Une faiblesse entre les deux oreilles?
UFC vendredi, 15 mars 2013. 09:42 jeudi, 12 déc. 2024. 04:41MONTRÉAL – Vous avez observé chacun de ses gestes, pesé chacun de ses mots, analysé ses moindres réactions. D’une perspective extérieure, vous croyez savoir ce qui se passe dans la tête de Georges St-Pierre, mais au fond vous n’en avez aucune idée.
À part peut-être si vous vous appelez Matt Hughes.
Parce qu’il a lui-même tracé le chemin qu’arpente l’actuel champion des mi-moyens du UFC, mais aussi parce que sa chute s’est amorcée lorsqu’il a perdu les deux derniers chapitres d’une mémorable trilogie impliquant GSP, Hughes possède assez d’informations sur les circonstances et sur l’individu pour porter un regard crédible sur le chaos qui précède le combat principal du UFC 158.
Son constat de base ne vous surprendra pas. Le plus récent intronisé au Temple de la renommée du UFC croit que Nick Diaz dérange bel et bien St-Pierre avec les élucubrations qu’il récite depuis quelques semaines.
« Comment pourrait-il ne pas être dans sa tête? J’ai été à sa place, je sais ce que c’est, a-t-il révélé dans un entretien avec RDS jeudi. Frank Trigg avait tout fait pour entrer dans ma tête et je n’avais pas aimé ça. Même chose pour Matt Serra. Je peux voir que Georges vit présentement la même chose. »
Le détenteur du record pour le plus de victoires au UFC est vite sur la gâchette pour rappeler que ses antagonistes payaient généralement un prix élevé pour avoir osé initier une guerre de mots. Et jusqu’ici, St-Pierre a su disposer de ses plus féroces agresseurs verbaux avec presque autant de facilité.
Mais aux yeux de Hughes, le fait demeure que la force de St-Pierre ne se situe pas entre les deux oreilles.
« Je n’ai pas l’impression qu’il soit le combattant le plus fort mentalement, avance-t-il avec une brutale honnêteté démunie de toute animosité. Je crois qu’il a tendance à s’en faire un peu trop avec toutes sortes de petits détails, autant dans sa préparation que dans ses combats. Dans ce sport, je dirais que l’aspect mental compte pour 50 % des succès d’un athlète. GSP est extrêmement doué physiquement, mais je ne crois pas qu’il le soit autant mentalement. »
Hughes est donc hésitant à se prononcer sur l’allure que prendra la huitième tentative de défense de titre successive du représentant du Tristar Gym. Il est aussi fort probable que le comportement de Diaz pourrait bien avoir ravivé la flamme qui alimentait jadis l’orgueil de Saint-Isidore.
« Georges n’est plus aussi affamé qu’avant. Il n’est pas le premier à traverser cette phase, mais j’espère que ce combat lui redonnera cet appétit qui lui a permis d’atteindre le sommet. C’est vrai que Diaz n’est pas le premier à tenter de le provoquer, mais personne n’est allé aussi loin que lui et je crois bien qu’il a réussi à mettre le feu aux poudres. »
Initier et esquiver
« Je m’attends vraiment à un combat serré, précise ensuite le jeune retraité. Je crois que le fait que GSP n’ait jamais affronté un adversaire en aussi bonne forme physique que lui pourrait jouer contre lui. Les rounds de championnat seront très intéressants. Si on a un combat expéditif, je crois que Diaz aura la main levée à la fin de la soirée. Si on se rend jusqu’à la limite, GSP restera champion. »
St-Pierre s’est saucé le gros orteil dans les eaux de l’enfer à sa dernière présence dans l’octogone. Un seul coup de pied de Carlos Condit, bien appliqué sur sa tempe droite au début du troisième round, a failli mettre fin à près de cinq ans de domination dans la division des 170 livres.
Hughes, qui n’a gagné que quatre de ses neuf combats à partir de l’âge de 32 ans, sait que rien n’est éternel et reconnaît la vulnérabilité de celui qui a mis sa carrière sur la pente descendante.
« Georges a montré qu’il n’était pas invincible et Diaz a cette habitude de faire mal à ses adversaires. Ses coups ne sont pas réputés pour être puissants, je le concède, mais je viens tout juste de revoir le combat où il a passé le K.-O. à Robbie Lawler. Et Lawler a pourtant tout un menton! Ces frappes qu’il lance à la dizaine peuvent avoir raison du plus endurant encaisseur », prévient celui qui a terminé sa carrière avec 45 victoires en 54 combats.
Si la volonté de Diaz est exaucée samedi soir, St-Pierre ira se coller le dos contre le grillage, plantera ses pieds et lèvera les poings en guise d’unique protection. Dans un combat de ruelle au cours duquel son rival ne cherche même pas d’issue, le mal-aimé de Stockton pourrait faire sa loi jusqu’au lever du soleil.
Avec son jeu de pied supérieur et sa vitesse d’exécution, St-Pierre devrait logiquement être en mesure d’éviter ce piège. Tant qu’il forcera Diaz à fendre l’air en contre-attaque, le favori de la foule devrait être en voiture.
« Un combattant plus lent que son vis-à-vis n’a pas le choix d’initier l’action, sinon son adversaire aura quitté son champ de vision avant qu’il ne réalise qu’il vient de recevoir deux ou trois coups de poing, décortique Hughes. Si Georges s’approche, lance de petites combinaisons et sort de la pochette, il connaîtra du succès. S’il laisse Diaz riposter, il pourrait être dans le trouble. »
Laissez Georges choisir!
Saint-Pierre a été critiqué pour avoir accepté de donner sa chance à Diaz. Certains jugeaient que Johny Hendricks représentait un prétendant plus méritant. D’autres fantasmaient de le voir accepter un méga-combat avec Anderson Silva.
C’est un cycle dans lequel il risque d’être enfermé jusqu’à ce qu’il perde – ou qu’il délaisse – sa ceinture. Mais à ce sujet, Hughes se porte à sa défense.
« D’après ce que j’ai lu, il ne semble pas très chaud à l’idée d’affronter Anderson, mais je ne le blâme pas. Georges est le champion des mi-moyens. S’il ne veut pas changer de catégorie, personne ne devrait le forcer à le faire. Je ne crois pas que l’héritage qu’il souhaite laisser sur son sport sera entaché si ce combat n’a jamais lieu. »
Ceci dit, Hughes, qui n’a jamais pu réaliser le rêve qu’il caressait d’unir sa ceinture avec celle d’Evan Tanner à l’époque où les divisions des 170 livres et des 185 livres leur appartenaient, serait le premier à réserver son siège pour voir s’affronter les deux plus grands combattants de l’heure.
« Si vous me dites que GSP amorce ce combat avec la tête à la bonne place, je vous répondrai qu’il peut le gagner. Je crois que ses amenées au sol et son ground and pound feraient la différence. Anderson Silva ne parviendrait pas à passer une soumission à GSP. »