MONTREAL - Joachim Alcine voulait en mettre plein la vue à ses partisans, mais finalement il en a eu plein les bras avec son adversaire Alfonso Mosquera.

La raison, c'est que même champion, le boxeur lavallois demeure un artiste dans l'âme semble-t-il. Pour lui, le plan de match conçu par l'entraîneur n'est qu'un canevas à l'aide duquel il improvise sa performance sur le ring.

C'est ce qui arrivé vendredi soir, au Centre Bell, alors qu'Alcine l'a emporté à sa première défense du titre, mais beaucoup plus difficilement que prévu.

Au grand dam de son entraîneur Howard Grant, qui lui avait dit de se tenir à distance du boxeur panaméen - beaucoup plus petit que lui - et d'utiliser son jab du gauche.

Alcine (30-0-0, 19 K.-O.) a plutôt multiplié les échanges corps à corps, il a passé beaucoup de temps le dos dans les câbles et il a été mitraillé par les crochets de Mosquera, même s'il a décoché plus de coups en puissance que le Panaméen. Ce n'est qu'au 12e round qu'il a enfin réussi à trouver la solution, envoyant alors Mosquera (19-6-0, 7 K.-O.) au tapis à trois reprises et obtenant le K.-O. technique à 2:17 pour ainsi demeurer champion WBA des super mi-moyens.

"Nous lui avons souvent parlé de son jab du gauche, mais c'était comme parler à un mur, a reconnu Grant après le combat. Reste qu'il a fini par avoir le dessus."

"Au troisième round, j'ai décidé qu'il ne servait à rien d'utiliser mon jab, a doucement expliqué Alcine, loin de vouloir défier son entraîneur. Je cherchais à y aller corps à corps avec (Mosquera), pour essayer de faire baisser son énergie. Je suis très fort physiquement par rapport aux autres boxeurs de ma catégorie, ce qui fait qu'habituellement, l'adversaire s'épuise lorsqu'il cherche à se coller contre moi. Je pense qu'il y a eu un petit épuisement de sa part à la toute fin. Moi, mon énergie était la même, même qu'au dernier round j'en avais encore à revendre."

Alcine a donc remporté son pari. Il est tellement convaincu que son approche est la bonne - pour lui, du moins - qu'il n'a pas craint de reconnaître qu'il n'aime pas regarder ses adversaires sur vidéo. Il préfère les évaluer de visu dans les premiers moments d'un combat, confiant de pouvoir trouver rapidement la solution à l'énigme que lui pose son opposant.

"Je trouve que ça me nuit (de regarder la vidéo) parce les adversaires qu'ils ont affrontés auparavant, ils ne sont pas comme moi, dit-il. Si je commence à regarder des cassettes, je vais plutôt chercher à boxer de façon mathématique: 'Bon, on va placer ça ici, on va lancer le jab comme ça, on va rester là, bouger comme ça.' Je ne voulais pas ça (contre Mosquera)."

Sauf qu'Alcine a eu besoin de 11 rounds pour trouver l'inspiration face au Panaméen. Malgré une blessure à la main subie au début de l'avant-dernière reprise.

"Au dernier round, je ne m'en faisais plus avec ma main, je ne voulais pas que les gens rentrent à la maison sans que je ne complète le travail de la façon dont je voulais le faire, a affirmé Alcine. Alors je me suis dit d'oublier ma main. Je savais exactement ce que je devais faire, dans ma tête je me suis dit, 'ce gars-là est fini'."

Le prochain adversaire d'Alcine pourrait être le Français Christophe Canclaux (35-2-0, 21 K.-O.) en mars prochain, tout dépendant de la gravité de la blessure à la main du Lavallois. Des examens effectués samedi n'ont révélé aucune fracture, mais on craignait la dislocation d'un doigt.

Pascal aussi

Dans l'autre combat qui retenait l'attention, vendredi, Jean Pascal a lui aussi eu du fil à retordre face à son adversaire, même s'il a remporté son combat des super-moyens face à l'Américain Brian Norman par décision unanime des juges.

Pascal (20-0-0, 14 K.-O.), qui est classé parmi les 10 premiers aspirants de sa catégorie dans chacune des principales organisations de boxe - WBO, WBC, WBA et IBF - n'a pratiquement jamais utilisé sa droite face à Norman (15-6-0, 4 K.-O.). Il a dit avoir peur de se blesser à nouveau à l'épaule, comme il l'avait fait dans un combat précédent.

Son prochain adversaire pourrait maintenant être Edison Miranda (29-2-0, 25 K.-O.). On prévoit déjà que Pascal boxera le 11 janvier en Floride, mais on évoque aussi la possibilité qu'il obtienne un combat de championnat du monde avant la fin de l'année 2008.

Même si Pascal se bat dans la même catégorie de poids que Lucian Bute, champion de l'IBF, on est loin d'un affrontement entre les deux boxeurs québécois, selon Yvon Michel, président de GYM. Pascal fait partie de l'écurie GYM et Bute, d'InterBox.

"Il faudrait que les deux soient champions et qu'ils aient chacun fait deux ou trois défenses du titre, et qu'il y ait un intérêt international, pas seulement local", a affirmé Michel.