Le grand complice de Georges St-Pierre
AMM mardi, 7 déc. 2010. 03:13 dimanche, 15 déc. 2024. 06:40
MONTRÉAL - Les circonstances nécessitaient un sérieux moment de réflexion. Georges St-Pierre venait de perdre sa ceinture de champion du monde aux mains de Matt Serra dans un dénouement aussi improbable que déchirant quand il a décidé que, pour le bien de sa carrière, un coup de barre radical s'imposait.
Le champion déchu profitait déjà d'un vaste réseau de connaissances dans le monde des arts martiaux mixtes. C'était maintenant le temps de faire le tri, le grand ménage.
"J'ai commencé à m'entraîner avec du monde plus spécialisé, plus professionnel, racontait St-Pierre il y a quelques semaines, lors d'une pause dans sa préparation pour son combat contre Josh Koscheck, son cinquième depuis qu'il a pris sa revanche contre Serra. Je les connaissais déjà, mais je me suis rapproché d'eux et je les ai mis en charge de différentes parties de mon entraînement. On est devenu une équipe."
À New York, le Québécois a recruté John Danaher et Phil Nurse. Le premier, un Néo-Zélandais d'origine, enseignait ses tours de magie dans l'art du grappling à l'Académie Royce Gracie. L'autre, un petit Britannique de race noire qui paraît au moins une décennie plus jeune que ses 47 ans, était propriétaire d'une réputée école de muay thaï.
St-Pierre s'est aussi fait une niche à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, où il a été accueilli dans l'équipe de l'entraîneur de renom Greg Jackson.
Il avait donc traversé les États-Unis pour trouver trois hommes qui allaient l'accompagner dans son coin pour chacun de ses prochains combats. Mais son plus grand allié, il l'a trouvé dans sa propre cour.
"Le plus important, c'est Firas Zahabi", lance St-Pierre avant même qu'on puisse lui poser des questions sur les trois autres.
St-Pierre, qui a grandi à St-Isidore sur la rive sud de Montréal, et Zahabi, le fils d'un immigrant libanais installé à Laval, se sont connus il y a une dizaine d'années, à l'époque où les deux adolescents commençaient à s'entraîner au Tristar Gym, sur la rue Ferrier à Montréal.
"Firas parlait à peine le français et moi à peine l'anglais, se souvient St-Pierre en riant. On parlait et on se répondait chacun dans notre langue."
"Je me suis toujours tenu avec les Grecs, les immigrants, se défend Zahabi dans un français impeccable. J'allais à l'école francophone, mais tout le monde y parlait anglais! Georges et moi, on faisait beaucoup de jiu-jitsu, mais on touchait aussi à la boxe, la lutte, le muay thaï... Et on aimait vraiment discuter d'autres choses que juste le combat."
"Firas a étudié en philosophie, tient à mentionner St-Pierre. C'était le fun de jaser avec lui."
Un impact immédiat
En l'espace de quelques années, St-Pierre est devenu l'une des étoiles montantes les plus brillantes de son sport. Zahabi, après une belle carrière au niveau amateur, a plutôt décidé que son avenir était dans l'enseignement et sa passion est devenue, de fil en aiguille, sa profession.
Les deux amis ont continué de s'entraîner ensemble, chacun mettant ses atouts au profit du développement de l'autre. La complicité, aujourd'hui évidente, s'est développée au point où St-Pierre, lorsqu'il a atteint le point le plus creux de sa carrière, s'est instinctivement tourné vers son vieux complice pour sortir de la noirceur.
"Après la défaite contre Serra, j'ai demandé à Firas de prendre soin de moi et il a accepté. Maintenant, je suis avec lui à 100%."
Zahabi a pris la carrière de son nouveau protégé en charge au printemps 2007 avec comme mission de refaire de lui un champion. Le premier à tenter de s'interposer entre le duo et leur objectif a justement été Koscheck, que St-Pierre retrouvera samedi prochain au Centre Bell.
Zahabi n'a pas perdu de temps pour jeter les bases de la réputation de fin stratège qui le suit encore aujourd'hui. Il a demandé à son poulain de combattre le feu par le feu et Koscheck, qui trimballait un impressionnant bagage de lutte, s'est retrouvé plus souvent qu'autrement sur le dos. Ce soir-là, St-Pierre est sorti de l'octogone en caressant une ceinture imaginaire autour de sa taille après une victoire par décision unanime.
Le vétéran Matt Hughes, qui avait infligé à St-Pierre sa première défaite en carrière un an plus tôt, a été le suivant à voir son nom épinglé au tableau de chasse. Puis est venu le temps pour Serra de réaliser qu'il n'avait pas ce qu'il fallait pour garder la ceinture qui lui avait brièvement appartenu.
