Lucian Bute et InterBox ont un message à lancer à la planète boxe et c'est dans l'antre de Carl Froch qu'ils devront l'émettre, samedi soir, à Nottingham.

Confronté à une foule hostile et surtout au défi le plus complexe de sa carrière, le Montréalais d'adoption obtient enfin une opportunité de prouver une fois pour toutes qu'il est un « vrai ».

Pour ce faire, Bute et son équipe se sont préparés en conséquence. Débarqué en Angleterre deux semaines avant la tenu du combat, Bute à d'abord pu absorber les contres-coups du décalage horaire. Extrêmement bien encadré tout au long de son camp d'entraînement, le boxeur roumain a de plus pu s'acclimater au rythme de vie de Nottingham.

Voilà pour ce qu'il contrôle.

L'intimidante foule anglaise, c'est une autre histoire. Bute a bien beau tenté de s'y adapter au cours de son camp d'entraînement au moyen d'extraits sonores, il fera connaissance avec une toute autre sensation une fois le premier coup de cloche.

Nous aurons alors une meilleure idée de l'étoffe et de la force mentale de Bute. Dans n'importe quel ring de la planète, le champion IBF est plus rapide, plus habile et plus brillant que Froch.

Tuer la foule

S'il est aussi fort que l'on pense, Bute fera abstraction de ce déficit et conservera sa ceinture. Or, il y a bien des boxeurs que l'on croyait très fort et qui ont échoué en pareille situation.

Histoire de ne pas tomber dans le piège, Bute se devra de faire preuve de discipline, une constante dans sa carrière. Quand tu te bas à l'extérieur, tu ne boxes pas pour la foule, mais bien pour la tuer.

Pour ce faire, Bute doit être impliqué dans le moins d'échanges possible. Ainsi, aussitôt que Froch voudra échanger des coups, Bute se devra de faire usage de son agilité et de sa vitesse afin de se déplacer et de calmer le jeu.

Une stratégie qui s'est avérée payante pour Bute face à son dernier opposant, Glen Johnson. J'ai récemment réécouté attentivement toutes les directives de Larouche envers son protégé lors de ce combat. Bute aurait alors pu avoir la commande de sortir Johnson de ses bottines.

Or, contre un adversaire aussi dangereux, l'objectif numéro un était d'abord et avant tout de livrer un combat sans erreurs, ce que Bute a fait.


S'il s'engageait dans une guerre de tranchées ponctuée d'interminables échanges, Bute ne ferait que jouer le jeu de Froch, dont l'objectif premier est sans doute d'énergiser ses partisans. Une foule bruyante réussirait à influencer les juges.

La récente tenue du Super Six ne fait que prouver ce point. Au cours de ce tournoi, la majorité des boxeurs combattant devant leurs partisans l'on emporté. Froch avait notamment eu le meilleur à Nottingham sur Andre Dirrell par décision partagée. Si ce combat avait été disputé n'importe où ailleurs sur la planète, Dirrell aurait été déclaré vainqueur.

Une machine usée

Si la terre d'accueil du combat ne jouera pas en sa faveur, Bute pourrait toutefois tirer avantage de l'âge et de la détermination de son adversaire

Depuis sa victoire contre Jean Pascal en 2008, Froch a fait plusieurs guerres et il n'a été impliqué que dans des combats de 12 rounds. Mon intention n'est certainement pas de susciter la controverse, mais il est certain qu'il y a de l'usure sur ce corps de 35 ans.

Entre-temps, Bute a huilé et perfectionné sa machine, sans connaître de véritable guerre, ne serait-ce que contre Librado Andrade.

De plus, lorsque tu es encore invaincu et que la nécessité de puiser au fond de tes ressources se présente, tu mords dans ton protecteur buccal et tu fournis l'effort requis pour conserver ta fiche parfaite. Je ne suis pas inquiet pour Bute à ce niveau.

Pour un boxeur comme Froch qui a déjà connu la défaite, il peut être plus difficile de trouver la dernière once d'énergie qui parfois peut faire la différence.

Le combat ne s'annonce pas pour autant facile. Rude, Froch est un fier compétiteur et fait preuve de beaucoup de caractère. Ce duel promet d'être acharné, mais Bute devrait en principe l'emporter.

Meilleur que Pascal?

À ceux qui pourraient ensuite être tentés de comparer Bute à Jean Pascal, il ne faudrait pas sombrer dans les comparaisons boiteuses.

Oui, Pascal s'est incliné par décision unanime dans un combat pour le titre vacant du WBC chez les super-moyens en 2008. Contrairement à Bute, la carrière de Pascal n'était pas encore à son apogée à ce moment.

Âgé de 24 ans, Pascal n'avait pas l'expérience dont Bute jouit aujourd'hui. Il s'agissait de son premier combat de championnat du monde. Face à la foule intimidante de Nottingham, Pascal se disait qu'il devait absolument envoyer Froch au tapis pour l'emporter. À 24 ans, tu penses que tu peux passer le K.-O. à n'importe qui…

Bute est-il meilleur que Pascal? Seul un combat entre les deux boxeurs nous procurerait une réponse. Un duel entre Bute et Chad Dawson, que Pascal a défait alors qu'il était au sommet, pourrait aussi offrir une mesure intéressante et plus juste.

*Propos recueillis par Mikaël Filion