Jean Pascal : La prudence est de mise
Boxe lundi, 27 janv. 2014. 15:59 mercredi, 11 déc. 2024. 19:33Jean Pascal a vécu la gloire et les contrecoups de la gloire dimanche soir. Pendant qu’une grande partie du Québec le regardait répondre aux questions de Guy A. Lepage à Tout le Monde en Parle, des policiers armés d’un mandat de perquisition passaient sa maison au peigne fin à la recherche d’éléments de preuve pour appuyer une dénonciation d’agression sexuelle.
Parce que Guy A. reçoit ses invités le jeudi, Radio-Canada, mise au courant de la frappe policière comme tous les autres médias de Montréal et du Québec, s’est assurée de faire défiler une bande d’informations confirmant la perquisition.
La SRC n’avait pas le choix. Par respect de son auditoire et de ses responsabilités à titre de service d’informations de premier plan, elle se devait de publier ces détails qui tranchaient avec le ton amical de l’entrevue. De fait, on a souvent vu défiler des précisions du même genre afin de bien aiguiller les téléspectateurs en marge de développements survenus après l’enregistrement de l’émission. Cette procédure n’était donc d’aucune façon préjudiciable au boxeur.
Sauf que cette présence de Pascal à l’émission et l’information reliée à la perquisition qui lui défilait sous le visage a multiplié par 10, par 100, par 1000 l’ampleur médiatique de l’opération populaire.
D’où la gloire et les contrecoups de la gloire.
L’ampleur médiatique de la perquisition combinée à l’ampleur médiatique du principal intéressé a ouvert la porte à un tsunami de réactions sur les médias sociaux.
Et comme on l’a vu à plusieurs – lire trop – de reprises depuis que les médias sociaux sévissent sur la planète web, une procédure policière en bonne et due forme s’est vite traduite en spéculations, en quand dira-t-on et en condamnations publiques sans appel. En fait non : sans même de procès.
Je ne connais pas Jean Pascal personnellement.
Je connais de Jean Pascal sa force de frappe. Je connais de Jean Pascal le côté vedette qu’il adore amplifier. Je connais de Jean Pascal sa belle gueule qu’il aime voir en gros plan à la télé, dans les journaux, à la une des magazines et avec laquelle il ne se gêne pas de lancer des mots qui semblent souvent bien plus droit sortis de la tête de ceux et celles qui s’occupent de sa mise en marché que de sa propre tête. Je connais aussi de Jean Pascal toutes les rumeurs qui flottent autour de lui à l’effet qu’il ait des fréquentations douteuses avec des « amis » qui sont tout autant douteux.
Au-delà de ce que tout le monde connaît de lui, je ne connais pas le boxeur. Personne ne pourra donc m’accuser ici de défendre un ami et d’intervenir pour amortir l’impact que la perquisition de dimanche peut avoir sur son image.
Mais peu importe que je connaisse ou non Jean Pascal, il est important, essentiel même, d’éviter de sauter à des conclusions trop hâtives et de condamner Jean Pascal avant le temps.
Du même coup – et ce n’est pas un mauvais jeu de mots –, il ne faut pas non plus déchirer sa chemise sur la place publique pour lancer que Pascal est injustement traité.
Quoi faire? Garder la tête froide. Éviter de sauter aux conclusions. Attendre que les informations obtenues de la bouche de la victime alléguée, que celles obtenues des témoins, témoins dont Jean Pascal pour l’instant fait partie et que les éléments de preuve recueillis lors de l’opération policière permettent de déterminer s’il y a matière à déposer des accusations ou non.
Ce que personne ne sait pour le moment.
Qu’a fait Jean Pascal au juste?
Son implication se limite-t-elle au fait qu’il est propriétaire du domicile où les événements se sont produits ?
Est-il directement impliqué?
Jean Pascal, la victime alléguée et les quelques personnes qui les accompagnaient après que le groupe eut regagné le domicile du boxeur à Lorraine, sur la couronne nord de Montréa,l au terme d’une soirée passée dans un bar dont je ne connais pas le nom seulement le savent.
Ils savent ce qui s’est passé avant l’agression alléguée. Ils savent ce qui s’est passé après.
Ce qui s’est passé pendant, deux personnes et deux personnes seulement le savent vraiment : l’agresseur peu importe son identité et la victime alléguée.
Parce qu’il était à Los Angeles pour assister à la remise des prix Grammy – la soirée des Oscars dans le monde la musique aux États-Unis – Jean Pascal n’a pu offrir sa version des faits aux policiers qui sont débarqués chez lui.
À moins que ses avocats lui ordonnent de garder le silence, Pascal pourra répondre aux questions des enquêteurs dès son retour de la Californie, mardi.
Peut-être en profitera-t-il pour se défendre aussi sur la place publique. Ce qui n’est pas acquis.
Une fois sa version des faits confrontée à celle de la victime alléguée, nous nous retrouverons alors tous et toutes devant le conflit des versions opposées.
Un conflit que devront résoudre les représentants de la couronne afin de déterminer de la nécessité ou non de déposer des accusations. Et si des accusations sont déposées, un juge ou 12 membres d’un jury auront ensuite à osciller entre ces deux versions avant de se tourner vers celle qu’ils jugeront vraie. Ou la plus vraisemblable.
Mais peu importe que Pascal soit innocenté par le biais d’une décision de ne pas déposer d’accusations ou acquitté au terme d’un procès, il aura plus de difficultés à esquiver les contrecoups de la perquisition de dimanche qu’il en a eues à esquiver les coups de poing de Lucian Bute il y a deux semaines.
Car le mal associé aux commentaires qui ont fait le tour de la planète web avant que les policiers n’aient eu le temps de faire le tour de la maison du boxeur sera difficile à réparer.
Bon! Avec leur manie de s’associer trop souvent à du monde louche, les boxeurs n’aident pas leur cause. Un reproche qui ne peut toutefois être lancé à Lucian Bute qui semble être l’exception qui confirme la règle. Une exception qui explique sans doute aussi pourquoi il profite d’autant d’affection de la part des Québécois. Qu’ils soient amateurs de boxe ou non.
Un traitement dont Pascal ne peut bénéficier pour le moment, mais dont il aura grand besoin au fil des prochains jours, des prochaines semaines et des prochains mois si son dossier traîne en longueur sur les bureaux des enquêteurs, des procureurs et d’un juge.
Si Pascal est trouvé coupable, il faudra le condamner sur la place publique. Comme il était normal de condamner Adonis Stevenson lorsque les nouvelles confirmant son association à un dangereux gang de rue impliqué dans le proxénétisme ont été lancées par La Presse et reprises ensuite par l’ensemble des autres médias.
Mais d’ici là, il est impératif d’afficher toute la retenue associée au grand principe selon lequel Jean Pascal, comme tout le monde, doit bénéficier de la plus élémentaire présomption d’innocence. Une présomption qui a pris le bord dimanche soir avec l’annonce de la présence policière au domicile du boxeur et les conclusions, voire condamnations, hâtives que cette présence a entraînées.