Nous aurions tous voulu ramener la ceinture de champion du monde des super-moyens de la WBC, mais notre conclusion au lendemain de ce combat demeure que Jean Pascal a gagné beaucoup dans cet affrontement et surtout au niveau de la crédibilité.

Je retiens plusieurs points intéressants de ce combat extrêmement intense et spectaculaire. D'abord, les deux boxeurs étaient bien préparés et ils ont donné tout ce qu'ils avaient dans le corps.

Jean a vraiment tout essayé, mais Carl Froch était meilleur que lui durant cet affrontement. D'ailleurs, il n'a pas hésité à admettre ce fait après le combat. Je vous assure qu'il n'a pas à rougir de cela puisque quand tu te prépares adéquatement et que tu donnes ton plein rendement, il n'y a aucun problème à ce que l'autre boxeur l'emporte.

Bien sûr, Jean était extrêmement déçu de subir sa première défaite professionnelle et c'est normal puisqu'il s'agit d'une attitude de gagnant. Il doit garder en tête qu'il n'a que 26 ans et qu'il a prouvé beaucoup dans ce combat. Je discutais justement avec le promoteur de Froch qui me disait ce que plusieurs personnes pensent. Selon beaucoup d'observateurs, Jean possède beaucoup d'habiletés, il est un boxeur intelligent et flamboyant, mais on ignorait la profondeur de son talent. Cette performance a permis de prouver qu'il a beaucoup de caractère et de cœur ainsi qu'une superbe mâchoire.

L'élément manquant, l'expérience

La principale chose manquait à notre boxeur pour remporter ce duel demeure l'expérience. À un âge relativement jeune, il se retrouvait dans une telle situation pour la première fois. Son adversaire possède un meilleur bagage d'expérience à 31 ans, il est un boxeur un peu plus mature.

Face à un combat d'une telle envergure, Pascal a sans doute fait quelques petites choses de façon différente en raison de son manque d'expérience. Il était probablement moins confortable et pas aussi vif qu'à l'habitude. Sans le vouloir, il était peut-être un peu moins attentif aux instructions des entraîneurs de son coin. Mais tout ça s'apprivoise avec l'expérience.

Tout ça me fait penser au combat d'Herman Ngoudjo contre Jose Luis Castillo à Las Vegas. Herman avait les jambes molles lors des deux premiers rounds tellement l'ampleur du combat l'atteignait. Ensuite, il a été en mesure de s'ajuster. Quant à Jean, il s'est ajusté à ce contexte exigeant en entrant dans le jeu de Froch. Il a accepté d'être bagarreur comme lui et d'échanger coup pour coup. Même si Jean est capable de faire davantage, c'est le mieux qu'il pouvait donner dans de telles circonstances et nous sommes extrêmement fiers de lui.

De l'extérieur, certains observateurs ont pu penser que Jean a manqué d'énergie en fin de combat pour tenter de passer le K.-O. à son adversaire. À mon avis, tout cela s'explique par le fait que les cinq ou six premiers rounds ont tellement été intenses.

Cet aspect a également un lien avec l'expérience d'un boxeur qui apprend à bien répartir son énergie d'un round à l'autre en accumulant les combats épuisants. Jean a donné tout ce qu'il avait à chacun des rounds face à Froch. Malgré un neuvième assaut très exigeant, Jean a été capable de revenir en force aux 10e et 11e rounds ainsi qu'au 12e round grâce à sa préparation physique et à sa détermination. En fin de combat, il savait qu'il tirait de l'arrière et il savait surtout ce qui lui restait comme énergie. Il a tenté le coup de son mieux en y laissant toute son énergie.

Ce n'est pas pour rien qu'il a été déshydraté pendant une bonne quinzaine de minutes dans le vestiaire après le combat.

Sur le plan émotif, il a été démoli pendant une petite période et il avait encore de la difficulté à accepter la situation de retour au vestiaire.

Nous avons eu la chance de lire les journaux anglais et ils disent que c'était un super combat dans la plus belle tradition de la boxe britannique. Ici, ils adorent les fighters (les combattants). Ils ont encensé le combat et Jean particulièrement en disant que c'était l'une des grandes performances d'un étranger en Angleterre.

Avec tous ces éléments, il se remet graduellement et il comprend qu'il a fait de son mieux. Il réalise aussi qu'il pourra s'améliorer avec toute l'expérience acquise dans ce combat de championnat du monde. Sa confiance est toujours au rendez-vous et nous avons également confiance en lui.
Face à Froch, il a démontré deux choses qui ne s'apprennent pas : avoir du cœur et miser sur une bonne mâchoire. Avec ces deux éléments essentiels, ça regarde bien pour l'avenir.

Nous avons gardé espoir jusqu'à la fin

À mi-chemin du combat, Jean était en excellente posture et la victoire était à sa portée. Mais pour vous dire la vérité, nous avons cru en ses chances jusqu'à la toute fin malgré sa petite baisse de régime. Durant le combat, Froch a été en mesure de s'ajuster avec son jab parce qu'il respectait davantage Pascal.

Si j'enlève mon chapeau de promoteur durant quelques secondes et que je vous parle en tant qu'amateur de boxe, je peux vous dire que nous avons énormément savouré ce combat. J'étais assis avec des gens de l'Angleterre et nous étions tous autant emballés par l'affrontement en dépit du fait que nous ne prenions pas pour le même combattant. En fait, après les cinq premiers rounds tout le monde se disait que c'était impossible que le combat atteigne la limite. Finalement, les deux boxeurs étaient tellement déterminés que la décision a été nécessaire.

Environ une trentaine de supporters québécois étaient présents au combat. Malgré leurs efforts louables, on ne les entendait pas vraiment car les spectateurs anglais étaient trop bruyants. Mais on a tout de même senti leur présence avant et après le combat. Après le combat, ils ont été très solidaires avec Jean. Même s'il a eu besoin d'environ deux heures pour quitter le vestiaire, toutes ces personnes l'attendaient à sa sortie. Il a été très bien accueilli ce qui lui a soutiré quelques larmes.

L'objectif, le mois d'avril

Après un tel combat, Jean profitera évidemment d'une période de repos. Je peux vous confirmer que nous avons déjà fixé son retour dans le ring au mois d'avril.

Outre ses côtes qui le font souffrir en raison d'un uppercut encaissé au deuxième assaut, Pascal n'a pas subi de blessure. Il a peut-être un peu de difficulté à se reconnaître dans le miroir, mais le tout se replacera rapidement.

Selon nous, il devrait rester assez haut dans le classement de la WBC. D'un autre côté, il a reculé un peu dans les autres associations car il a accepté le combat de la WBC. On souhaite qu'il remonte rapidement afin qu'il puisse se retrouver dans un autre combat de championnat du monde d'ici un an.

Dans un scénario idéal, il serait l'aspirant obligatoire pour cette deuxième chance de devenir champion du monde.

*Propos recueillis par Éric Leblanc