NEW DELHI - Le Canada comptait cinq boxeurs et deux espoirs légitimes de médaille aux Jeux du Commonwealth de New Delhi, dont le Lavallois Didier Bence. Mais ils avaient tous subi l'élimination, lundi, au moment où s'amorçaient les demi-finales dans les différentes catégories de poids.

"Nous en sommes à un stade où nous avons des jeunes qui sont talentueux, mais qui n'ont presque pas d'expérience (à l'échelle internationale), a indiqué Marc Ramsay, l'un des deux entraîneurs de l'équipe canadienne de boxe qui a été déléguée aux Jeux de New Delhi. Il y avait deux scénarios possibles: soit qu'on obtienne jusqu'à trois médailles, soit qu'il arrive ce qui est arrivé."

Ramsay considérait Bence, qui a raflé le bronze aux Jeux panaméricains de 2007, comme l'un des favoris chez les super-lourds. L'autre principal espoir de médaille était Custio Clayton, de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, chez les 69 kg. Et aux yeux de Ramsay, le Montréalais Yves Ulysse, chez les 64 kg, avait assez de talent pour surprendre des vétérans.

Ulysse "a battu deux boxeurs qu'il devait battre" et "levé son niveau d'un cran", selon Ramsay, mais il s'est buté à l'Anglais Bradley Saunders, le champion d'Europe, en quarts de finale.

Bence a perdu dès les huitièmes de finale face aux Néo-Zélandais Joseph Parker, dans un combat que Ramsay a qualifié de "bizarre".

"Didier menait 7-5 quand il a reçu un point de pénalité pour avoir eu la tête basse, sans avertissement au préalable, alors que normalement un boxeur a droit à trois avertissements avant de perdre un point, a expliqué celui qui est aussi l'entraîneur personnel du champion du monde Jean Pascal.

"Il s'est retrouvé à 7-7, alors il a dû forcer le combat. Ça été une véritable guerre et il a fini par s'épuiser."

Clayton, lui, s'est incliné devant l'Écossais Aston Brown en huitième de finale.

Ces piètres résultats ne sont pas seulement attribuables à un concours de circonstances. Ils font suite à plusieurs années de gestion négligente chez Boxe Canada. Malgré le bon travail du directeur technique Daniel Trépanier depuis deux ans pour restructurer le programme national, la situation ne progresse que très lentement.

"Le vrai problème, c'est la façon dont Sport Canada attribue ses subventions, c'est-à-dire strictement en fonction des performances, a déploré Ramsay, lundi, au cours d'un entretien avec La Presse Canadienne. Quand les performances sont à la baisse, les subventions baissent aussi et ça devient un cercle vicieux dont il est très difficile de se sortir.

"Le handball est un autre sport qui souffre de cette politique. Ils n'ont même plus de centre national", a ajouté Ramsay.

"Le résultat, c'est que Boxe Canada a un budget d'environ un demi-million de dollars pour toutes ses activités, alors qu'on me dit que celui de la fédération anglaise est dans les sept chiffres et ce, seulement pour l'équipe senior masculine."

Un problème de longue date

Ce n'est pas d'hier que Boxe Canada souffre. Un seul boxeur canadien a remporté une médaille aux Jeux du Commonwealth - un résultat décevant ça aussi - et un seul s'est qualifié pour les Jeux olympiques de Pékin en 2008.

"Les gens qui étaient auparavant en place étaient très âgés et politiquement, il n'y avait pas moyen de les tasser, a indiqué Ramsay. Il y avait une structure où chacun faisait à peu près ce qu'il voulait."

Ces gens ont été remplacés, puis Trépanier est arrivé en poste en 2008. Il avait d'abord les mains liées, mais il a prouvé sa valeur et il a maintenant carte blanche.

"Daniel est arrivé avec des projets très intéressants. Il a restructuré les méthodes de travail", a expliqué Ramsay.

Sauf que Boxe Canada continue de payer pour les pots cassés, alors que les anciens dirigeants n'ont jamais été capables - ou n'ont jamais voulu - s'adapter à la nouvelle réalité de la boxe.

Plumés par les pros

Cette réalité, c'est que les boxeurs passent aux rangs professionnels beaucoup plus rapidement qu'avant. Les boxeurs comme Jean Pascal et Adonis Stevenson ne font qu'un cycle olympique - ou même moins - avant de se joindre à InterBox ou GYM. L'écurie américaine Golden Boy Promotions, elle, a embauché Mikael Zewski.

"Un autre sport de combat, le judo, n'a pas à composer avec le système professionnel, a fait remarquer Trépanier lors d'un récent entretien, avant le début des Jeux du Commonwealth. Nicolas Gill a disputé plusieurs Jeux olympiques parce qu'il n'y avait pas d'autres débouchés au-delà de sa carrière amateure. On a pu travailler avec lui pendant plusieurs années.

"Nous, on sait qu'on a seulement quatre ans pour développer au maximum le potentiel d'un athlète chez les amateurs. On essaie maintenant de développer nos juniors pour qu'ils soient prêts quand nos seniors quittent, pour qu'il y ait toujours des jeunes qui puissent tant bien que mal colmater les brèches."

Ramsay était optimiste avant de se rendre à New Delhi. Il espérait que le bon travail entrepris par Trépanier rapporterait des dividendes.

"Mais j'ai réalisé pendant les Jeux que le problème est beaucoup plus profond, a-t-il dit. (Boxe Canada) a besoin d'aide et l'aide doit venir d'ailleurs - de Sport Canada et d'un peu tout le monde autour."