(La Zone de Boxe) - Le 25 novembre 2005, Abou Sako est devenu le premier champion du Québec de l'histoire chez les super-légers.

Parmi la dizaine de boxeurs d'origine africaine qui se sont établis au Canada au terme des Jeux de la Francophonie en 2001, il est aussi le premier à conquérir le sceptre québécois. Des obligations hors du ring l'empêchant d'effectuer ses défenses obligatoires ont fait en sorte que le pugiliste originaire de la Côte-d'Ivoire ne détient plus ce titre aujourd'hui. Le samedi 7 octobre, Sako renouera avec la compétition alors qu'il retournera dans l'Ouest canadien pour y affronter Julius Odion.

Sako reste méconnu non seulement du grand public, mais aussi des amateurs de boxe. C'est avec enthousiasme que La Zone de Boxe vous présente ce portrait composé en grande partie par Pascal Lapointe afin de remédier quelque peu à l'anonymat dans lequel il évolue.

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Abou Bakary Sako voit le jour le 30 octobre 1978 à Adjamé, commune bien connue de la capitale de la Côte-d'Ivoire, Abidjan. Riche en ressources naturelles, dont le cacao, son pays est à l'époque le poumon économique par lequel l'Afrique de l'Ouest respire. Le jeune Sako pratique entre autres le football et le basket-ball, mais son père croit que ces sports lui offrent peu de possibilités d'avenir. Grand amateur de boxe, c'est vers ce sport qu'il oriente son fils dès qu'il atteint l'âge de douze ans.

Sa carrière amateur

Pour ses débuts, Sako est gâté. Son club local est la SOA. Il s'agit d'une caserne militaire où s'entraînent les membres de l'équipe ivoirienne. De tels arrangements semblent être fréquents en Afrique. En effet, Walid Smichet vivait dans les installations de l'armée quand il faisait partie de l'équipe tunisienne. En outre, Sako profite dès ses premières séances des conseils de l'entraîneur de l'équipe nationale, qui est un ami intime de son père.

Durant son adolescence, Sako n'est pas considéré comme un boxeur particulièrement dangereux. Il est toutefois un véritable rat de gymnase. Les nombreux efforts qu'il déploie à l'entraînement commencent à porter fruit en 1995, année où il surprend les observateurs locaux et décroche son premier et seul titre national junior. Ses résultats lui permettent alors de participer aux championnats d'Afrique que son pays organise en 1996. Il se rend en finale, où il doit s'avouer vaincu par mise hors de combat contre le représentant camerounais, vedette incontestée du tournoi. Son nom : Hermann Ngoudjo.

Après une parenthèse l'année suivante à sa première présence en catégorie ouverte, il demeure invaincu en championnat national de 1997 à 2001. Mais il n'est pas pour autant quadruple champion national, car la Côte-d'Ivoire connaît à compter de 1999 une période trouble qui débouchera en 2004 sur une guerre civile. Non seulement les événements forcent-ils l'annulation des championnats nationaux de 1999, mais ils signalent également le début d'une période éprouvante pour Sako. Pendant de long mois, s'entraîner à Abidjan est trop difficile : les rues sont dangereuses, beaucoup trop dangereuses pour qu'on s'y aventure afin de faire du jogging.

Malgré tout, l'infrastructure sportive nationale ne s'effondre pas totalement, comme en témoigne, en 2001, la sélection de Sako à titre de participant des Jeux de la Francophonie, dont l'organisation incombe à la région de Hull-Ottawa. Sako arrive donc au Canada le 10 juillet 2001. Étant donné sa piètre préparation, il n'est nullement surpris de subir la défaite dès le premier tour contre le représentant sénégalais.

