QUÉBEC - Il y a des combats qui définissent la carrière d’un boxeur et celui qu’Eleider Alvarez disputera contre Lucian Bute, vendredi soir à Québec, s’inscrit parfaitement dans cette lignée.

Non seulement le Montréalais d’origine colombienne mettra sa position d’aspirant obligatoire au champion des poids mi-lourds du WBC Adonis Stevenson en jeu, mais il devra s’imposer avec éclat afin de convaincre une industrie qui entretient encore de nombreux doutes à son sujet.

« S’il fait une performance plutôt terne, il va être catégorisé pour le reste de sa carrière comme un gars terne, comme un gars qui n’est pas spectaculaire, a reconnu le promoteur Yvon Michel au cours d’une conférence de presse présentée mardi avant-midi dans un hôtel de Québec.

« Mais s’il devait livrer une performance comme à Chicago [contre Anatoliy Dudchenko] et comme à Monaco [contre Rino Liebenberg], il va plutôt être catégorisé comme un gars capable de se lever au niveau du défi, capable de donner un très gros combat au moment opportun. »

« C’est exactement le but de ce combat-là, a ajouté son gérant Stéphane Lépine. Quand ce duel-là nous a été offert, c’est ce que nous avons vu : faire connaître Eleider du grand public. Il a besoin d’une performance, pas juste de gagner, pour se donner une crédibilité et montrer qui il est. »

« Je ne sais pas si ça va définir [le reste de sa carrière], mais ça va avoir une relative influence sur ce qui va se passer par la suite, il n’y a pas de doute là-dessus, a quant à lui nuancé son entraîneur Marc Ramsay. Une carrière dans le monde de la boxe, c’est un combat à la fois. »

Si le passé est garant de l’avenir, plusieurs auront tôt fait remarquer qu’Alvarez (21-0, 10 K.-O.) a la plupart du temps déçu dans les combats qui étaient pourtant annoncés émotionnels. Qui ne se souvient d’ailleurs pas des prestations en demi-teinte qu’il avait livrées contre son compatriote Edison Miranda ou encore son ex-partenaire d’entraînement Andrew Gardiner?

« Comme entraîneur de boxe, je me dois de travailler avec l’individu que j’ai, avec ses forces et ses faiblesses, a expliqué Ramsay. Je ne peux pas dénaturer un boxeur pour faire plaisir à certains partisans de boxe. Je me dois d’utiliser les habiletés d’Eleider à leur maximum. »

Bute et Alvarez débordent de confiance

« C’est vraiment une question d’inspiration, a continué Michel. Quand il s’est battu contre Gardiner, il était frustré de se battre contre lui. Il devait plutôt se battre sur HBO contre [Louis] Oosthuizen et il s’est finalement retrouvé dans un combat qui n’avait pas de signification. Il ne comprenait pas du tout ce qui lui arrivait. Mentalement, il ne s’était pas préparé du tout.

« À Monaco, il revenait encore d’une performance ordinaire et nous lui avions dit que c’était très important qu’il nous en mette plein la vue [contre Liebenberg] et c’est ce qu’il a fait. Et il s’était exactement préparé de la même manière pour affronter Chad Dawson l’été dernier avant que le combat ne soit annulé. Eleider est à son mieux lorsqu’il provoque les choses. »

À la défense d’Alvarez, sa carrière a été une suite de rendez-vous manqués jusqu’à maintenant. Des problèmes de visas qui lui ont fait rater une année complète aux combats prévus, puis annulés à la dernière minute, contre des adversaires qui lui auraient permis de se faire connaître sur la scène internationale, il en a bavé. Tout cela, sans compter les blessures qui l’ont ralenti.

« Ce sont évidemment des épreuves dont nous pouvons nous servir pour ce combat-là, a avoué Ramsay. Dans un gymnase où il a vu les [Jean] Pascal, [David] Lemieux et [Antonin] Décarie aller en combat de championnat du monde et partir de pas grand-chose pour atteindre un certain niveau financier et sportif, ça fait longtemps qu’il rêve de ça. Ç’a été une bonne motivation. »

« C’est quelqu’un de très résilient, a renchéri Michel. Là où je le remarque le plus, c’est que ça fait six ans qu’il rêve d’amener sa famille ici. Il attendait que sa carrière se stabilise, mais il s’est toujours retrouvé pris entre deux chaises. Il ne veut surtout pas déraciner sa famille pour rien. »

Après avoir tout laissé derrière lui pour vivre son rêve et eu mille raisons d’abandonner en cours de route, Alvarez est enfin prêt à vivre son moment de vérité. Car s’il ne parvenait pas à franchir ce énième obstacle, cela pourrait malheureusement signifier le début de la fin pour lui.

« Peu importe qui perdra, j'ai de bons projets »