St-Pierre s'est battu quatre fois depuis qu'il a retrouvé sa place au sommet de sa division. À chaque occasion, il a trouvé une nouvelle façon d'y rester. Firas et lui ont une fiche de 7-0 depuis qu'ils ont uni leurs forces.
"Ce que j'aime de Firas, c'est qu'il n'essaie pas de me changer. Il se concentre à rendre mes bons côtés encore meilleurs. Il n'essaie pas de faire de moi une réplique de ce qu'il est lui même. Il voit mes forces et il travaille avec."
Une chimie indéniable
La contribution de Zahabi dans les succès de son plus célèbre élève ne s'arrête pas à la préparation des combats. Pour s'assurer de toujours garder une longueur d'avance sur la compétition, le coach a instauré des méthodes de travail claires et précises à l'intérieur du clan GSP.
"Habituellement, c'est moi qui parle à Georges pendant le combat, explique Zahabi. Si les autres ont quelque chose à dire, ils me le disent et je le relaie à Georges en français. Comme ça, son adversaire ne comprend pas. C'est un bon avantage!", ricane-t-il, même si St-Pierre concède qu'"à Montréal, je n'entendrai probablement rien de toute façon!"
Zahabi demande aussi le calme et l'ordre quand St-Pierre revient dans son coin après un round.
"On est un groupe très efficace. J'ai déjà travaillé avec d'autres combattants et dans le coin, c'était la panique. Ce n'est pas professionnel. De toute façon, je crois qu'une fois rendu dans le cage, le gars sait se battre ou non, il est préparé ou il ne l'est pas. Il n'y a pas vraiment grand-chose à dire pour changer son sort. Oui, le coach peut adopter une stratégie qui va changer le cours du combat, mais la panique, ça n'a pas sa place."
St-Pierre l'a compris. C'est l'une des nombreuses leçons qu'il a apprises de son vieux camarade et qu'il tente d'appliquer dans sa quête professionnelle comme dans la vie de tous les jours.
"Je ne serais pas le même aujourd'hui si je n'avais pas rencontré Firas, dit-il sans hésiter une seconde. Toutes les rencontres que j'ai faites, tout ce qui m'est arrivé dans la vie ont fait qui je suis devenu."
"C'est le déterminisme", résument alors en choeur les deux philosophes amateurs sans même se regarder.
*Amateurs d'arts martiaux mixtes, vous pouvez maintenant me suivre sur Twitter.
Le champion déchu profitait déjà d'un vaste réseau de connaissances dans le monde des arts martiaux mixtes. C'était maintenant le temps de faire le tri, le grand ménage.
"J'ai commencé à m'entraîner avec du monde plus spécialisé, plus professionnel, racontait St-Pierre il y a quelques semaines, lors d'une pause dans sa préparation pour son combat contre Josh Koscheck, son cinquième depuis qu'il a pris sa revanche contre Serra. Je les connaissais déjà, mais je me suis rapproché d'eux et je les ai mis en charge de différentes parties de mon entraînement. On est devenu une équipe."
À New York, le Québécois a recruté John Danaher et Phil Nurse. Le premier, un Néo-Zélandais d'origine, enseignait ses tours de magie dans l'art du grappling à l'Académie Royce Gracie. L'autre, un petit Britannique de race noire qui paraît au moins une décennie plus jeune que ses 47 ans, était propriétaire d'une réputée école de muay thaï.
St-Pierre s'est aussi fait une niche à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, où il a été accueilli dans l'équipe de l'entraîneur de renom Greg Jackson.
Il avait donc traversé les États-Unis pour trouver trois hommes qui allaient l'accompagner dans son coin pour chacun de ses prochains combats. Mais son plus grand allié, il l'a trouvé dans sa propre cour.
"Le plus important, c'est Firas Zahabi", lance St-Pierre avant même qu'on puisse lui poser des questions sur les trois autres.
St-Pierre, qui a grandi à St-Isidore sur la rive sud de Montréal, et Zahabi, le fils d'un immigrant libanais installé à Laval, se sont connus il y a une dizaine d'années, à l'époque où les deux adolescents commençaient à s'entraîner au Tristar Gym, sur la rue Ferrier à Montréal.
"Firas parlait à peine le français et moi à peine l'anglais, se souvient St-Pierre en riant. On parlait et on se répondait chacun dans notre langue."
