MONTRÉAL – Avec l’objectif précis de conclure sa carrière sur une note positive, Jean Pascal disputera un dernier combat vendredi soir en Floride avant de remiser ses gants pour de bon.

L’ancien champion des poids mi-lourds du WBC affrontera l’espoir invaincu Ahmed Elbiali, mais n’allez pas croire qu’un dénouement heureux l’amènera à reconsidérer sa décision afin de profiter du vent de renouveau qui souffle sur la catégorie où il a déjà régné en roi et maître.

« Ça pourrait être tentant, mais je crois que ce serait la plus belle des façons de sortir de l’arène serait de quitter sur une victoire contre un prospect [avec un dossier] de 16-0, 13 K.-O., a dit Pascal avant un entraînement tenu lundi après-midi au Complexe sportif Claude-Robillard.

« C’est sûr que je veux sortir de l’arène la tête haute : je ne veux pas faire comme Bernard Hopkins, dont le dernier combat s’est terminé par un knock-out, ou Miguel Cotto, qui avait choisi son dernier adversaire pour boxer au Madison Square Garden, mais qui a ensuite perdu.

« Ce n’est pas moi qui ai choisi mon adversaire. On m’a ordonné un adversaire que j’ai accepté, alors effectivement, ce serait tout un exploit de sortir la tête haute pour mon dernier combat. »

Après avoir enflammé la Belle Province pendant plus d’une décennie, le Québécois aurait peut-être pu s’arranger pour effectuer son dernier tour de piste au Centre Bell. C’est là qu’il est devenu champion du monde le 19 juin 2009 à la suite de sa victoire sur Adrian Diaconu et qu’il a livré plusieurs duels mémorables face à Hopkins, Chad Dawson, Lucian Bute et Sergey Kovalev.

Mais en lisant entre les lignes, il est cependant possible de comprendre que ce scénario relevait davantage du fantasme que de la réalité et qu’il n’a jamais été désiré par le principal intéressé.

« Ce sont des choses qui sont difficiles à contrôler, a d’abord expliqué Pascal en esquivant tant bien que mal la question. Cotto a choisi l’environnement, mais malheureusement, il a perdu. »

« Si ç’avait été au mérite, le combat aurait peut-être été [présenté] à Montréal, mais le boxe ne fonctionne pas au mérite, a ajouté son entraîneur Stéphan Larouche. Tout ce qu’on souhaite, c’est que Jean livre la plus belle performance qu’il peut livrer, qu’il fasse de son mieux. C’est rare qu’un athlète puisse arrêter [sa carrière] sur une victoire. Alors si c’est le cas, tant mieux! »

Une empreinte indélébile sur le sport

Pascal l’admet d’emblée, il a connu un passage à vide après les deux dures défaites qu’il a subies contre Kovalev quand ce dernier était champion unifié des mi-lourds en mars 2015 et janvier 2016. À ce jour, le Russe est le seul boxeur qui est parvenu à stopper le droitier avant la limite.

Après ce second revers contre Kovalev, Pascal a remporté un combat de retour face à l’obscur Ricardo Marcelo Ramallo en décembre 2016 avant de s’incliner par décision majoritaire des juges devant Eleider Alvarez en juin dernier au terme d’une prestation très, très peu inspirée.

« Je ne boxe pas juste pour la gloire et l’argent, je boxe avec mes sentiments, mon cœur et pour mes partisans. Alors c’est certain qu’une défaite vient me chercher, car je veux exceller dans tout ce que je fais, a mentionné l’athlète qui a célébré ses 35 ans le 28 octobre dernier.

« C’est peut-être pourquoi au cours des deux-trois dernières années, j’avais moins de plaisir à boxer. C’était plus [le côté] business [qui prenait toute la place]. J’ai vraiment retrouvé le plaisir [de boxer] dernièrement. Je suis content d’avoir retrouvé cette paix-là avec mon sport.

« Des fois, ça m’amène à [me demander] si de devrais continuer, mais c’est en plein le temps d’arrêter lorsqu’il est question de ça. La boxe est un sport qui ne pardonne pas et il ne faut pas arrêter quand le réservoir est vide, parce que c’est à ce moment-là que les dommages physiques et psychologiques peuvent apparaître. Il vaut mieux s’arrêter quand le réservoir est plein. »

« Toute bonne chose a une fin »

Il est également possible de se demander jusqu’où la carrière de Pascal aurait pu le mener s’il n’avait pas décidé d’affronter Hopkins à la suite de sa victoire sur Chad Dawson en août 2010, alors que l’Américain était considéré comme l’un des meilleurs « livre pour livre » de la planète.

Car le Pascal n’a plus jamais été le même après avoir livré un verdict nul à Hopkins en décembre 2010 à Québec et perdu par décision unanime la revanche en mai 2011 à Montréal. Hormis son gain sur Bute en janvier 2014 au Centre Bell – et peut-être celui sur Yunieski Gonzalez en juillet 2015 à Las Vegas –, il n’a pas malheureusement enregistré d’autre victoire significative ensuite.

« J’ai quand même été bien conseillé. Je suis une personne avec une tête sur les épaules et j’ai bien manœuvré les choses quand j’étais champion du monde, a répondu Pascal. Comme tout le monde, j’ai fait des erreurs et suis tombé dans des pièges. Globalement, je m’en suis bien tiré.

« Je sais que je me suis toujours donné à 100 pour cent. Est-ce que j’aurais pu en faire plus? Est-ce que j’aurais pu faire mieux? Peut-être. La vie est faite ainsi et je vais quitter sans regret. »

L’heure n’est pas encore officiellement au bilan, même si elle l’est un peu par la force des choses. Au-delà des combats de championnat du monde et des milliers de partisans qu’il a fait vibrer au fil des années, Pascal est plutôt fier de l’empreinte qu’il aura laissée sur son sport.

« J’ai représenté la possibilité pour les jeunes, a avoué Pascal. On me dit que de jeunes Noirs et de jeunes Haïtiens ont commencé la boxe à cause de moi. Si j’ai pu réussir, eux le peuvent aussi. J’ai représenté l’idée qu’il est possible de s’en sortir. C’est une de mes plus grandes fiertés. »

« Jean incarne le courage, a renchéri Larouche. Il n’y a pas beaucoup de boxeurs qui peuvent se targuer d’avoir affronté les meilleurs. Lorsqu’on regarde sa feuille de route et la qualité des adversaires qu’il a affrontés pendant sa carrière, il n’a jamais pris le chemin le plus facile. »

Même si Pascal n’a absolument plus rien à prouver, il ne pouvait vraisemblablement pas tirer sa révérence sans se convaincre qu’il est encore capable de relever un défi à sa nouvelle réalité.