L’autre visage de Nick Diaz
UFC jeudi, 14 mars 2013. 10:25 vendredi, 13 déc. 2024. 20:51MONTRÉAL – Lorsqu’il est entré pour la première fois à l’académie de jiu-jitsu de Cesar Gracie, à Lodi en Californie, Jake Shields s’est aussitôt lié d’amitié avec le plus doué de ses nouveaux coéquipiers.
Nick Diaz avait 17 ans à l’époque, mais déjà, le talent lui sortait par les oreilles.
« On était tous les deux très compétitifs et on n’avait pas peur de se tenir tête. Ça donnait des échanges assez corsés sur le tapis, mais ça a immédiatement cliqué entre nous deux. Personnellement, je n’ai jamais vu Nick comme ce gars étrange et un peu fou que les gens pensent connaître », a confié Shields à RDS en début de semaine.
Le vétéran du Skrap Pack, une équipe unie comme les doigts de la main qui embrasse avec plaisir le rôle de mouton noir des arts martiaux mixtes aux États-Unis, ne s’attend pas à abattre tous les mythes entourant son controversé coéquipier en prenant publiquement sa défense. Ses intentions sembleraient alors aller à l’encontre de celles de Diaz lui-même, qui semble profiter de chaque jour qui passe pour creuser un trou dans lequel ses patrons pourraient tôt ou tard décider de l’enterrer.
Des engagements bafoués, des adversaires verbalement humiliés, des complaintes incessantes. Un ange, Nick Diaz? Non, reconnaît Shields. Mais il n’est pas non plus le vilain que plusieurs semblent s’imaginer.
« Ça me fait toujours drôle quand des gens m’approchent et me disent "Oh! Tu t’entraînes avec les frères Diaz, ça doit être fou!" Je ne les ai jamais vus sous cette perspective. Nick a toujours été de compagnie très agréable. Je le connais depuis une douzaine d’années et je ne l’ai jamais vu manquer de respect envers quiconque en personne. »
« Il a beau être une ceinture noire et faire partie du UFC, mais parfois, il peut passer une heure au gymnase à enseigner des nouvelles techniques aux ceintures blanches. On ne s’attendrait peut-être pas à ce genre d’attention de sa part, mais pour lui, il n’y a rien de plus normal que d’aider quelqu’un à devenir meilleur. »
Pour l’ancien champion de l’organisation Strikeforce, il ne fait aucun doute que la bombe à retardement que personnifie son ami est déclenchée lorsqu’il est attiré hors de son repaire. On a pu le constater dès son arrivée à Montréal : loin des siens, ou sans encadrement, Diaz a tendance à perdre la carte.
« La pression, le fait que toute l’attention soit dirigée vers lui, le rendent un peu différent. En public, il ne s’exprime peut-être pas parfaitement et ses idées vont peut-être à l’encontre de la pensée générale, mais Nick est certainement très intelligent et je crois que la plupart du temps, il soulève de très bons points. Si vous écoutez bien ce qu’il dit, vous vous rendrez compte que, sans nécessairement être en accord avec lui, ses propos ne sont pas insensés. »
Sans filtre
Nick Diaz est une contradiction ambulante. Ce constat incontestable, qu’il véhicule sans gêne à coup de je-t’aime-mais-je-te-déteste, en fait l’une des figures les plus mystérieuses de son sport. Pour ou contre, on ne peut aller jusqu’à ignorer cet étrange paradoxe : son aversion envers toute action qui pourrait augmenter sa cote de popularité s’avère le plus bel outil de marketing pour ceux qui sont chargés de promouvoir son image.
« Nick n’a rien à cirer de tout l’artifice qui entoure la pratique des arts martiaux mixtes, mais ce qui est fou, c’est que ce trait de caractère l’aide beaucoup plus qu’il ne lui nuit », confirme Shields, qui affiche une personnalité publique à l’opposé de celle de son grand chum.
« Je peux vous garantir que si Dana White (le président du UFC) m’appelle, je vais prendre mon téléphone et je vais répondre. Mais j’ai déjà vu Nick prendre son téléphone, voir le numéro de Dana sur son afficheur et remettre le téléphone où il était comme si rien ne s’était passé. Pour faire quelque chose d’aussi fou, il faut vraiment se foutre de ce que les autres pensent. »
Alors que la plupart de ses confrères semblent se satisfaire de remâcher des phrases maintes fois testées et de jouer le même disque usé, Diaz ignore tout protocole. Ce qui sort de sa bouche provient directement du cœur, sans filtre aucun.
« Il est honnête, il dit ce qui lui vient en tête et je crois que c’est une qualité très rare, vante Shields. Moi le premier, il m’arrive souvent de revenir en arrière après m’être demandé si je voulais vraiment dire quelque chose. Tout le monde fait ça, mais pas Nick. Ce qu’il pense, il le dit et ça fait de lui une personne très intéressante. »
Dans la tête de GSP
Il y a deux ans, alors qu’il se préparait lui-même à affronter Georges St-Pierre, Jake Shields n’avait même pas essayé de jouer la carte de l’intimidation contre le champion. Aujourd’hui encore, GSP considère celui qu’il a affronté devant 55 000 personnes à Toronto comme l’un des rares gentlemen à s’être mis sur son chemin.
Évidemment, Diaz ne risque pas de mériter cette distinction. Shields avoue ne pas trop avoir écouté ce qui s’est dit entre les deux belligérants, mais croit que son partenaire d’entraînement a déjà gagné une partie de la bataille en marge du combat principal du UFC 158.
« Georges est un gars intelligent, j’ai beaucoup de respect pour lui. Mais Nick est imprévisible et oui, je pense qu’il est déjà parvenu à l’ébranler un peu. »
Imprévisibilité. Si c’est ce qui définit Nick Diaz à l’extérieur de l’octogone, c’est aussi l’une des qualités qui a permis à GSP d’atteindre le sommet de la montagne et d’y conserver sa place pendant si longtemps. « Rush » peut vous battre en évitant vos points forts – il n’a jamais voulu amener l’action au sol contre Shields – comme en vous provoquant dans votre zone de confort.
Contre Diaz, Shields croit que le monarque de la division des 170 livres jouera un peu sur les deux terrains.
« Je m’attends à ce qu’il accepte de rester un peu debout, mais on sait tous qu’il ne sera pas intéressé à rester à l’intérieur pour échanger coup pour coup. C’est exactement le genre de guerre que Nick affectionne, mais GSP ne tombera pas dans le piège. Son jeu de pieds est excellent, tout comme son jab et ses coups de pieds. Mais tôt ou tard, il tentera d’amener le combat au sol. Ça pourrait être risqué, parce qu’à cet endroit, Nick est clairement une coche au-dessus de Condit. GSP pourrait avoir de sérieux ennuis… »