"Je me suis toujours tenu avec les Grecs, les immigrants, se défend Zahabi dans un français impeccable. J'allais à l'école francophone, mais tout le monde y parlait anglais! Georges et moi, on faisait beaucoup de jiu-jitsu, mais on touchait aussi à la boxe, la lutte, le muay thaï... Et on aimait vraiment discuter d'autres choses que juste le combat."
"Firas a étudié en philosophie, tient à mentionner St-Pierre. C'était le fun de jaser avec lui."
Un impact immédiat
En l'espace de quelques années, St-Pierre est devenu l'une des étoiles montantes les plus brillantes de son sport. Zahabi, après une belle carrière au niveau amateur, a plutôt décidé que son avenir était dans l'enseignement et sa passion est devenue, de fil en aiguille, sa profession.
Les deux amis ont continué de s'entraîner ensemble, chacun mettant ses atouts au profit du développement de l'autre. La complicité, aujourd'hui évidente, s'est développée au point où St-Pierre, lorsqu'il a atteint le point le plus creux de sa carrière, s'est instinctivement tourné vers son vieux complice pour sortir de la noirceur.
"Après la défaite contre Serra, j'ai demandé à Firas de prendre soin de moi et il a accepté. Maintenant, je suis avec lui à 100%."
Zahabi a pris la carrière de son nouveau protégé en charge au printemps 2007 avec comme mission de refaire de lui un champion. Le premier à tenter de s'interposer entre le duo et leur objectif a justement été Koscheck, que St-Pierre retrouvera samedi prochain au Centre Bell.
Zahabi n'a pas perdu de temps pour jeter les bases de la réputation de fin stratège qui le suit encore aujourd'hui. Il a demandé à son poulain de combattre le feu par le feu et Koscheck, qui trimballait un impressionnant bagage de lutte, s'est retrouvé plus souvent qu'autrement sur le dos. Ce soir-là, St-Pierre est sorti de l'octogone en caressant une ceinture imaginaire autour de sa taille après une victoire par décision unanime.
Le vétéran Matt Hughes, qui avait infligé à St-Pierre sa première défaite en carrière un an plus tôt, a été le suivant à voir son nom épinglé au tableau de chasse. Puis est venu le temps pour Serra de réaliser qu'il n'avait pas ce qu'il fallait pour garder la ceinture qui lui avait brièvement appartenu.
St-Pierre s'est battu quatre fois depuis qu'il a retrouvé sa place au sommet de sa division. À chaque occasion, il a trouvé une nouvelle façon d'y rester. Firas et lui ont une fiche de 7-0 depuis qu'ils ont uni leurs forces.
"Ce que j'aime de Firas, c'est qu'il n'essaie pas de me changer. Il se concentre à rendre mes bons côtés encore meilleurs. Il n'essaie pas de faire de moi une réplique de ce qu'il est lui même. Il voit mes forces et il travaille avec."
Une chimie indéniable
La contribution de Zahabi dans les succès de son plus célèbre élève ne s'arrête pas à la préparation des combats. Pour s'assurer de toujours garder une longueur d'avance sur la compétition, le coach a instauré des méthodes de travail claires et précises à l'intérieur du clan GSP.
"Habituellement, c'est moi qui parle à Georges pendant le combat, explique Zahabi. Si les autres ont quelque chose à dire, ils me le disent et je le relaie à Georges en français. Comme ça, son adversaire ne comprend pas. C'est un bon avantage!", ricane-t-il, même si St-Pierre concède qu'"à Montréal, je n'entendrai probablement rien de toute façon!"
Zahabi demande aussi le calme et l'ordre quand St-Pierre revient dans son coin après un round.
"On est un groupe très efficace. J'ai déjà travaillé avec d'autres combattants et dans le coin, c'était la panique. Ce n'est pas professionnel. De toute façon, je crois qu'une fois rendu dans le cage, le gars sait se battre ou non, il est préparé ou il ne l'est pas. Il n'y a pas vraiment grand-chose à dire pour changer son sort. Oui, le coach peut adopter une stratégie qui va changer le cours du combat, mais la panique, ça n'a pas sa place."
St-Pierre l'a compris. C'est l'une des nombreuses leçons qu'il a apprises de son vieux camarade et qu'il tente d'appliquer dans sa quête professionnelle comme dans la vie de tous les jours.
"Je ne serais pas le même aujourd'hui si je n'avais pas rencontré Firas, dit-il sans hésiter une seconde. Toutes les rencontres que j'ai faites, tout ce qui m'est arrivé dans la vie ont fait qui je suis devenu."
"C'est le déterminisme", résument alors en choeur les deux philosophes amateurs sans même se regarder.
*Amateurs d'arts martiaux mixtes, vous pouvez maintenant me suivre sur Twitter.