RDS.ca offrira une descriptions round par round du combat entre Adonis Stevenson et Oleksandr Gvozdyk dès 20 h.

 

QUÉBEC – Après une carrière particulièrement bien remplie dans le monde de la boxe, personne ne pourrait reprocher au légendaire promoteur Bob Arum de se la couler douce en pensant aux grands moments dont il a le témoin et surtout l’acteur au cours des cinquante dernières années.

 

Et pourtant, l’homme à la tête de Top Rank qui célébrera ses 87 ans le 8 décembre prochain est en ville pour assister au combat de son protégé Oleksandr Gvozdyk, qui tentera de détrôner le détenteur du titre des poids mi-lourds du WBC Adonis Stevenson, ce soir au Centre Vidéotron.

 

Passer une heure et demie en compagnie d’Arum, c’est voir défiler un demi-siècle d’histoires du monde de la boxe, mais également du monde en général, car son statut lui a donné l’occasion de rencontrer certains des dirigeants et personnalités les plus marquants des XXe et XXIe siècles.

 

Muhammad Ali, Marvin Hagler, Manny Pacquiao, Don King, George Chuvalo, Harold Ballard, Jim Brown, Oscar De La Hoya et Donald Trump, etc. : la liste est aussi longue qu’éclectique. Les anecdotes se succèdent à un rythme effréné et donnent la mesure de la grandeur de l’homme.

 

Mais ce qui impressionne le plus au contact de celui qui a été de tous les grands moments de la boxe des cinquante dernières années, c’est qu’il n’a jamais cessé de chercher à se réinventer et hésiter à prendre des risques qui lui permettent de toujours être loin devant toute compétition.

 

Sa dernière décision? La signature des jeunes sensations indiennes Vikas Krishan et Vijender Singh pour partir à la conquête de ce marché de près de 1,3 milliard d’habitants. Arum avait précédemment tenté l’aventure en Chine en se payant le double médaillé d’or olympique Zou Shiming, mais il a rapidement réalisé qu’il était très compliqué de faire des affaires dans ce pays.

 

Ce qui a cependant fait le plus jaser ces derniers temps, c’est le choix de ne plus présenter ses combats les plus significatifs sur les ondes de HBO, mais plutôt sur ESPN, qui se contentait de cartes de beaucoup moins grande envergure les vendredis soir. Dire qu’Arum avait organisé le premier événement de HBO en 1973 quand George Foreman a battu Joe Frazier en deux rounds.

 

Aux yeux du légendaire promoteur, il était devenu inévitable de larguer les chaînes câblées premiums pour la simple et bonne raison qu’elles ont clairement perdu le momentum. Les plus grandes vedettes du sport se sont affrontées pendant des décennies, mais les combats les plus significatifs tardent maintenant à se concrétiser. Sa grande étoile Terence Crawford est un exemple probant : il y a très peu de chances qu’il se mesure à Errol Spence fils prochainement.

 

« Mais le plus grand problème de la boxe, c’est que ça commence et se termine le même soir, a expliqué Arum au cours d’un déjeuner-causerie tenu vendredi matin dans un hôtel de Québec. Ce n’est pas comme une série télé que tu peux étirer sur plusieurs saisons et ensuite vendre à d’autres diffuseurs (syndication). HBO a compris, mais ce n’est pas encore le cas de Showtime. »

 

L’essor fulgurant de Netflix l’a également convaincu que la diffusion en continu (streaming) était l’avenir et c’est pourquoi il n’a pas hésité à déplacer toutes ses billes à ESPN, alors que la plus connue des chaînes sportives américaines procédait au lancement de sa plate-forme ESPN+. Est-ce que la présence d’un de ses anciens employés dont il avait complètement oublié l’existence dans l’équipe de direction d’ESPN-Disney en est la raison? Arum dit à la blague que c’est le cas.

 

Par contre, le diplômé de Harvard ne frémit pas devant DAZN, qui a récemment consenti un contrat de 11 combats d’une valeur de 365 millions $ US à la plus grande vedette de la boxe professionnelle : Saul « Canelo » Alvarez. « DAZN aura beau offrir les meilleurs combats, ce ne sera pas suffisant pour garder une masse critique d’abonnés. Il faut plus que de la boxe, lance-t-il. Aux États-Unis, ESPN+ propose une panoplie de matchs de football et de basket universitaires et il faudra ajouter très bien tôt à cela l’UFC, qui tient énormément de galas dans une année. »

 

De grandes rencontres

 

L’une des grandes forces d’Arum, c’est certainement d’avoir été en mesure de tisser des liens avec plusieurs personnes influentes, mais aussi de mettre son égo de côté au bon moment. Il est même parvenu à enterrer la hache de guerre avec Don King après quarante ans de bisbille. Les deux hommes se sont expliqués avant le combat entre Jose Carlos Ramirez et Amir Iman, un peu comme deux boxeurs qui oublient leurs remontrances à la suite de douze rounds endiablés. « Si j’avais voulu jouer le jeu de Don King à l’époque, je n’aurais eu absolument aucune chance de l’emporter. Il aurait toujours trouvé le moyen de dire quelque chose de pire », a avoué Arum.

 

Même le controversé propriétaire des Maple Leafs de Toronto Harold Ballard passe pour un être très sympathique. « Le combat entre Muhammad Ali et George Chuvalo devait être présenté à Montréal, mais le maire [Jean] Drapeau s’y était farouchement opposé, a rappelé Arum. Ballard avait ensuite flairé l’affaire, mais contre le gré de Conn Smythe. Ballard a même dû trouver des millions de dollars en l’espace de seulement trois jours. Ça prenait de très grosses couilles! »

 

Démocrate convaincu, Arum est capable d’avoir des bons mots au sujet de George W. Bush. « Il n’a peut-être pas été un grand président, mais il est certainement l’une des personnes les plus gentilles que je n’ai jamais rencontrées, a avoué le légendaire promoteur. Nous nous sommes rencontrés par le biais du propriétaire des Cowboys Jerry Jones et nous avons gardé le contact. »

 

Mais il y a une exception qui confirme la règle : Donald Trump. Arum multiplie les jurons quand il est question de l’actuel président américain. Il qualifie son règne de véritable désastre – il cite les changements climatiques – et se désole de la pagaille qu’il est en train de semer. « Trump est une personne terrible. C’est un tricheur et il est le président des États-Unis », a dénoncé Arum.

 

Le promoteur a goûté à la médecine de Trump alors que George Foreman se préparait à croiser le fer avec Evander Holyfield. Le Caesar Palace de Las Vegas offrait 11 millions de dollars pour accueillir le combat, tandis que Trump en offrait 11,5 millions pour le présenter à Atlantic City. Même si elle était à peine moins lucrative, Arum favorisait la première offre, mais le promoteur de Holyfield, Dan Duva, a insisté pour aller du côté du magnat de l’immobilier. Mais à environ un mois du duel, Trump a déchiré le pacte et menacé Arum de poursuites s’il tenait le choc à Vegas.

 

Le combat a finalement été présenté à Atlantic City et Arum a sauvé la mise en diffusant le duel à la télévision à la carte, mais Trump n’aura finalement jamais versé les sommes promises. Arum a rencontré tous les présidents en fonction depuis Jimmy Carter, mais il est déjà acquis que sa séquence s’arrêtera à Barack Obama. Et ce n’est pas parce qu’il aura rendu son dernier souffle.