Sébastien Demers réalise maintenant l'ampleur de la tâche qui l'attendait ici à Bamberg, en Allemagne. Son courage et ses habiletés n'auront pas suffi face à la puissance du King Arthur. Cette fois-ci, les preneurs aux livres avaient vu juste en favorisant le champion par -1300. On savait que les premiers rounds devaient être déterminants pour le Maskoutain.

Il lui fallait démontrer qu'il avait la capacité requise pour repousser les attaques puissantes d'Abraham, la maturité pour passer à travers les moments orageux et l'artillerie pour se faire respecter. Le résultat nous démontre qu'il n'était pas encore rendu à ce niveau. Dans ce jeu d'échec pugilistique qui a pour scène un ring de boxe, Ulli Wegner et le groupe Sauerland auront joué leurs pièces à la perfection et obtenu le résultat escompté.

De l'extérieur, il est facile de tourner en dérision les déclarations de Sébastien d'avant combat, sa performance, ses efforts ainsi que blâmer tous ceux qui sont associés de près ou loin avec lui. Moi, ce que je réponds, c'est que je suis extrêmement fier de lui ce matin. Il s'est présenté ici invaincu et avec la confiance d'un gagnant. Il s'est préparé avec sérieux, éthique et conscience avec ses entraîneurs Marc Seyer et Alain St-Amand afin de donner le meilleur de lui-même. Il n'a triché ni trompé personne, ni lui ni les siens.

Il ne s'est incliné qu'en combat de championnat du monde contre un boxeur exceptionnel et aujourd'hui sa fiche est 20-1-0, 9KOs. La majorité des boxeurs professionnels, même après des années de carrière, ne réussissent jamais à se rendre à ce niveau. Sa présence seule mérite tout notre respect. Son attitude et sa détermination étaient belles à voir toute la semaine et il a énormément contribué au succès de cette promotion ici. La population québécoise, via les médias, a découvert ici un jeune homme intelligent, articulé et rafraîchissant. Malgré la défaite, il conserve ces qualités humaines.

Quelle sera donc la suite pour Demers ? Ce combat lui a certes injecté une dose majeure d'expérience. La marche vers le ring sous les huées sévères, l'ambiance générale, l'amplitude de l'événement, les premiers coups échangés avec un champion du monde… ce sont des moments qu'il n'oubliera jamais. Rien ne peut réellement préparer un boxeur pour ces situations, il faut le vivre. Certains boxeurs se remettent difficilement d'une telle défaite, mais la plupart du temps quand ça arrive, c'est qu'ils se découragent et qu'ils sont mal encadrés. D'autres rebondissent de façon spectaculaire. Un exemple : Jose Luis Castillo est devenu le grand champion du monde qu'on connaît après s'être incliné trois fois par KO, dont la première fois au 2e round,en championnat du Mexique.

Le combat contre Abraham aura permis à Sébastien de bien évaluer l'écart entre lui et le meilleur. Pour un jour devenir champion, il devra se retrousser les manches et se mettre résolument à la tâche pour palier ses faiblesses. Il y parviendra par l'entraînement, par des combats, par un gain naturel de maturité physique et d'expérience. Il aura les ressources requises pour acquérir ce qu'il lui manque. La bourse de Bamberg pourrait lui permettre un dépôt substantiel sur une éventuelle résidence. Dans son entente avec GYM, il a une garantie de revenus annuels substantiels pour les trois prochaines années lui permettant de se consacrer entièrement à sa profession sans piger dans ses économies.

Chez GYM, comme tout le monde, nous souhaitions un meilleur résultat, mais nous ne sommes certainement pas prêts à jeter la serviette. Perdre contre un meilleur, il n'y a rien là. Nous avons confiance que cette aventure en Allemagne lui aura été bénéfique.


L'Heureux vs. Povetkin

Un mot pour Patrice L'Heureux, qui lui non plus n'aura pas fait long feu. J'ai vu en Povetkin l'un des plus beaux espoirs de la boxe professionnelle chez les lourds. Il est vif, brillant et complet. Aucun doute dans mon esprit que non seulement il cheminera avant longtemps au sommet de la division des lourds, mais il y sera également une grande vedette, la première depuis la fin de la carrière de Lennox Lewis. Il est évident que notre "Granit" national n'appartient pas à cette ligue, mais on ne pourra pas lui reprocher de ne pas avoir essayé.


L'Équipe Sauerland, la meilleure de leur histoire

À la réception après le gala de boxe, je me suis entretenu longuement avec Wilfrid Sauerland. Il me racontait que son équipe, qui existe depuis 1988, est en voie de connaître la période la plus faste de son histoire. Son premier champion fut Henry Maske, qui a probablement été le boxeur le plus adulé de l'histoire de la boxe allemande. C'est sous son règne de champion des mi-lourds IBF, de 1993 à 1996, que Sauerland Events a pris son élan. Il y a eu par la suite les règnes simultanés de Sven Ottke, champion super moyens IBF de 1998 à 2004, (Il s'est retiré invaincu 34-0-0 6KO) et Markus Beyer, champion super moyens WBC de 1999 à 2000 puis de 2003 à 2006, qui ont permis à l'équipe une croissance importante des ressources.

Aujourd'hui, les principales vedettes de Sauerland sont Arthur Abraham (23-0-0, 18KO), Marko Huck (19-0-0, 14KO), Nikolay Valuev (46-1-0, 34KO et Alexander Povetkin (12-0-0, 10KO). Selon le patron allemand, ces boxeurs, tous très populaires en Allemagne, ont le potentiel pour unifier les titres de leurs divisions et exceller bien au-delà des frontières germaniques, ce qui serait une première.


*Propos recueillis par RDS.ca