Au Québec

Au terme des compétitions, Sako dépose une demande pour pouvoir rester au Canada, à l'instar de plusieurs autres compétiteurs, comme Ngoudjo, Paul Mbongo et Olivier Lontchi. Il obtient rapidement un permis de travail, s'établit à Montréal et se déniche un emploi d'aide-cuisinier dans une boulangerie du centre-ville. Il y est encore aujourd'hui, mais, ayant gravi les échelons, il occupe maintenant le poste de chef cuisinier.

Au départ, il choisit de se consacrer au travail, contrairement à ses compagnons qui misent d'abord et avant tout sur leur sport. Après quelque temps, Ngoudjo le ramène à la boxe, lui rappelant qu'il pourra toujours travailler plus tard et que, pour l'instant, il doit faire le maximum pour s'améliorer le plus possible.

Les débuts

Pendant trois ans, Sako conjugue travail et entraînement, dans l'ombre. Puis, à l'été 2004, le promoteur Alexandre Choko lui propose de faire ses débuts professionnels contre Ahmad Cheikho à l'occasion du premier gala Starbox. Le contrat est signé, mais, le jour de la pesée, Sako échoue son examen médical : le médecin relève une possibilité de trouble cardiaque et lui interdit de combattre. Sako se retrouve donc à l'hôpital afin d'y subir des tests plus poussés. En fin de compte, on détermine qu'il ne souffre d'aucun problème de santé. L'accélération de son rythme cardiaque enregistrée lors de l'examen serait attribuable au fait que Sako travaille dans un environnement où la température est élevée. On lui recommande de réduire au minimum sa consommation de café, et on lui donne son congé.

Heureusement, une deuxième occasion se présente peu après ce rendez-vous manqué. Pour le gala initial de sa nouvelle série BoxeRock, le Groupe Yvon Michel lui offre un combat contre Stéphane Savage. De prime abord, Sako n'est pas très confiant. Il sait que Savage compte plus de 10 combats en carrière et qu'il vient de livrer un match nul face à Amadou Diallo, son ami et partenaire d'entraînement. Il accepte néanmoins la proposition en se disant qu'il redoublera d'efforts au gymnase.

Mais avant le combat, il reste une formalité à remplir : pour lui accorder un permis de boxeur professionnel, la Régie des alcools, des courses et des jeux exige d'abord de Sako qu'il passe un « test de combat ». Sako doit donc faire un sparring avec Diallo afin de prouver qu'il peut se défendre dans un ring. Bien entendu, il réussit l'épreuve facilement, puis enregistre une victoire nette quoique chaudement disputée sur Savage. « Je savais que j'étais en forme, explique-t-il. Je croyais vraiment que je pouvais gagner. Je l'avais déjà vu boxer avec mon ami Amadou. Je savais qu'il était bon, mais je me suis dit que je pouvais gagner parce qu'il n'était pas très rapide même s'il frappait assez fort. »

Le passage à vide

Après ce succès initial, la carrière de Sako connaît un ralentissement marqué, soit une série de trois combats sans victoire, dont deux défaites. En premier lieu, Sako s'incline devant l'espoir torontois JoJo Dan. « Un bon combat. Il m'a battu par décision, » se rappelle-t-il. Une revanche est organisée un mois plus tard. « Pour le deuxième combat [contre Dan], j'avais mal au bras. Je l'ai même dit au docteur. Je l'ai dit à [Stéphane] Larouche. Je lui ai dit que j'étais un peu malade. Il m'a dit : " Abou, c'est impossible d'annuler un combat un jour à l'avance. " Je savais que j'aurais des problèmes avec mon bras. Il m'a dit : " Abou, si tu ne viens pas, on peut te sanctionner [te suspendre] un an, parce que tu le fais exprès en nous disant que tu ne peux pas boxer à la dernière minute. " Il a dit la même chose à mon gérant. »

Sako décide donc de faire le combat. Diminué, il arrive difficilement à se défendre. Après un round et des poussières, il fait comprendre au médecin qu'il en a assez afin d'éviter un KO qui pourrait miner sa carrière.

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