Matière à réflexion
UFC vendredi, 19 juil. 2013. 17:26 samedi, 14 déc. 2024. 19:49MONTRÉAL – Anderson Silva était champion depuis déjà un an et demi quand Georges St-Pierre a pris possession de sa propre ceinture, celle qui est accrochée à sa taille depuis son combat revanche contre Matt Serra en 2008.
Pendant cinq ans, l’équivalent d’une éternité ou deux dans l’univers des sports de combat, les deux hommes ont mené leur carrière en parallèle, régnant avec intransigeance sur leur division respective. Indissociables, ils formaient l’axe autour duquel tournait la planète, deux géants qui se dressaient, immuables, pendant que tout autour avançait en accéléré.
On croyait le portrait figé dans le temps jusqu’à ce que Silva soit emporté par le courant il y a deux semaines. Sa défaite contre Chris Weidman a signalé la fin d’une époque, modifié un paysage qu’on prenait pour acquis. Un rappel que tout ne dure que pour un temps.
La morale de l’histoire n’a pas échappé à St-Pierre, qui a admis vendredi que le déclin du Brésilien lui avait procuré matière à réflexion.
« Ça me rappelle que peu importe à quel point tu es grand et fort, à quel point tu as du succès ou à quel point les gens autour de toi disent que tu es bon, tu es toujours à une seule erreur de tout perdre », réalise plus que jamais GSP, rencontré dans la chaleur étouffante du Tristar Gym.
« C’est la beauté de notre sport, en fait. Ça donne la chance à tout le monde de devenir champion. Un moment d’inattention peut te coûter le combat. Ça m’est déjà arrivé et c’est ce qui lui est arrivé. Ça me garde les deux pieds sur terre. »
Un buste de granit au milieu de statues de cire, St-Pierre aurait de bonnes raisons de se réjouir de la chute de Silva. Les questions fréquentes concernant un éventuel méga-combat entre les deux pugilistes, qui devenaient de plus en plus difficiles à contourner, devraient maintenant être mises en suspens. Et les allusions peu subtiles à propos de son manque d’intérêt apparent pour un tel scénario, justifiées ou non, ont aussi perdu, pour l’instant, leur raison d’être.
Mais St-Pierre, s’il s’empresse de rappeler sans malice qu’il avait vu venir la chute de celui qu’on surnomme Spider, promet qu’il n’a pas ri dans sa barbe lorsque la légende s’est écroulée.
« Je ne suis pas content que Silva ait perdu, je suis content que mon ami ait gagné, a précisé le Québécois, un partenaire d’entraînement de Weidman. C’est un peu différent. Le malheur des uns ne fait pas mon bonheur. Dans d’autres circonstances, le résultat du combat m’aurait laissé un peu indifférent. »
Rumeurs
« Je ne m’occupe pas de Silva en ce moment et Silva ne s’occupera pas de moi avant d’avoir battu Weidman dans le combat revanche », insiste donc St-Pierre, une invitation polie à passer à autre chose. Ce qu’il a lui-même fait, résolument, en acceptant de donner sa chance au plus sérieux aspirant à son titre, le Texan Johny Hendricks.
Le combat aura lieu le 16 novembre à Las Vegas, loin des vibrations du Centre Bell. Après y avoir disputé trois de ses quatre derniers combats, St-Pierre tenait à prendre ses distances.
« Ça va me faire du bien, dit-il ouvertement. J’ai beaucoup de pression quand je suis à Montréal. J’aime me battre devant mon monde, mais comme je reste ici pour mes camps d’entraînement, tout l’engouement du combat me suit jusqu’à la fin. Même quand c’est fini, ça reste pendant des semaines, des mois. Je suis content en quelque sorte de prendre une pause. »
St-Pierre, qui a eu 32 ans en mai, hésite avant de répondre par la négative quand on lui demande si on a vu son dernier combat à Montréal. Il éclate ensuite de rire lorsqu’on l’imagine à voix haute y faire ses adieux au sport qui l’aura rendu célèbre.
« On va voir! Je sais que bien des rumeurs ont vu le jour, on dit que j’envisage de prendre ma retraite. Mais ne vous inquiétez pas, ça n’arrivera pas tout de suite. Je suis en forme, je n’ai pas de blessure. Si quelque chose me freine, ça va être le côté mental, mais physiquement, je suis au sommet. »
On ne s’attendait pas à ce que St-Pierre distribue des copies de son agenda avant de prendre congé des journalistes pour le reste de l’été. Le nouveau doyen des champions du UFC cultive le mystère avec la même efficacité qu’il dispose de ses adversaires.
Ce qu’on sait, c’est qu’il ouvrira son camp d’entraînement en septembre avec comme objectif de défendre son titre pour la neuvième fois consécutive huit semaines plus tard. Le reste, pour lui, n’est qu’une série de « questions qui amènent d’autres questions ».
« J’ai une vague idée de ce que je veux faire, mais les choses changent tellement vite qu’on ne peut prévoir le futur. Tu dois toujours être prêt à toute éventualité. Alors même si je me fais un plan, je n’y crois pas dur comme fer non plus. Je suis prêt à changer d’options si des trucs arrivent. »
Après tout, un champion n’est qu’à une petite erreur de tout perdre.