MONTRÉAL – Bien avant de s’incliner devant Brandon Cook dans un combat présenté en janvier 2017 au Centre Bell, Steven Butler s’était heurté à un premier écueil à sa 13e sortie dans les rangs professionnels en devant se contenter d’un verdict nul majoritaire contre Jaime Herrera.

Même s’il était parvenu à envoyer l’Américain deux fois au plancher pendant les deux premiers rounds de leur duel tenu en juin 2015, le Québécois avait ensuite remporté un seul autre round sur les cartes de deux des trois juges, alors que le dernier ne lui en avait même pas octroyé un.

« J’ai [présenté une fiche de] 56 victoires et 5 défaites dans les rangs amateurs, et mes défaites, je les ai toutes vengées, a déclaré Butler (22-1-1, 19 K.-O.) plus tôt cette semaine en marge de la conférence de presse officialisant son choc contre Herrera (15-5-1, 8 K.-O.) qui sera présenté le 31 mars au Cabaret du Casino de Montréal en finale d’une soirée de la série « l’Antre du tigre ».

« C’est important pour moi, c’est quelque chose de personnel. Je ne me voyais pas perdant dans ce combat-là, mais une nulle, c’est comme une défaite. J’ai besoin de [régler] ce dossier-là et dès que je le ferai, il y a de bonnes chances que Herrera prenne sa retraite après ce combat-là. »

« Pour nous, c’est une question d’effacer une tache noire à son dossier, confirme le promoteur Camille Estephan, qui a réussi à convaincre Herrera d’affronter Butler après lui avoir soumis une treizième offre en depuis plus de deux ans. C’est [également] une question d’avoir quelqu’un qui est très bon et qui [amènera] à Steven quelque chose d’intéressant à son développement.

« À son avant-dernier combat contre l’Olympien ukrainien Taras Shelestyuk, il a gagné un minimum de trois rounds sur les huit du combat. Ghislain Maduma m’a dit que Shelestyuk était le meilleur boxeur qu’il n’avait jamais vu dans un gymnase. Nous avons vraiment tout un boxeur en Herrera. Les gens le sous-estiment, mais il ne faut pas le sous-estimer. Ce serait une erreur. »

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le premier choc Butler-Herrera tenu en sous-carte de celui entre David Lemieux et Hassan N’Dam qui a permis au droitier de s’emparer du titre des poids moyens de l’IBF. Butler a gagné 10 de ses 11 combats suivants, s’inclinant devant Cook au passage, mais se ressaisissant avec 4 victoires consécutives, dont l’avant-dernière spécialement significative – un knock-out au 2e round – devant Larnardo Tyner en décembre dernier à Laval.

« Le boxeur que je suis devenu aujourd’hui passerait le knock-out au premier round à celui que j’étais à l’époque, avoue le jeune homme âgé de 22 ans. C’est un changement de A à Z, de la tête aux pieds, tant au chapitre mental, physique, psychologique, professionnel que personnel.

« Dans ce temps-là, je n’avais pas de main gauche, je n’avais pas de jab, rien... j’avais juste ma droite et quand tu m’enlevais ma droite [que je m’étais fracturée pendant le premier round], c’est comme si tu m’enlevais les deux bras. Je n’étais plus capable de me défendre et je n’avais plus d’énergie. Nous ne nous attendions pas à ça. Mais c’est le fun que Herrera revienne ici. »

« Il ne s’est pas du tout amélioré. Ce n’est pas un mauvais boxeur, mais il n’a jamais rien prouvé jusqu’à maintenant, tranche Herrera, qui a remporté ses trois duels après le nul face à Butler, mais qui a ensuite perdu devant Shelestyuk et Frank Galarza dans les deux autres qui ont suivis.

« Il a affronté un lot de bums avec des dossiers victorieux, des gars de l’extérieur des États-Unis, dont des Mexicains qui viennent [au Canada] juste pour l’argent. Cela dit, c’est une décision intelligente de son promoteur, parce que c’est comme ça qu’on construit des champions du monde. Mais reste que dès qu’il affronte un boxeur affamé, il lui est difficile de l’emporter. »

Vérification faite, Butler s’est mesuré – dans l’ordre – à un Finlandais, un Allemand, un Bosnien, un Allemand, un Brésilien, un Albertain, un Ontarien, un Polonais, un Mexicain, un Américain et un Mexicain depuis son verdict nul contre Herrera. Ce dernier a d’ailleurs été peu impressionné par la victoire du Québécois contre l’Américain – Tyner –, martelant qu’il était âgé de 42 ans.

Sans réelle machine derrière lui, Herrera a quant à lui été limité à cinq sorties en deux ans et demi et n’a même pas eu trois semaines pour se préparer lorsqu’il a croisé le fer avec Galarza, baissant pavillon par décision unanime après avoir arraché deux rounds dans le meilleur des cas.

« Il n’y a jamais eu personne pour me protéger, je n’ai jamais eu de combats faciles, j’ai affronté des durs tout le temps, explique Herrera. J’ai vu le combat [qu’il a perdu] contre Cook, qui est vraiment bon par ailleurs. J’ai vu les erreurs de Butler et je vais tirer avantage de ces dernières.

« Le fait que ce soit un combat prévu pour 10 rounds est vraiment à mon avantage. Si le premier combat avait été de 10 rounds au lieu de 8, je l’aurais emporté. Je vais profiter de 40 jours pour me préparer et j’entends profiter de l’occasion pour attirer l’attention d’un grand promoteur. »

« Oui, [Tyner] était quand même âgé, mais c’est quand même un athlète qui paraissait bien, réplique Butler. C’est un gars qui était arrivé préparé. Il avait affronté Saul "Canelo" Alvarez et Lamont Peterson dans le passé. Il avait bien fait et ça ne fait pas tellement longtemps de ça.

« Il y aura toujours des haters qui vont hater, mais je me concentre sur les critiques de mon entraîneur, de mon promoteur et de mon équipe. Les critiques des fans ou du monde sur les réseaux sociaux... Il y a des gens qui ont même critiqué Floyd Mayweather fils et Andre Ward... »

Pour sa première finale depuis celle contre Cook, Butler aura néanmoins une formidable occasion de prouver qu’il a fait des pas de géant dans la dernière année et qu’il ne se laisse plus emporter par ses émotions. Et c’est Herrera qui pourrait en payer chèrement le prix.