MONTRÉAL – La boxe québécoise s’est résolument retrouvée au tapis en 2020, alors que les promoteurs ont dû redoubler d’imagination afin de permettre à leurs athlètes de rester actifs.

Quand la Direction régionale de santé publique de Montréal a annulé le gala d’Eye of the Tiger Management (EOTTM) prévu le 12 mars, toute l’industrie était loin de se douter qu’il faudrait patienter jusqu’en octobre avant qu’un événement ne soit organisé en territoire québécois.

Il faut rappeler que le sort des sports de combat a été l’un des nombreux angles morts de la pandémie de coronavirus cette année. Plusieurs intervenants du milieu – le promoteur Camille Estephan et la boxeuse Marie-Pier Houle en tête – se sont ainsi ligués afin de faire pression auprès des autorités gouvernementales pour qu’elles autorisent la présentation de combats.

Leur dur travail a porté ses fruits, alors qu’EOTTM a finalement tenu un gala en octobre à Shawinigan et un autre en novembre à Rimouski. L’opération a été un succès quant au respect des mesures sanitaires, mais le spectacle a été parfois inégal. Devant faire appel à des boxeurs du Canada seulement, le bassin d’adversaires potentiels s’en trouvait considérablement réduit.

Estephan pensait répéter l’expérience en décembre et en janvier, mais devant la recrudescence du nombre de cas de COVID-19 au Québec, il s’est résigné à abandonner le projet et présentera son prochain événement au Mexique. Le pays de Julio Cesar Chavez père a d’ailleurs accueilli de nombreux athlètes de la Belle Province au cours des derniers mois afin qu’ils puissent se battre.

En plus du Mexique, quelques boxeurs de Groupe Yvon Michel ont eu la chance de se produire dans la « bulle » de Las Vegas, aux États-Unis, étant donné que le vétéran promoteur n’a tenu aucun gala au Québec cette année après avoir dû annuler des soirées prévues les 21 et 28 mars.

Trois champions inactifs

Les circonstances ont ainsi malheureusement fait en sorte que les trois détenteurs de titres mondiaux – Artur Beterbiev, Marie-Ève Dicaire et Jean Pascal – ne se sont pas battus en 2020.

Le premier était censé disputer son premier combat depuis qu’il était devenu champion unifié WBC-IBF des poids mi-lourds le 28 mars à Québec, mais la pandémie a évidemment coupé court à ses plans. Il a également été notamment question d’un duel le 23 octobre en Russie, sauf que le Montréalais d’origine russe s’est blessé aux côtes à l’entraînement. Normalement, Beterbiev devrait affronter son aspirant obligatoire à l’IBF Adam Deines le 30 janvier prochain à Moscou.

La deuxième avait une rencontre au sommet prévue avec Claressa Shields dans un mégacombat d’unification des super-mi-moyennes, mais au moment d’écrire ces lignes, la détentrice du titre de l’IBF ne sait toujours pas quand cette confrontation se matérialisera. Au cours de la dernière année, le choc a été reporté onze fois, ce qui l’a obligé d’être continuellement à l’entraînement.

Quant au troisième, choisi meilleur boxeur québécois depuis le début du XXIe siècle à la suite d’une vaste consultation de RDS, il a été question de revanches contre Marcus Browne et Badou Jack, mais le nom du champion « régulier » des mi-lourds de la WBA est aujourd’hui davantage associé à une participation à une émission de télé-réalité qu’à un éventuel retour dans le ring.

Deux occasions ratées

L’heure n’a pas plus été aux réjouissances pour les rares qui ont eu la chance de disputer des combats significatifs, Eleider Alvarez et Mikael Zewski s’inclinant notamment avant la limite.

Après une victoire par knock-out contre Michael Seals en janvier à Verona dans l’État de New York, Alvarez pensait bien avoir remis sa carrière sur les rails, sauf que le Montréalais d’origine colombienne s’est complètement effondré face à Joe Smith fils en se faisant arrêter au 9e round dans un duel éliminatoire des mi-lourds de la WBO tenu en août dans la « bulle » de Las Vegas.

Un peu comme cela avait été le cas pendant son deuxième choc contre Sergey Kovalev l’année dernière, Alvarez a paru complètement éteint dans l’arène et n’a jamais été dans le coup contre un adversaire pourtant à sa portée. Cela dit, la correction infligée par Smith a été assez brutale.

Dans les minutes qui ont suivi sa défaite, son entraîneur Marc Ramsay avait mentionné que le moment de la retraite était probablement arrivé, tandis que son promoteur Yvon Michel avait plutôt suggéré de réfléchir et ne pas prendre une décision précipitée sur le coup de l’émotion.

La deuxième option a été privilégiée, mais l’ancien champion du monde devra montrer patte blanche à son entraîneur s’il souhaite poursuivre sa carrière. Ramsay a notamment exigé qu’il adopte une attitude irréprochable à l’entraînement et qu’il prépare son après-carrière. Aucune date quant à un éventuel retour n’a été évoquée, pas plus que le nom d’un éventuel adversaire.

De son côté, Zewski a obtenu le combat d’importance qu’il réclamait depuis longtemps, mais le Trifluvien a perdu par arrêt de l’arbitre au 8e round face à Egidijus Kavaliauskas en septembre, également dans la « bulle » de Las Vegas. Zewski a été particulièrement compétitif pendant les quatre premiers rounds, mais le vent a ensuite tourné à la faveur du Lituanien grâce à son jab.

Sur la scène locale, EOTTM a présenté les premiers combats de son « Carré d’As », un tournoi regroupant quatre boxeurs évoluant chez les super-légers. Yves Ulysse fils a réglé le compte de Mathieu Germain au terme d’une prestation inspirée avant d’annoncer une pause médiatique après avoir révélé au Journal de Montréal qu’il souffrait de problèmes de santé mentale.

Clavel se distingue sur et hors du ring

Autant la pandémie de coronavirus a eu des répercussions négatives sur la quasi-totalité des intervenants du milieu, autant elle a permis à Kim Clavel de s’illustrer sur les plans sportif et humain.

Sportivement parlant, elle a notamment réussi une prestation parfaite en battant Natalie Gonzalez par décision unanime des juges en juillet dans la « bulle » de Las Vegas, mais plus important encore, elle s’est distinguée en gagnant le prix Pat-Tillman aux ESPN Awards pour avoir eu « un lien fort avec le sport qui a servi les autres d’une façon qui fait écho à l’héritage de Tillman ».

Clavel a été honorée après avoir décidé de reprendre du service comme infirmière en CHSLD.

In Memoriam

Finalement, l’année a été ponctuée par le décès de Régis Lévesque le 27 octobre à l’âge de 85 ans. Le coloré personnage a marqué plusieurs générations d’amateurs de boxe dans les années 1960, 1970 ainsi que 1980 en « promotant » plusieurs événements à saveur résolument locale.

Lévesque a fait les beaux jours du Centre Paul-Sauvé avec ses cartes mettant en vedette Gérald Bouchard, Geatan Hart, Jean-Claude LeClair, Fernand Marcotte, Eddie Melo et Donato Paduano pour ne nommer que ceux-là. Il avait acquis une grande notoriété à l’extérieur du milieu sportif.

Ce n’est d’ailleurs pas un fruit du hasard si des personnalités de tous les horizons lui ont rendu un hommage senti au moment de l’annonce de sa mort en relatant de savoureuses anecdotes.