Dans un coin, il y a les boxeurs au talent exceptionnel comme Floyd Mayweather, Oscar De La Hoya et Lucian Bute qui gravissent les échelons à un rythme fulgurant. Dans le coin opposé, on retrouve des boxeurs comme Renan St-Juste qui doivent patienter jusqu'à 39 ans pour obtenir un premier combat éliminatoire de championnat du monde.

Inévitablement, St-Juste (23-2-1, 15 K.-O.) a vécu de grandes déceptions à travers son parcours. La plupart du temps, ces moments éprouvants ne sont pas survenus dans le ring, mais plutôt à l'extérieur car il ne parvenait pas à obtenir les combats d'importance désirés pour le mener au sommet.

Le puissant boxeur gaucher s'est forgé une réputation enviable, mais celle-ci lui a joué des tours puisque des boxeurs de premier plan ont préféré l'éviter sur leur chemin.

À force de patience, le boxeur québécois a finalement reçu la nouvelle dont il rêvait. Le 2 décembre, il montera dans l'arène du Chumash Casino en Californie contre Anthony Dirrell (23-0-0, 20 K.-O.) et l'enjeu sera un combat de championnat du monde pour la ceinture WBC des poids super-moyens détenue par nul autre que Carl Froch.

«Pour moi, c'est comme mon championnat du monde», avoue St-Juste avec un énorme sourire au visage.

En raison de son cheminement parsemé d'embûches, l'athlète qui dégage un calme impressionnant a refusé de s'emballer en apprenant la nouvelle si désirée.

«Plusieurs gros combats sont tombés à l'eau auparavant pour moi alors je me disais «Ah ok, mais je vais attendre un peu avant de festoyer… », se souvient-il au sujet de sa réaction.

Quelques détails demeurent à régler avant la signature du contrat officialisant l'affrontement, mais St-Juste possède déjà une idée de son approche à emprunter face au jeune frère d'Andre Dirrell.

«Il est invaincu et la plupart des boxeurs invaincus se sentent invincibles et je vais me servir de cette carte. Dirrell ne me connaît pas et il se méfiera sans doute moins de moi puisque j'ai 39 ans. C'est un avantage quand mes adversaires pensent ainsi», a affirmé au RDS.ca celui qui était classé troisième aspirant à la couronne WBC alors que Dirrell s'avère le premier.

St-Juste a obtenu ses deux dernières victoires contre Jaudiel Zepeda par décision unanime en Roumanie et contre Sébastien Demers à l'aide d'un retentissant K.-O. dès le deuxième round. Le défi qui se dresse devant lui représente une tâche nettement plus ardue et sa préparation approche d'une étape cruciale.

«Je n'ai pas encore regardé ses combats, mais mes entraîneurs l'ont fait. À partir de cette semaine, on plonge dans la stratégie», a indiqué St-Juste qui s'entraîne avec l'équipe de Mike Moffat.

Même s'il ne connaît pas toutes les forces et faiblesses de son adversaire, St-Juste (cinq pieds neuf pouces) sait qu'il concédera plus de cinq pouces à Dirrell (six pieds deux pouces et demi).

«Je sais qu'il est grand, mais ce n'est pas nouveau pour moi. C'est surtout vrai quand je boxe à 168 livres comparativement à mes combats chez les 160 livres. Ça ne m'affecte pas vraiment et les grands boxeurs tombent mieux!», a-t-il lancé avec confiance.

La motivation des premières huées

Pour son 27e combat professionnel, St-Juste sera en action en sol américain pour la première fois. Toutefois, il possède un atout significatif ayant vécu l'expérience particulière de se battre dans le pays de son ami Lucian Bute le 9 juillet.

«Mon combat en Roumanie aidera beaucoup. Maintenant, je vois à quel point c'était utile d'y aller. Nous étions arrivés trois semaines à l'avance pour se préparer alors que je vais arriver en Californie seulement quelques jours plus tôt», a précisé celui qui est passé près de croiser le fer avec Mikkel Kessler.

«Disons que je ne pouvais pas négocier beaucoup pour ce combat et je serais même allé me battre en Chine, si le combat était présenté là-bas», a-t-il ajouté en riant de bon cœur sur un fond de vérité.

À l'approche de la quarantaine, St-Juste s'est relevé de tous les coups infligés par le destin et il est appuyé par sa femme et son fils de 18 ans dans cette aventure exigeante et ce combat ne semble pas du tout l'effrayer.

«Je ne suis pas nerveux. En fait, c'est seulement le résultat qui change et non la façon de se battre. C'est la même chose pour moi sauf que si je gagne, je serai l'aspirant numéro un.»

Si Dirrell ne représente pas une source d'intimidation, est-ce que la foule hostile pourrait freiner sa fougue?

«Il sera probablement appuyé par une tonne de personnes étant donné qu'il boxera dans son patelin, son pays. En Roumanie, je me sentais comme à la maison parce que nous étions dans l'équipe de Lucian alors tout le monde nous applaudissait. Cette fois, je vais me faire huer et je n'ai jamais vécu cela, mais je pense que ça va me motiver», a évoqué le boxeur d'origine haïtienne.

À moins d'un mois du combat le plus important de sa carrière, St-Juste prétend qu'il n'a jamais perdu confiance que son tour allait venir grâce à l'aide d'InterBox, du Groupe Yvon Michel et de son entourage.

L'attente aura été payante pour celui qui œuvre dans l'ombre des gros noms de la boxe québécoise, mais il refuse de songer à un éventuel combat contre Froch ce qui pourrait modifier son statut.

«Je ne pense pas à lui. En fait, ça me surprendrait qu'il m'affronte même si je gagne parce qu'il ne toucherait pas une bourse très intéressante. Il pourrait monter de catégorie, laisser le titre vacant ou unifier sa ceinture. En gagnant, je pourrais quand même obtenir une chance de championnat du monde. Pour moi, mon championnat c'est Dirrell et non Froch», a conclu celui qui est devenu au fil des ans un spécialiste pour garder les yeux rivés sur sa proie et son objectif.