MONTRÉAL - La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) recommande une suspension de 90 jours du permis d'organisateur d'événements de sports de combat de Groupe Yvon Michel (GYM).

La procureure de la direction du contentieux de l'organisme, Me Joliane Pilon, a conclu son plaidoyer avec cette recommandation, mardi, au palais de justice de Montréal, rappelant que l'objectif de la Régie n'est pas de mettre des bâtons dans les roues des organisateurs, mais de promouvoir un sport riche et intègre.

L'avocat principal de GYM, Me Martin Pichette, réfute toutefois les conclusions de la Régie dans ce dossier. Yvon Michel s'est dit très satisfait du déroulement des procédures, en entrevue avec RDS.

« Nos avocats ont été excellents pour briser chacun des arguments de la poursuite. Je suis convaincu que les deux juges administratifs qui ont bien écouté tout ça vont avoir un jugement favorable pour nous.

« Je tiens à mentionner que les deux évènements que nous tiendrons en mars ne sont nullement touchés, soit le 21 mars au Casino et le 28 mars à Québec avec Artur Beterbiev, parce qu’on nous a déjà dit qu’il n’y aura pas de décision rendue avant plusieurs semaines. On a déjà notre permis pour l’année prochaine (le permis venait à échéance le 31 mars, ndlr). On nous a permis d’avoir une extension pour opérer même si ça prend du temps au juge administratif de prendre une décision. »

La RACJ accuse Groupe Yvon Michel d'atteinte au bon renom du sport, d'exercice d'un permis au bénéfice d'un tiers, New Era Fighting and Promotions, de la présence d'un groupe criminalisé à des événements, ainsi que de l'organisation d'un combat concerté. Les faits reprochés au promoteur montréalais sont en lien avec deux galas organisés conjointement avec New Era, en mai et septembre 2019.

Pour les avocats de GYM, ces accusations reposent sur des questionnements et des impressions. Or, pour Me Pichette, « des questionnements ne constituent pas des motifs raisonnables (pour convoquer GYM devant la Régie). Ce n'est pas le devoir de la RACJ ».

Me Pichette a rappelé que dans cette audience administrative, le fardeau de la preuve ne repose pas sur les épaules de son client, mais bien sur celles de la Régie.

« Ce n'est pas à nous de produire une preuve, c'est à la Régie », a-t-il dit, avant d'ajouter qu'il « attend toujours de savoir quels sont les éléments qui permettent (de convoquer mon client) sous les quatre points de convocation ».

Ce combat concerté auquel fait allusion la RACJ est celui opposant l'ex-homme fort et animateur Hugo Girard et le combattant Patrick Côté, tenu lors de l'événement organisé en copromotion avec New Era, le 20 septembre, au centre Pierre-Charbonneau de Montréal, et dont les profits ont été remis à l'organisme AlterGo, qui soutient des athlètes souffrant d'un handicap.

Dans son plaidoyer, Me Pilon a fait valoir que même s'il s'agissait d'un combat caritatif, il aurait dû être encadré par la RACJ ou un organisme reconnu par le ministère de l'Éducation, des Sports et des Loisirs apte à organiser des sports de combat amateurs.

Me Pilon a également argué qu'en vertu de sa vaste expérience, Yvon Michel, le président de GYM, aurait dû reconnaître rapidement qu'il y avait un problème avec la disposition du périmètre de sécurité lors de la soirée du 20 septembre. Des billets à l'intérieur du périmètre ont alors été vendus, ce qui est interdit par les règles de la RACJ. Qui plus est, les motards criminalisés dont on reproche la présence à GYM les ont achetés.

Sur ce point, Me Pichette est revenu sur le témoignage de Mario Lacroix, directeur général adjoint, sports de combat, à la RACJ, qui a lui-même admis l'erreur de l'organisme dans l'approbation du plan soumis par GYM. Il a rappelé que le soir du gala, lors de sa conversation téléphonique avec le responsable de la Régie sur place au centre Pierre-Charbonneau, c'est M. Lacroix qui a décidé de ne rien faire à propos du périmètre de sécurité.

« Ce n'est pas vrai que des mois plus tard, vous allez nous dire qu'on a péché et qu'on doit faire face à une suspension », a lancé Me Pichette, qui a basé son plaidoyer sur ce qu'il estime être le manque de rigueur factuelle de la RACJ dans tout ce dossier.

L'avocate de la Régie a passé de longs moments à décrire l'historique de l'organisme afin de démontrer la façon dont elle s'assure du bon renom de la boxe dans l'oeil du public.

« Il ne faut pas seulement se fier sur la bonne réputation des gens (pour établir s'il y a eu atteinte au bon renom de la boxe), a fait valoir Me Pilon. Il faut aussi évaluer ce qui se passe dans un gala. On ne remet pas en doute l'intégrité et la réputation de GYM ou d'Yvon Michel, mais il y a eu manquements et il doit y avoir sanction. »

Finalement, elle prétend qu'en vertu des témoignages entendus, dont celui de M. Michel, et des preuves fournies lors des deux premières journées d'audiences, il est clair aux yeux de la Régie que New Era et son président, Yan Pellerin, étaient co-organisateurs du gala du 20 septembre alors que sa demande de permis annuel d'organisateur faisait toujours l'objet d'une enquête d'habilitation sécuritaire de la Sûreté du Québec, ce qui n'aurait pas dû se produire. New Era a pu faire indirectement ce qu'elle ne pouvait pas directement, aux yeux de la Régie.

Me Pichette n'en démord pas : la Régie, par le truchement du témoignage de M. Lacroix, a admis que GYM était l'organisateur de la soirée. Il est d'ailleurs revenu sur toute la confusion entourant les termes organisateur et promoteur, longuement débattue la semaine dernière.

« Où se trouvent le mauvais comportement et la conduite répréhensible qui permettraient de dire que GYM a porté atteinte au bon renom du sport? Nulle part », a plaidé Me Pichette.

En contre-arguments, Me Pilon a argué que cette convocation de la Régie ne découle que des manquements à ses devoirs d'organisateurs de GYM pour la soirée du 20 septembre.

« Yan Pellerin a pu faire indirectement ce qu'il ne pouvait pas faire directement puisque sa demande de permis annuel d'organisateur ne lui a pas encore été accordée », a-t-elle soutenu.

Les juges administratifs, Me Louise Marchand et Me France Thériault, ont maintenant 90 jours pour rendre leur décision.

Comme le permis de GYM vient à échéance le 31 mars, les deux parties ont convenu que l'organisateur pourra dès maintenant présenter une demande de renouvellement de permis qui prendra effet le 1er avril, si le tribunal n'a pas statué, afin que GYM puisse poursuivre ses activités en attendant la décision.