David Lemieux disputera vendredi soir au Centre Bell un combat déterminant pour sa carrière et pas uniquement car il affrontera le dangereux cogneur Marco Antonio Rubio.

Vous avez peut-être eu vent de l'information selon laquelle nous avons amorcé des pourparlers avec le réseau américain de télévision HBO au sujet d'une entente à long terme avec David.

Je peux vous assurer que ce n'est pas de la frime et que ce n'est pas pour faire de la publicité autour de l'événement. La semaine passée, j'ai rencontré Kerry Davis, le vice-président exécutif à la programmation chez HBO, et Ross Greenburg, le président de HBO Sports.

Ces deux hommes vont regarder ce combat avec beaucoup, beaucoup d'intérêt et ils sont extrêmement intéressés à travailler avec nous si tout se passe bien contre Rubio.

J'ai également eu la chance de présenter David à Ken Hershman de Showtime quand il est venu à Montréal. Il a tout de suite dit à David : «Tu ne signes pas avec personne avant de me rencontrer.»

Durant toute ma carrière, ce n'est jamais arrivé qu'un boxeur suscite de telles discussions alors qu'il n'est pas champion du monde, qu'il n'a pas encore fait ses preuves officiellement et qu'il ne s'est pas encore battu contre un aspirant mondial!

HBO développe présentement une nouvelle série et ils travaillent avec trois promoteurs américains : Gary Shaw, Golden Boy Promotions et Lou DiBella. Ces trois promoteurs ont parlé de Lemieux à HBO en leur précisant qu'ils étaient mieux de se dépêcher s'ils voulaient mettre la main sur lui.

Voilà pourquoi ce combat sera extrêmement déterminant pour la suite immédiate de sa carrière. Bien sûr, on est excité par cette occasion, mais on est aussi un peu inquiet. On est conscient de l'importance du combat et que ça peut se terminer n'importe quand sur un seul coup de poing. Parfois, un boxeur se retrouve à un coup de la gloire ou de l'ombre. Rubio s'avère un puissant cogneur et ce ne sera pas une balade dans le parc pour David.

Vous vous souvenez sans doute qu'il y a cinq ou six ans, les combats principaux pour lesquels on attirait 10 000 personnes étaient des combats éliminatoires. Je pense notamment à Joachim Alcine contre Javier Alberto Mamani au Stade Uniprix ou à Herman Ngoudjo contre Randall Bailey (autour de 8000 spectateurs).

Il n'y a pas longtemps, on aurait eu une foule semblable pour Lemieux contre Rubio, mais aujourd'hui il se bat dans l'ombre de Jean Pascal et Lucian Bute. C'est tout à fait compréhensible car ils sont champions du monde et ils flirtent avec le top 10 mondial livre pour livre. On est tellement gâté ici que ce combat passe un peu dans l'ombre.

Certaines personnes pensent que David l'emportera en cinq ou six rounds, mais on sait que ce ne sera pas évident et que ça demeure une confrontation dangereuse. Rubio a déjà réussi 42 K.-O en 55 combats. Il évolue contre l'élite de la division depuis cinq ou six ans et il est âgé de seulement 30 ans.

De plus, Rubio est le type de boxeur qui continuera à frapper même s'il est ébranlé et ceci me fait penser au combat de David contre Walid Smichet. David avait ébranlé Walid et il s'était lancé vers lui pour l'achever, mais Walid avait décoché une superbe droite. Heureusement, David a pu l'encaisser sans bouger avant de gagner plus tard, mais un tel scénario ne pardonnerait pas contre Rubio qui cogne trop fort.

Il y a une carrière qui se définira par ce résultat et c'est pour cela qu'on sera autant nerveux et que ce sera si excitant. Bien sûr, ce ne serait pas la fin du monde s'il devait perdre contre Rubio, surtout qu'il a seulement 22 ans, mais on serait forcé de prendre un petit recul.

Par contre, si David offre une performance électrisante comme il est capable, ça confirmerait sa valeur et le potentiel serait là pour permettre à l'industrie de la boxe du Québec d'atteindre un autre niveau!

