MONTRÉAL – Yohan Lainesse a reçu cet hiver l’appel qu’attendent tous les combattants qui commencent une carrière en arts martiaux mixtes. L’UFC, affirme-t-il, l’a invité à participer à la prochaine saison de l’émission Dana White’s Contender Series, une compétition télévisée où des contrats avec la prestigieuse organisation sont à l’enjeu.

Que le nom du jeune homme de Mont-Saint-Hilaire soit apparu sur la liste des espions de l’influent président n’était pas surprenant. En octobre, son percutant coup de genou à la volée qui lui avait permis de signer une victoire en 14 secondes avait tourné en boucle sur les plateformes numériques d’ESPN. Il s’agissait alors de son deuxième succès consécutif par K.-O. C’est le genre de chose qui risque de tomber tôt ou tard dans l’œil des bonnes personnes.

Ce qui fut étonnant, c’est sa réponse. Quand le train de l’UFC arrive en gare, on se bouscule généralement pour y grimper, même si c’est pour faire le voyage sur la paille avec le bétail. Lainesse, lui, a plutôt envoyé la main au conducteur l’air de dire : « Tu repasseras, chum. J’ai autre chose au programme ».

En vérité, Lainesse avait une entente écrite avec l’organisation Cage Fury Fighting Championships (CFFC) lorsqu’il a été contacté par l’UFC. S’il remportait son duel à venir contre l’Américain Troy Green, on lui garantissait un combat de championnat à l’été. C’est sur cet objectif, et sur rien d’autre, qu’il désirait se concentrer.

« Je veux devenir champion d’une organisation professionnelle, explique Lainesse en entrevue à RDS. Depuis mes débuts, c’est ce que j’ai en tête. Je voulais être champion de l’organisation TKO, mais TKO a fait faillite. Je me suis retrouvé avec CFFC, je veux être champion de l’organisation CFFC. Pour moi, c’est important. »

« J’ai communiqué avec Contender Series. Je leur ai expliqué la situation. Ils m’ont clairement dit qu’ils comprenaient et qu’après ce combat-là, victoire ou défaite, la porte allait être ouverte, qu’ils me voulaient dans leur show. À partir de ce moment-là, je trouvais que la relation était bien établie. »

Dans un sport où les promesses s’évaporent plus vite qu’une goutte d’eau sur le bitume de juillet, Lainesse a pris un pari risqué dont il est aujourd’hui à mi-chemin vers la concrétisation. Il y a trois mois, il a battu Troy Green par décision unanime pour porter sa fiche à 6-0. Mais il a eu chaud : c’était seulement la deuxième fois de sa carrière qu’un adversaire le poussait à la limite de trois rounds. Victime d’une baisse d’énergie après un début de combat explosif, celui qu’on surnomme « White Lion » a eu besoin de deux amenées au sol tard au dernier assaut pour s’assurer d’obtenir la faveur des juges.

« C’est exactement le combat que je devais avoir. [...] Je sentais l’eau chaude, c’est certain, mais ça m’a fait du bien d’être dans un combat serré parce que ça ne m’était jamais réellement arrivé. Ça a vraiment été un combat très enrichissant au niveau de l’expérience et de la maturité. »

Patience payante

Après cette victoire bien méritée, ses patrons ont respecté leur engagement et lui ont programmé un combat pour la ceinture de champion des mi-moyens de la CFFC. Le 3 juillet, Lainesse affrontera le Texan Evan Cutts, qui a récemment pris possession du trône à sa toute première apparition avec l’organisation. Le combat sera présenté sur l’UFC FIght Pass, une plateforme numérique payante.

Cutts (12-4), qui possède une ceinture noire en jiu-jitsu brésilien, a huit victoires par soumission à son actif et n’a jamais été achevé avant la limite. Il a été mis en danger à plusieurs reprises par le champion déchu Bassil Hafez à sa première sortie chez CFFC, mais sa grande détermination lui a permis d’avoir le dernier mot au terme de 25 épuisantes minutes passées dans la cage.

Lainesse pourrait être désavantagé si le combat traîne en longueur puisqu’il n’a pas d’expérience dans les rounds de championnat, mais c’est un territoire qu’il se sent prêt à défricher.

« Je suis conscient que cinq fois cinq minutes, c’est quelque chose d’assez intense, mais je travaille fort sur mon cardio et je vais être prêt à le faire. Je sais aussi que mon adversaire est un athlète extrêmement résilient. C’est pas un gars qui commence fort, c’est pas un gars qui finit fort, mais il est constant tout le long de son combat. Ça, c’est un gros défaut que j’ai. Souvent je commence fort, je lance des grosses bombes, j’essaie de mettre fin au combat et je me brûle à cause de ça. C’est un aspect sur lequel je travaille beaucoup en ce moment et généralement, les aspects sur lesquels je travaille, je suis capable de les recréer en situation de combat. Alors je suis confiant que je vais vraiment sortir un Yohan différent. Un Yohan plus calme, plus sharp. »

Lainesse, au fond, veut gérer sa prochaine performance comme il gère sa carrière : avec la confiance de celui qui sait qu’il y aura toujours un train pour ceux qui font les choses de la bonne façon. 

« Je ne suis pas un gars pressé, je ne suis pas un gars qui cherche à aller à l’UFC demain matin. J’aime ce que je fais, j’aime ma vie. J’veux dire, je sais que je vais atteindre l’UFC. Que ça soit tout de suite, que ça soit dans un an ou dans deux ans, ça ne change rien pour moi. J’ai 28 ans. Je vise une carrière jusqu’à 35 ans, max 36. J’ai du temps devant moi. Ça fait quatre ans que je fais ça. Ma courbe d’apprentissage est excellente, je fais juste évoluer à chaque combat. »

« Je n’ai pas de temps à perdre, conclut-il, mas je pensais que le choix le plus logique, c’était de continuer à me concentrer sur mon objectif qui est d’aller chercher ma ceinture. »