Jusqu’à tout récemment, InterBox et le Groupe Yvon Michel régnaient en rois et maîtres sur la boxe professionnelle au Québec. Les deux organisations ont formé leur part de champions et ambitionnent maintenant de faire de la province une plaque tournante sur l’échiquier mondial.

Mais derrière les Lucian Bute, Jean Pascal, Adonis Stevenson et compagnie, se cachent des boxeurs qui n’ont jamais pu profiter d’une telle chance pour une foule de raisons. Des laissés pour compte qui n’attendent que le moment où quelqu’un croira véritablement en eux.

C’est précisément à ce moment de l’histoire qu’entre alors en scène Camille Estephan. Devenu gérant de quelques boxeurs en 2008, il ajoute le chapeau de promoteur en 2010. Et seulement un peu plus de 3 ans plus tard, son protégé Dierry Jean affrontera le champion des poids super-légers de la IBF Lamont Peterson, samedi soir à Washington, sur les ondes de Showtime.

« Je ne me serais jamais lancé dans cette aventure sans avoir imaginé que ça pouvait marcher », a avoué Estephan pendant un entretien téléphonique avec le RDS.ca. « C’est très bien d’avoir un combat de championnat, mais je veux une équipe qui domine dans le monde de la boxe. Nous ne sommes pas encore rendus là, mais nous sommes sur le bon chemin. C’est le but suprême. »

Pourtant, Jean était loin d’être une valeur sûre pour un promoteur qui souhaitait en faire l’une des pierres d’assise de sa jeune entreprise. Malgré les premières embûches, Estephan a continué de croire en lui, mais refuse cependant de s’accorder le moindre mérite aujourd’hui.

« C’est une question de maturité et de confiance », explique le patron d’Eye of The Tiger Management. « En Dierry, je vois un homme qui a fait tous ses devoirs et qui veut s’assurer de ne pas rater l’opportunité qui se présente à lui et non pas la laisser filer entre ses doigts. »

Moffa, plus qu’en entraîneur

Si Jean faisait figure de pionnier en devenant le premier champion de la jeune organisation, il n’aura jamais à chercher bien loin pour trouver une quelconque source d’inspiration.

« C’est une compagnie qui a été fondée sur le caractère », se réjouit Estephan. « Nous l’avons prouvé pas plus tard que samedi dernier en envoyant Andrew Gardiner contre un gars (Eleider Alvarez) qui avait beaucoup plus d’expérience que lui. Andrew a fait tout un combat! »

« Je disais à Dierry de se souvenir du moment où il rêvait d’être champion et sous les feux de la rampe. Aujourd’hui, je veux qu’il s’amuse et qu’il profite de l’occasion pour réaliser son rêve. »

Mine de rien, Jean pourrait devenir le quatrième boxeur québécois d’origine haïtienne à mettre la main sur un titre mondial, après Joachim Alcine, Jean Pascal et Adonis Stevenson.

Estephan voit d’ailleurs beaucoup de similarité entre l’histoire de Jean et celle de Stevenson. Il pense que son protégé a tout ce qu’il faut pour réaliser un grand coup samedi soir. Stevenson est devenu une vedette instantanée en passant le knock-out en 76 secondes au champion des mi-lourds du WBC Chad Dawson en juin dernier sur les ondes de HBO.

« S’il est impressionnant, toutes les portes vont s’ouvrir devant lui », croit Estephan. « Les dirigeants de Showtime pourraient découvrir un trésor dans une division déjà très relevée. »

« (L’ancien arbitre et juge de réputation internationale) Guy Jutras me disait récemment que c’est la machine de boxe la plus complète à n’être jamais sortie de Montréal. Dierry lui rappelle Ike Williams, un ancien grand champion des légers des années 1940 et 1950. »

Au-delà du travail acharné et du dévouement, les succès de Jean jusqu’à présent sont surtout attribuables à son entraîneur Mike Moffa, celui-là même qui a permis à Alcine de battre Travis Simms pour s’emparer du titre des super-mi-moyens de la WBA en juillet 2007.

« Mike est beaucoup plus qu’un simple entraîneur », révèle Estephan. « C’est pratiquement un père pour Dierry. « C’est un excellent entraîneur, mais il appuie également ses gars à l’extérieur du ring. Ce genre d’entraîneur est primordial aux succès d’un boxeur ou d’un athlète. »

Avec Bermane Stiverne - qui doit affronter Chris Arreola pour la ceinture des lourds du WBC prochainement -, Eye of The Tiger Management pourrait compter deux champions du monde d’ici les prochains mois, un pari que seul Estephan aurait probablement pris et encore…