Ça peut sembler difficile à imaginer pour les amateurs, mais nous sommes au courant de toutes les discussions dans le milieu et un résultat positif peut produire un impact phénoménal.

Vous savez, on compte environ 68 champions du monde dans l'univers de la boxe et moins de 10 proviennent des États-Unis. Parmi ces champions américains, on retrouve même des boxeurs comme Steve Cunningham qui se bat seulement en Allemagne ou Tavoris Cloud qui monte dans un ring pour 30 000$. Évidemment, les Américains comptent aussi sur de grands noms comme Floyd Mayweather même s'il n'est pas champion.

Bref, tout ça pour dire que les Etats-Unis sont désespérément à la recherche d'une grande vedette et David se situe parmi ceux qui ont le talent pour atteindre ce niveau.

En fait, David est le genre de gars qui possède le potentiel pour traverser les frontières sans aucun problème. Il parle anglais sans accent, il parle français, espagnol, arabe et arménien; c'est phénoménal. En plus, il est charismatique et spectaculaire avec sa force de frappe.

Est-ce que la pression dérangera Lemieux?

Ce n'est pas impossible que David soit dérangé par la pression reliée à ce duel, mais c'est dans de telles occasions que tu reconnais vraiment l'étoffe d'un athlète.

Pour moi, la plus grande qualité de David n'est pas sa force de frappe ou son sens du spectacle, mais son calme et sa façon de gérer ses combats et sa progression.

Russ Anber, l'entraîneur de David, me racontait une anecdote à ce sujet. En juin 2010, David a affronté Elvin Ayala et l'entraîneur de ce dernier a demandé à son protégé de foncer sur son adversaire dès le début du combat. Il avait opté pour cette stratégie après avoir vu une image de David qui souriait dans le vestiaire peu de temps avant le combat. L'entraîneur d'Ayala croyait que David ne serait pas préparé pour les premières minutes.

Et bien, ils se sont fait jouer un tour. David démontre un calme impressionnant et il ne met pas K.-O. ses adversaires en leur courant après ou en tentant de leur arracher la tête comme James Kirkland le fait présentement aux États-Unis.

David réussit cela froidement comme un tireur d'élite. Il s'impose tranquillement et quand il touche, ça fait mal! Il est si calme que je suis convaincu que ses pulsations cardiaques grimpent à peine quand il fait son entrée.

Puisqu'il s'agit d'un combat éliminatoire, le vainqueur obtiendra un combat de championnat WBC contre le gagnant de la confrontation du 4 juin entre l'Allemand Sebastian Zbik (30-0-0) et le Mexicain Julio Cesar Chavez (42-0-1).

Je vous assure qu'on voudrait présenter un tel combat de championnat du monde à Montréal. Pour nous, il ne fait aucun doute que David se battra en championnat du monde cette année s'il parvient à vaincre Rubio et HBO ou Showtime seront présents.

Une autre vision du sparring

Jean-Paul Chartrand a révélé dans son blogue la semaine dernière que David n'effectue pas énormément de sparring pour la préparation de ses combats. En fait, plusieurs boxeurs, comme Jean Pascal ou Bernard Hopkins, adoptent cette stratégie. Cette approche provient souvent de leurs entraîneurs. Russ Anber et Pedro Diaz appartiennent à cette école croyant que ça ne sert à rien de faire trop de sparring.

Selon eux, tu ne laisses pas tes combats à l'entraînement. Je sais que d'autres entraîneurs préfèrent atteindre 140 ou 150 rounds et ça fonctionne pour plusieurs boxeurs. Je ne veux surtout pas dénigrer les autres façons de faire et ceci n'est pas une critique, mais j'aime beaucoup cette vision et nos entraîneurs comme Marc Ramsay pensent ainsi.

David disait justement lundi matin que tu ne coures pas un marathon pour te préparer à un marathon…

Par contre, son entraînement est aussi intense, mais il utilise le sparring de façon plus modérée pour vérifier ou pratiquer certaines choses. Pedro Diaz vient de l'école cubaine où c'est la même approche. Ils se disent que les boxeurs doivent garder leur soif, leur détermination et leur faim de combattre pour le ring.

*Propos recueillis par Éric Leblanc