MONTRÉAL - Adonis Stevenson cherchait depuis longtemps à venger la seule défaite qu’il a subie depuis le début de sa carrière et ce n’est certainement pas un combat de championnat du monde contre Chad Dawson à sa portée qui allait l’en empêcher.

Même s’il a vraiment tout à perdre d’un affrontement face à Darnell Boone, vendredi soir au Centre Bell en finale du quatrième gala de la saison de la série « Rapides et Dangereux », Stevenson (19-1, 16 K.-O.) tient mordicus à clore ce mauvais chapitre avant d’en commencer un autre beaucoup plus inspirant.

Au mois d’avril 2010, Stevenson s’était incliné par knock-out technique au début du deuxième round et cette défaite avait signifié la fin de sa brève association avec le promoteur américain Lou DiBella. De retour depuis dans le giron du Groupe Yvon Michel (GYM), le Longueuillois s’est hissé au rang de meilleur aspirant mondial chez les poids super-moyens. Sauf que depuis tout ce temps, il n’a jamais oublié son objectif de remettre à Boone (19-20-3, 8 K.-O.) la monnaie de sa pièce.

« Ça fait longtemps que je veux ce combat revanche. Mon revers, je l’ai vraiment sur le cœur », a expliqué Stevenson avant un entraînement tenu dans les locaux du GYM à Montréal. « J’ai hâte au combat et j’ai mis les bouchées doubles à l’entraînement. »

Stevenson en profitera également pour mettre à l’épreuve toutes les leçons qu’il a retenues à la suite de sa mésaventure contre Boone. Depuis qu’il a déménagé ses pénates au mythique Kronk Gym de Detroit, le gaucher a réalisé à quel point certains petits détails sont importants.

« J’ai appris qu’il ne faut sous-estimer aucun boxeur », a précisé Stevenson. « Je n’avais jamais entendu parler de lui à l’époque et je m’étais dit que j’allais le descendre. J’étais sur une autre planète . »

« Je n’avais pas un bon entourage et ça m’a permis de le comprendre. J’ai maintenant une bonne équipe autour de moi et tu n’as pas le choix d’en avoir une si tu veux devenir champion. »

Nettement plus conscient qu’une défaite réduirait au néant tous les efforts et les investissements faits depuis près de deux ans pour l’aider dans sa quête d’un combat de championnat du monde, le promoteur Yvon Michel aurait préféré que son protégé oublie ses désirs de vengeance.

« Je ne m’en suis jamais caché, ce combat-là ne m’emballe pas », a rappelé Michel. « Mais Adonis a insisté et j’ai fini par me rallier. Il n’y a pas de doute que je serai nerveux pendant la soirée… »

« Je suis convaincu qu’Adonis sera aussi bien préparé que s’il se battait en championnat du monde. Tout le monde sait qu’il s’en va vers Dawson, mais ce combat ne se réalisera pas s’il perd! »

Beaucoup plus détaché émotionnellement, l’entraîneur de Stevenson, Javon « Sugar » Hill refuse quant à lui de parler de vendetta ou de coût d’opportunité. Sans vouloir manquer de respect à Boone, Hill voit plutôt le choc de vendredi comme une bonne préparation en vue de celui du 8 juin face à Dawson pour le titre des mi-lourds du WBC de ce dernier.

« Je ne veux pas qualifier le combat de préparatoire, mais Adonis devait demeurer actif puisque son dernier duel remonte à octobre déjà », a mentionné le neveu du regretté Emanuel Steward. « Tout le monde parle des choses qu’Adonis a à perdre, moi je vois plus celles qu’il a à gagner! »

« Adonis aura l’occasion d’aiguiser ses réflexes et de faire le plein de confiance avant son combat contre Dawson. C’est évident qu’il pourrait se blesser, mais ça fait partie des risques du sport. »

Un passage chez les mi-lourds planifié au quart de tour

Chose certaine, si les trois hommes ne s’entendent pas sur la signification du combat contre Boone, ils s’entendent néanmoins sur la marche à suivre pour celui d’après face à Dawson. Ainsi, Stevenson ne respectera pas la limite de 168 livres prévue au contrat et affichera plutôt un poids de 173 livres la journée de la pesée.

« J’ai contacté le gérant de Boone pour lui expliquer que nous avions un projet important après le combat de vendredi et que nous ne voulions pas qu’Adonis descende à 168 livres », a indiqué Michel. « Le gérant nous a ensuite écrit pour nous dire qu’il s’en tenait au contrat actuel. »

Cela signifie que le Québécois devra verser 20 pour cent de sa bourse à l’Américain comme le stipule le règlement de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Une différence maximale de 11 livres entre les deux boxeurs sera permise à la pesée, sans quoi le combat sera annulé.

Cette décision a été prise pour que le passage chez les mi-lourds s’effectue en douceur. Il faut savoir qu’une courte période de moins de trois mois séparera les deux combats de Stevenson.

« Je me sens bien dans ma nouvelle catégorie, je me sens encore plus fort physiquement », a lancé Stevenson. « Quand tu es un cogneur, tu es un cogneur. Je n’ai pas vu de différence jusqu’à maintenant. »

« Adonis était déjà un super-moyen plus grand et plus fort que les autres », a ajouté son entraîneur. « Adonis s’est entraîné avec des gars beaucoup plus lourd que lui dans le gymnase et il n’a jamais eu de problème. »

Hill voit d’ailleurs d’un très bon œil le passage de Stevenson chez les mi-lourds et encore mieux l’idée qu’il affronte Dawson, un boxeur qui est d’ailleurs déjà très brièvement passé par le Kronk Gym en 2011 en préparation de son duel contre Adrian Diaconu.

« C’est un combat très intéressant, ça va donner du prestige à la division », a opiné Hill. « Dawson a perdu son dernier combat contre Andre Ward chez les super-moyens et il sera motivé par l’idée de prouver qu’il est encore l’un des meilleurs boxeurs au monde. »

Boone avait abruptement mis fin à l’aventure américaine de Stevenson, gageons qu’ils seront plusieurs à se croiser les doigts pour qu’il ne répète pas son « exploit » à Montréal, cette fois.