, la situation continuait à se détériorer, au point tel que des mesures urgentes devaient être mise en place par le ministère responsable de la faune. Le ministère avait réalisé que le manque de nourriture, ou l'incapacité par les cerfs de l'atteindre, devenaient des facteurs plus qu'inquiétants pour cette partie de notre cheptel sauvage. De jour en jour, la situation s'aggravait dans les ravages, suite à ces successives et excessives chutes de neige. Tous se réjouissaient des efforts des chasseurs, exception faite de quelques hurluberlus, de la théorie que : la nature s'équilibre d'elle-même, ce qui était véridique préalablement à ce que l'homme pose les pieds en Amérique. D'ailleurs, ces personnes ne comprendront jamais rien. Il y avait de ces « contre » tout et n'importe quoi il y a cinquante ans, il y en a encore aujourd'hui, il y en aura toujours.

Mobilisation la plus importante

À Amherst, Mont-Tremblant, Duhamel, S-Rémi et autres endroits du Québec, où les chevreuils avaient des difficultés, on se mobilisait. La région de Rimouski mérite certainement la palme parmi ces efforts de conservation. Ceci se passait il y a maintenant trois mois. Pourtant les tempêtes, ce n'était que le début, les prédateurs vinrent s'ajouter à cette période de disette pour compliquer encore plus les choses - avec des pluies qui formèrent des croûtes au travers desquelles les chevreuils enfonçaient à cause de leurs sabots effilés, tandis que les canidés pouvaient aisément les épuiser et les tuer.

Rimouski et vers la Gaspésie

Mon confrère Ernie Wells, responsable des hebdos de Québecor dans cette région, ne pouvait être mieux informé de la situation des ravages maintenant décimés, dans les secteurs couverts par ses journaux. Le plan de nourrissage avait été déclenché, le 11 février pour les cerfs des ravages Biencourt et Causapscal.

« Bénéficient de la moulée de survie, au de là de 20 cm de neige venait s'ajouter dans les hautes terres. Le 3 mars, Faune Québec rapportait 114 cm de neige dans les ravages de Duchénier, un taux d'enfoncement de 91 cm - alors que nous savons que le taux critique d'enfoncement est de 50 cm. Dans les ravages de Grande Rivière, au sud de La Pocatière, les 105 cm de neige au sol voyaient les cerfs s'enfoncer de 65 cm. Avec les autres trentaines de centimètres de neige venue s'ajouter, les prochaines tempêtes aggraveront encore plus la situation. Comme on craint que les cerfs du Bas Saint-Laurent ne survivent, Tom Rioux suggère de larguer la nourriture par hélicoptère.
1/3 du cheptel décimé

En 1991, le giboyeux ravage de Biencourt en des circonstances semblables comptait quelques centaines de bêtes - il en restait seulement une dizaine à la fin de l'hiver.
Dans Témiscouata les coyotes envahiraient maintenant le territoire s'approchant dangereusement des ravages.

La situation actuelle du chevreuil

En un mois et demie, dans les onze ravages de chevreuils connus du Bas Saint-Laurent, 132 tonnes de moulées fortifiantes furent distribuées, ce qui signifie que dans cette région, le Plan de Nourrissage d'urgence est menacé, la facture atteint maintenant 75 000$, et l'hiver ne finit plus. D'autres commandes sont à prévoir, même s'il ne reste que 40 000$en caisse. Voilà un défi majeur collectif pour les associations, fédérations, gestionnaires e territoires fauniques et chasseurs. Toujours selon M. Wells, sans nourriture, le ravage de Biencourt, où l'on dénombrait quelques centaines de cerfs, était anéanti ou preque, à une dizaine de têtes à la suite de conditions hivernales aussi difficiles.

Le ministère responsable de la faune faisait état de la situation hivernale désastreuse par voie de communiqué. De nombreuses équipes d'amants de la nature s'impliquaient en se rendant porter régulièrement de la nourriture dans ou à proximité des ravages. D'ailleurs, encore tout récemment, je me rendais à Duhamel, où il m'était permis de constater la situation déplorable et la diminution de la population de cerfs comparativement aux années passées.

Comparaison justifiant les réactions actuelles

Comme nous avons traversé le pire hiver et un début de printemps semblant ne voulant être guère mieux, nous en sommes à une fin et un début de saison se comparant à ce que nous vivions en 1971. La comparaison est donc très facile à établir entre cette période de quelques années et ce que nous avons vécu au cours des derniers mois.

À cette époque des années 70, le cheptel chevreuil diminuait, jusqu'à ce que les chasseurs récoltent un maigre1155 cerfs de Virginie. Graduellement, grâce à des mesures impératives : apport de nourriture, (beaucoup de branches de cèdre à l'époque), contribution et travail incessant par les associations et groupes de conservation; contrôle des prédateurs : règlement modifiés dont la loi du mâle); la chance d'obtenir des hivers plus cléments, au cours de la dernière décennie. En guise de résultats, les récoltes étaient de 50 000 chevreuils abattus et même plus au cours d'une saison.

Jamais, depuis la venue de nos ancêtres en Amérique, nous avions eu autant de chevreuils.
Comme le passé est garant de l'avenir, je suis assuré que les mesures prises actuellement ne pourraient être plus positives.

Anticosti, encourageant

D'autre part, de l'Île d'Anticosti, où les prédateurs du chevreuil n'existent pas, le directeur de SEPAQ Anticosti, M. Dave Boulet, de retour d'une quinzaine de jours passés sur l'Île, nous transmettait des propos plus réassurant. Il me disait même que la situation du chevreuil y était excellente, contrairement aux nouvelles que nous lui transmettions du continent.

Dave de nous dire : «Une bonne croûte s'est formée en surface de la neige, elle est suffisamment épaisse pour permettre aux chevreuils de se déplacer comme bon leur semble, sans s'enfoncer. Cette élévation leur facilite l'atteinte de branches beaucoup plus hautes et jamais broutées lors d'hivers antérieurs. Donc pas de problème de disette sur l'Île, les chevreuils se portent très bien.»