MONTRÉAL – Après avoir « exploité » la filière roumaine avec succès par l’entremise de Lucian Bute, Adrian Diaconu et Leonard Dorin, Stéphan Larouche tâte présentement le terrain pour emprunter une voie similaire avec des espoirs du Kazakhstan.

C’est ce que l’on peut découvrir ces jours-ci quand l’on se rend dans les dédales du Complexe sportif Claude-Robillard. En s’approchant des rideaux qui entourent le périmètre consacré à la boxe, on entend déjà les coups secs et puissants d’un boxeur inconnu au Québec.

Ces frappes sont celles de Batyr Jurembayev, un gaucher de 24 ans, qui admire le style – et non la personnalité – de Mike Tyson. Pour traverser l’Atlantique après une carrière de 225 combats amateurs dont 190 victoires, le boxeur a décidé de s’associer avec Anna Reva, l’ancienne gérante d’Artur Beterbiev.

Au boulot depuis un mois et demi sous les conseils de Larouche, l’athlète au tempérament réservé effectuera ses débuts professionnels (à un poids entre 135 à 145 livres) le 19 septembre dans le cadre d’un gala de boxe Pro-Am de la Fondation Ghislain Maduma. Pour l’occasion, les fonds amassés par la soirée au Bain Mathieu seront émis à différentes causes dont des bourses d’études à des jeunes Congolais.

À 24 ans, Jurembayev n’est pas débarqué à Montréal pour jouer au touriste. En fait, il a choisi la métropole pour ses attraits en tant que terreau fertile pour développer des boxeurs. Après avoir été contacté par Reva, Larouche n’a pas hésité à se lancer dans une autre aventure avec un espoir qui devra apprendre le français et ensuite l’anglais. 

« J’ai vu qu’il s’est battu avec les meilleurs au monde et qu’il était compétitif. Ça m’intéressait et c’était un beau défi même si je ne le connaissais pas auparavant. Mais dès que tu as été sur l’équipe nationale du Kazakhstan, ça veut dire que tu es parmi les meilleurs au monde au niveau amateur », a expliqué Larouche mardi matin.

« C’est une école extrêmement bonne, basée sur des automatismes très efficaces. On peut le voir avec (Gennady) Golovkin et d’autres athlètes », a-t-il enchaîné.

Larouche, Jurembayev et Reva ne sont pas dupes, ils savent que les allusions à Golovkin sont incontournables à l’heure actuelle surtout que GGG croisera le fer avec David Lemieux le 17 octobre.

Tandis que Larouche revoit un prototype à la Lucian Bute quand il avait son arrivée à son gymnase, Reva ne craint pas de le comparer à Golovkin.

Stéphan Larouche« Je trouve qu'il lui ressemble en gaucher », a prétendu Reva en soulignant la loyauté et le côté sérieux de son poulain découvert de la même manière qu’Artur Beterbiev.

« Ça me fait penser aux premiers pas de Lucian parce que Batyr est vraiment une coche en haut de tout le monde dans le gymnase », a visé Larouche qui ne sera pas dépaysé avec un autre gaucher doté d’une fluidité évidente comme c’était le cas aux beaux jours de Bute.

Mais avant de s’approcher de ses aspirations de championnat du monde et même d’unification de titres, le petit diamant qui veut franchir l’étape de la finition doit faire ses preuves dans le monde professionnel de la boxe.

« On a fait une évaluation complète de Batyr parce que ce ne sont pas tous les bons boxeurs amateurs qui peuvent garder ce niveau chez les pros. On aime son style, c’est un chasseur et un cogneur avec une bonne technique », a exposé Reva qui perçoit le caractère nécessaire pour percer chez Jurembayev.

« (À court terme), il doit d’abord découvrir c’est quoi la boxe professionnelle. Selon ce que j’ai vu, il aime quand ça brasse, il est agressif. Ensuite, on l’évaluera selon sa manière de réagir sous pression », a tempéré Larouche qui conseille aussi Bodgan Dinu, David Théroux et Yves Ulysse fils.

Les premières étapes professionnelles ne devraient pas trop embêter cet athlète au physique découpé et bien bâti pour la boxe. D’ailleurs, son attirance vers l’agressivité entre les câbles devrait le rendre plus attrayant.

« Il possède des qualités de boxe que j’adore. C’est un gaucher extrêmement rapide, un jeune avec une coordination évidente et une belle explosivité. Ses yeux sont aiguisés grâce à de bons réflexes », a détaillé Larouche sur celui pour lequel Reva attendra la meilleure offre avant de le lier à un promoteur.

Le risque de quitter sa terre natale pour le Canada aurait pu le rebuter, mais Jurembayev apprécie déjà son expérience au Québec.

« Ce n’était pas difficile de partir de mon pays parce que je suis mon rêve de devenir champion du monde. J’ai choisi la même approche que Golovkin, c’est notre inspiration pour nous tous », a admis le boxeur qui devrait évoluer, à maturité, dans la division des 147 livres.

Quelque peu timide pour l’instant, Jurembayev ne se sentait pas intimidé par l’engouement autour de lui ainsi que son baptême médiatique québécois.

« Je me sens bien, c’est un plaisir de boxer devant ces personnes et ça me motive de montrer ce que je peux faire dans l’arène », a répondu l’élégant cogneur qui n’avait pas l’habitude d’effectuer des rondes de « sparring », une coutume peu répandue en Europe.

Le projet Jurembayev s’annonce prometteur au point que certains de ses compatriotes pourraient venir le rejoindre auprès de Larouche.

« Quand Anna m’a parlé de lui, elle me disait que c’était seulement le premier d’une série. Je lui ai dit que j’avais le goût d’embarquer dans cette série », a confirmé l’entraîneur avec enthousiasme.

Le public québécois est réputé pour bien connaître sa boxe et ce sera maintenant à Jurembayev de faire ses preuves devant lui. Dans son coin, sa gérante aime répéter qu’elle veut bâtir de beaux projets avec Batyr.