L’annonce de la mort de Jeanette Zacarias Zapata a créé une immense onde de choc dans toutes les sphères de la société québécoise et tous se demandent comment elle aurait pu être évitée.

En attendant qu’une enquête du Bureau du coroner fasse la lumière sur le décès de la Mexicaine âgée de 18 ans et soumette ensuite ses recommandations, l’homme de boxe de réputation internationale Russ Anber est d’avis que certains auront un examen de conscience à effectuer.

Anber montre notamment du doigt les entourages des boxeurs qui sont incapables de protéger adéquatement ces derniers d’eux-mêmes, puisqu’ils sont des intervenants de première ligne.

« Ton équipe est censée être là pour te protéger, a lancé celui qui est également collaborateur à l’émission Le 5 à 7 en entrevue à RDS.ca. C’est l’objectif ultime de tout entraîneur et de gérant.

« Dans le cas de Jeanette Zacarias Zapata, ce sont eux qui savaient ce qu’elle avait subi en mai. Les boxeurs et boxeuses sont tellement passionnés qu’ils vont toujours finir par faire à leur tête, peu importe ce qu’on va leur dire. Ils auraient dû être les premiers à dire : "au premier signe de danger, je jette l’éponge et j’arrête le combat". Peut-être que cette mort-là aurait pu être évitée.

« Ce n’était pas du tout la même chose dans le cas du combat entre Adonis Stevenson et Oleksandr Gvozdyk. Il n’y a rien que personne n’aurait pu faire. Il n’y avait aucun indice qui pouvait laisser croire qu’il y avait un danger. C’était l’histoire de deux ou trois coups de poing.

« Pour revenir à [Zacarias Zapata], on ne sait pas encore si c’est la main droite [à la conclusion du quatrième round] qui a causé le dommage. Peut-être qu’il y avait déjà une cicatrice d’un autre combat. Mais ce que ça me dit après avoir vu le coin de [Zacarias Zapata] la laisser manger une volée, c’est qu’est-ce que [son équipe] a pu laisser passer d’autre dans le gymnase? On ne sait pas du tout ce qui s’est produit en sparring. C’est ce qui me trouble plus qu’autre chose. »

Si Anber n’a jamais hésité à jeter l’éponge pour mettre fin à des affrontements contre le gré de ses boxeurs – c’est ce qu’il avait fait quand David Lemieux s’est mesuré à Marco Antonio Rubio en avril 2011 – il reconnaît cependant que ce ne sont pas tous ses pairs qui sont enclins à l’imiter.

« Je me souviens très bien du [premier] combat entre Miguel Cotto et Antonio Margarito. Le père de Cotto l’a laissé sortir après chaque round pour manger une volée, a rappelé celui qui est l’un des cutmen les plus sollicités au monde. Son propre père ne le protégeait pas… c’est pour cette raison que je ne blâme jamais les arbitres, car le coin a le pouvoir d’arrêter le combat.

« Mais le pire dans l’histoire qui nous préoccupe, c’est qu’elle est passée professionnelle à 15 ans et tout le monde dit que c’est normal parce que c’est au Mexique. Ça ne peut plus continuer comme ça. Ce n’est pas normal que le seul critère pour passer pro ce soit d’avoir un pouls. Ça fait simplement démontrer qu’il n’y plus aucun respect pour le danger que représente la boxe.

« Comment peut-il être aussi facile de tourner pro? Même lorsque [Vasiliy] Lomachenko était âgé de 15 ans, il était impossible de déterminer s’il était apte à passer chez les pros. De l’avoir envoyée dans le ring avec une fille de 30 ans, c’est impossible de croire que ç’a pu exister... »

Anber est loin d’être contre une mise à jour des lois et règlements qui régissent les sports de combat au Québec, mais il est certain qu’elle ne règlerait pas soudainement tous les problèmes.

L’un des grands enjeux est l’absence complète d’uniformisation entre les différentes juridictions partout sur la planète. L’état frontalier du New Hampshire n’exige qu’un test sanguin avant de confirmer la présentation d’un combat, expliquait un intervenant anonyme du monde de la boxe il y a quelques jours à RDS.ca. L’adoption d’une réglementation nettement plus musclée au Québec pourrait ainsi avoir un effet pervers : déplacer le problème plutôt qu’en régler le fond.

« Quand un boxeur a beaucoup de courage et qu’il n’est pas protégé par son coin, c’est comme s’il faisait face à deux rivaux : son courage et le boxeur devant lui. C’est ce qui est le plus triste.

« Mais il ne faut pas tomber dans l’autre extrême non plus en disant que la boxe n’a pas sa place dans la société. Il ne faut pas devenir des prêcheurs de moralité qui ne s’intéressent jamais à la boxe et qui surgissent quand il y a un mort. Oui, il y a des risques, mais ils ne sont jamais cachés.

« Ce qu’il faut, ce sont des dirigeants qui sont flexibles et qui ont le sens du bien commun. Trop souvent, des gens compétents sont tassés pour des raisons politiques et sont remplacés par des gens sans aucune expérience et il faut tout recommencer à zéro. Comment est-il alors possible d’évoluer? L’idée, c’est peut-être que les gens impliqués en boxe se réunissent annuellement et révisent les problématiques survenues dans la dernière année pour essayer de les résoudre.

« Ça me fâche quand des gens disent que la boxe n’a pas sa place dans la société. Peut-être pas dans la vôtre, mais dans celle de bien des gens qui y gagnent leur vie. C’est comme lorsque des gens disent qu’elle est venue manger une volée pour seulement 1800 $, est-ce que ça signifie que 5000 $, ç’aurait été mieux? Non, ça fait juste prouver leur manque de respect pour le sport.

« Il y a un peu d’hypocrisie là-dedans, car les gens se lèvent quand il y a une bagarre à poings nus au hockey. La boxe a sauvé plus de gens qu’elle en a tués, mais cela ne justifie pas du tout la mort de Zacarias Zapata. J’en reviens toujours à ça, mais son coin aurait pu mieux la protéger. »

Le journaliste Jimmy Cannon a déjà écrit que la boxe était le « red light district » du sport et la société aurait intérêt à faire tout en son pouvoir pour s’assurer que les drames comme celui survenu cette semaine ne se reproduisent plus. Mais encore faut-il que cette dernière le réclame...