MONTRÉAL - Après deux années d'inactivité, Lucian Bute a décidé de mettre officiellement un terme à sa carrière.

Même si la décision a été longuement mûrie, c'est avec beaucoup d'émotions qu'il en a fait part à tous ceux réunis à La Cage - Brasserie Sportive du Centre Bell, la chaîne de restaurants à laquelle il a longtemps été associé quand il faisait partie de l'écurie InterBox de Jean Bédard.

« Nous avons passé des moments inoubliables ensemble, mais c'est le moment de tirer ma révérence, tourner la page, a-t-il dit, retenant ses sanglots. C'est très dur, mais c'est la meilleure décision que je prends. »

« Aujourd'hui, je sors de ce sport la tête très haute et, grâce à Dieu, en santé. »

Bute dit avoir commencé à réfléchir à son avenir après son dernier combat, une défaite par K.-O. face à Eleider Alvarez, en février 2017. Une semaine plus tard, sa petite fille, Ema, venait au monde.

« Ça m'a aidé à accepter ce revers. Je n'avais pas de raison de ne pas être heureux », a souligné celui qui a été champion du monde de 2007 à 2012.

Un an plus tard, c'est l'arrivée de son fils, Éric Stéphan, qui l'a convaincu.

« Ce ne sont pas deux ou trois combats de plus pour de l'argent qui aurait changé quoi que ce soit. J'ai réalisé tout ce que je voulais faire. Je n'ai plus rien à prouver. Je suis en santé et je veux m'occuper de ma famille. (...) Quand Éric est venu au monde, il n'y avait plus aucune chance que je remonte dans le ring. »

Il dit avoir arrêté officiellement sa décision il y a quelques mois. Il avait l'intention d'en faire l'annonce le 6 décembre dernier, mais la sérieuse blessure subie par Adonis Stevenson, le 1er décembre, à Québec, l'a forcé à repousser le tout.

« Ce n'aurait pas été le bon moment », a-t-il humblement expliqué.

Entourage

Comme pour l'ensemble de sa carrière, Bute était bien entouré pour passer au travers cette difficile conférence de presse, alors qu'il était accompagné sur la scène de ses deux gérants en carrière, Bédard et Yvon Michel, ainsi que de ses deux entraîneurs, Stéphan Larouche et Howard Grant.

Pour Larouche aussi, ça a été un dur moment à passer.

Lucian Bute, un grand champion pour le Québec

« Je me sens chanceux et privilégié d'être ici, mais c'est aussi difficile pour moi, a lancé d'entrée de jeu l'entraîneur, la voix comprimée par l'émotion. On s'attendait à ce qu'il soit champion du monde. Mais plus grand que son sport comme il l'a été? Non. »

« Tu es un être d'exception, a poursuivi Larouche. Dans exceptionnel, il y a plusieurs qualités. Tu les a toutes. »

Bute se retire avec une fiche de 32 victoires, dont 25 par K.-O., contre seulement cinq revers. Son dernier combat remonte à février 2017, une défaite par K.-O. contre Eleider Alvarez.

On peut affirmer sans se tromper que le pugiliste de 39 ans a connu une carrière en deux temps. Il a d'abord signé 30 victoires consécutives, raflant au passage le titre des super-moyens de l'International Boxing Federation (IBF) en passant le K.-O. à Alejandro Berio, dans un Centre Bell survolté, le 19 octobre 2007.

« Il était celui qu'on venait voir, peu importe l'adversaire, a rappelé Michel. Il a été rassembleur comme on l'a rarement vu ici. »

Il a ensuite défendu sa ceinture neuf fois, mais face à l'Anglais Carl Froch, il a connu son Waterloo.

Dans ce duel livré chez l'aspirant, à Nottingham, Bute n'est pas l'ombre de lui-même et il se fait passer le K.-O. au cinquième round.

« C'est assurément le pire moment de ma carrière, a noté Bute, qui désire demeurer impliqué dans la boxe, que ce soit comme gérant ou analyste. Je pense qu'on peut dire que ça a été le début de la fin, car je n'ai jamais été le même par la suite. »

« Ça a été une défaite dure, qui m'a fait mal. Il est toujours resté une hésitation après ce combat. J'ai consulté des psychologues pour tenter de chasser cela, mais ce n'est jamais entièrement parti. »

Au moment de remonter dans le ring, quelque six mois plus tard, il signe une victoire par décision unanime face à Denis Grachev qui laisse tout le monde sur son appétit.

S'ensuit une pause de 13 mois avant un combat face à Jean Pascal qui électrise toute la scène de la boxe québécoise. Mais Pascal affronte alors un Bute qui est encore affecté par la défaite face à Froch, et il obtient une décision à sens unique.

Après une victoire contre Andrea Di Luisa, Bute semble renaître et livre ses deux meilleurs combats depuis belle lurette.

Il perd d'abord une décision unanime contre le Britannique James DeGale en novembre 2015 pour la ceinture des super-moyens de l'IBF après une performance inspirée, avant de livrer un combat nul contre Badou Jack, en avril 2016 pour le titre des 168 livres du World Boxing Council (WBC).

Bute échoue toutefois un test antidopage et ce verdict nul est transformé en disqualification. Après avoir purgé une suspension de six mois, il est remonté sur le ring une dernière fois, dans le rôle de faire-valoir du jeune loup Alvarez.

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