MONTRÉAL – De tout temps, nombre de boxeurs et boxeuses ont exprimé la difficulté à trouver la motivation à l’approche d’un combat jugé peu significatif. À quel point il pouvait être pénible de se rendre au gymnase quotidiennement et la tentation à tourner les coins ronds assez forte.

Imaginez alors un athlète qui s’entraîne jour après jour, semaine après semaine, sans savoir s’il aura véritablement la chance de faire fructifier son dur labeur. Un athlète qui doit néanmoins rester au sommet de sa forme si jamais une proposition de combat finissait par se concrétiser.

C’est la réalité à laquelle est soumise Martine Vallières-Bisson, qui a accepté de relever le défi d’aller se battre en Pologne, pour y affronter Laura Grzyb. Le combat sera présenté vendredi à Kielce, une ville située dans le sud du pays à mi-chemin entre la capitale Varsovie et Cracovie.

« À la base, je souhaitais disputer mon prochain combat en juin et je m’étais arrangée pour être disponible à ce moment-là, a expliqué Vallières-Bisson pendant un récent et généreux entretien avec RDS.ca. Lorsque l’offre est venue vers la fin mai, je savais que je n’aurais pas un camp de six ou huit semaines pour me préparer, mais je jugeais tout de même que le délai était raisonnable.

« Il faut savoir que je suis toujours active dans le gymnase. Je suis toujours dans une forme de progression. Mon entraîneur Rodolfo Furlan et moi avons évidemment analysé la situation avant d’accepter. Nous avons ensuite décidé d’avoir un plan de match un peu plus old school, à savoir que la préparation est plus générale afin que je sois capable de me revirer sur un dix cennes. »

C’est évidemment très loin d’être une situation idéale, mais elle est le lot des pugilistes qui ne sont pas sous contrat avec un promoteur. Les places sur les événements présentés au Québec ne sont jamais assurées et à 37 ans, « MVB » n’a pas de toute évidence le temps de procrastiner.

« C’est pour cette raison que je dois toujours demeurer prête. Mon conseiller Douggy Bernèche m’aide à trouver des combats, mais je n’ai absolument aucune garantie, mentionne Vallières-Bisson. C’est le matchmaker Stéphane Loyer qui va vu passer cette offre de combat en Pologne.

« Ils cherchaient une fille pour se battre à 126 livres, nous nous sommes entendus pour 124. Elle était classée 19e sur BoxRec, moi 31e. Sur papier, c’était un matchup parfait... mais d’un autre côté, je suis consciente que bien des éléments sont contre moi. Elle ne semble pas posséder beaucoup d’expérience dans les rangs amateurs, mais elle a peut-être un passé de kickboxing. »

Autant il est facile de saluer la détermination d’une athlète qui désire aller au bout de son sport et de ses rêves, autant il peut être difficile de percevoir ce qui la motive, d’autant plus que la boxe n’est pas une question de survie. Il faut que ce soit quelque chose de résolument profond.

« Mike Tyson a souvent parlé de la peur qu’il vivait et que c’est exactement cela qui lui a permis de connaître du succès. Cela peut également s’appliquer à toutes sortes de choses dans la vie. Avec la boxe, je me mets au défi afin de savoir comment je vais réagir, avoue Vallières-Bisson.

« Chaque fois que je monte dans le ring, je ressens une énorme poussée d’adrénaline. Quand je revisionne mes combats, je suis capable de dire quand l’adrénaline embarque! Ce sport-là, c’est aussi un énorme jeu d’échecs où tu calcules constamment tes prochains coups. Étant donné que l’attention de l’être humain est de 20 secondes, le côté tactique prend une grande importance. Si cet aspect de la boxe était davantage connu, c’est un sport qui serait nettement mieux vu. »

En écoutant Vallières-Bisson revenir sur son parcours, il n’est pas difficile de comprendre qu’elle a été préparée pour ce qui l’attend en Pologne. Elle a d’abord eu l’occasion de s’y battre quand elle évoluait dans les rangs amateurs, puis a connu quelques enjeux chez les professionnelles.

« À mon deuxième combat, je n’avais aucune idée qui était la fille devant moi. Devant l’inconnu, il faut avoir confiance en soi, indique Vallières-Bisson. [À mon quatrième combat] j’ai su à deux semaines d’avis que j’allais me mesurer à Lindsay Garbatt, une fille avec beaucoup d’expérience.

« Je ne pouvais pas entièrement me fier à ce que j’avais vu sur vidéo, puisqu’une boxeuse peut changer et c’est finalement une tout autre personne qui se présente devant toi. C’est pourquoi il est important de focusser sur toi et non sur l’autre. C’est toi qui veux dominer, c’est ton duel. »

À ce stade-ci, personne ne sera surpris d’apprendre que « MVB » a l’occasion de s’adresser régulièrement aux jeunes de différentes écoles du Québec. Il y a des leçons à retirer de la boxe qui peuvent se transposer dans la vie de tous les jours. Il s’agit simplement de tendre l’oreille.

« Quand je suis dans les écoles, je demande aux élèves de pratiquer la tague boxe et leur côté compétitif ressort. C’est à ce moment-là que tu vois une lumière dans leurs yeux, détaille Vallières-Bisson. Lorsqu’ils se retrouvent devant un adversaire plus rapide, je leur demande ensuite ce qu’ils vont faire pour gagner. Cela les pousse à se demander, c’est quoi leur force...

« La boxe, c’est surtout cela, une game mentale. Qu’est-ce que je vais utiliser comme tactique pour couper le jab? Si tu n’es pas mentalement prêt, tu vas te laisser déranger par les imprévus.

« Bref, il y en a des affaires qui se passent dans ta tête pendant un combat. Et il ne faut surtout pas se laisser distraire par les pensées négatives. Il faut constamment dealer avec ces pensées, constamment se recentrer pour être dans le moment présent. Not too high, not too low, be in the zone.

« Et ce qui est merveilleux avec la boxe, c’est que peu importe la forme de ton corps, tu peux optimiser plein d’aptitudes et de qualités. C’est un sport qui mène à la confiance corporelle. »

Alors qu’environ un million d’élèves du primaire et du secondaire attendaient avec impatience la dernière cloche officialisant la fin des classes, Vallière-Bisson profitera de celle annonçant le début de son combat pour mettre en pratique ce qu’elle prêche en allant au bout de ses limites.