Hermann a quitté le bloc opératoire samedi matin et il a subi une fracture de la mâchoire à trois endroits en plus de perdre une dent.

Dès que je me suis monté sur le ring au terme du combat contre Juan Urango, Hermann s'est empressé de me dire qu'il avait subi une fracture de la mâchoire. Mais à ce moment, c'est difficile de s'imaginer la gravité de la fracture car on ne sait jamais dans le feu de l'action. Pourtant, Hermann semblait presque bien ce qui démontre une fois de plus tout son courage.

Hermann a commencé à éprouver des difficultés à ouvrir sa mâchoire durant sa conférence de presse après le combat alors je lui ai demandé si c'était douleureux. Vous savez quoi, il m'a simplement répondu que ce l'était un peu, mais pas beaucoup…

Finalement, le médecin lui a suggéré de passer des radiographies et ils l'ont gardé à l'hôpital. Pauvre Hermann, il devra passer cinq semaines avec la mâchoire brochée. Il a subi une blessure semblable à celle d'Arthur Abraham contre Edison Miranda. Dans son cas, Abraham a été tenu à l'écart du ring durant sept mois donc on évalue que Hermann devra patienter durant six à 12 mois.

C'est impossible d'analyser le combat sans s'attarder à cette blessure survenue au troisième assaut. Cet uppercut dévastateur a effectivement été le point tournant de l'affrontement. En plus d'être blessé, Hermann a puisé très loin dans ses ressources pour tenir le coup. Ensuite, il a été incapable de mettre en application son plan de match élaboré par ses entraîneurs. En fait, il n'a jamais été capable de se faire respecter par Urango.

Il faut toutefois donner le crédit qui revient à son adversaire qui est une véritable une force de la nature. Je n'irais pas jusqu'à dire que nous avons sous-estimé le nouveau champion IBF des poids super-légers. On savait qu'il était aussi fort et très dangereux avec son uppercut et son crochet. Mais on pensait que Hermann serait capable de manœuvrer autour de lui.

Je tombe bien sûr dans l'extrapolation, mais si Hermann n'avait pas été blessé rien ne dit qu'il n'aurait pas été capable de s'imposer.

L'impact des coups de ce round l'a fait dérailler de son plan. Je suis convaincu que si Hermann n'avait pas encaissé ce coup de poing, il se serait mieux se débrouillé. Mais voilà l'avantage de d'appliquer les coups les plus puissants à la boxe, ça permet d'influencer la stratégie de ton adversaire.

Urango a très bien saisi ce fait et il lançait tous ses coups que Urango avec des intentions brutales et il n'a jamais vraiment été ennuyé. Comme nous l'avions prévu, il est un boxeur relativement unidimensionnel, mais unidimensionnel à l'extrême et la nuance est importante. Certains boxeurs sont unidimensionnels car ils sont incapables de faire autre chose, mais c'est tout le contraire pour lui qui est extrêmement efficace.

Hermann n'a pas hésité à mentionner qu'il sera très difficile à battre. Je partage son avis et j'ai de la difficulté à trouver le boxeur qui pourra le détrôner. Hermann a affronté l'élite de sa division dont Jose Luis Castillo, Randall Bailey et Paul Malignaggi, mais personne ne lui a fait autant mal. Je suis convaincu que le Juan Urango de vendredi aurait écrasé à peu près n'importe qui dans cette division.

D'ailleurs, je vais jusqu'à dire qu'Urango est le meilleur adversaire d'un boxeur Québécois qui s'est présenté à Montréal depuis probablement Archie Moore dans les années 50. J'en discutais avec Bernard Barré et je tentais de remonter à travers les années, mais je ne trouve pas d'adversaire de cette trempe.

Évidemment, ce revers force un recul

À la suite d'une défaite dans un combat de championnat du monde, le moral d'un boxeur peut prendre tout un coup, mais ça ne semblait pas être le cas pour Hermann. Après le combat il me demandait déjà comment je voyais la suite pour lui. C'est sûr, on ne cachera pas que cette défaite provoque un recul important et je l'avais mentionné cette semaine. Ce revers n'a pas le même impact que ses deux autres défaites qui lui avaient permis de progresser.

La priorité sera toutefois de rétablir sa santé et nous allons établir un plan pour lui permettre de grimper les échelons. J'évalue qu'il aura besoin de trois à quatre combats pour revenir dans l'élite face aux meilleurs adversaires.

Les prochains combats lui permettront aussi de refaire sa confiance et de reprendre le chemin de la victoire. Même s'il affiche trois défaites à ses cinq derniers combats, il vient de subir sa première vraie défaite à mes yeux. Malgré tout, nous devons un peu rebâtir sa fiche d'une certaine façon.

Je discutais avec la conjointe de Hermann avant l'opération et elle m'avouait qu'il a vécu une baisse de moral. Il sait qu'il ne pourra pas boxer avant sept à huit mois et que ses revenus chuteront, mais j'ai déjà dit à sa conjointe de ne pas s'inquiéter puisque nous allons bien prendre soin de lui.

Devenir champion n'est pas une tâche facile

En ce qui concerne le groupe GYM, cette défaite est dommage, mais ça me permet de revenir sur une situation plutôt inusitée au Québec. Depuis quelque temps, plusieurs personnes semblent avoir pris pour acquis que c'était facile de devenir champion du monde et que tous les boxeurs pouvaient y parvenir.

Lors d'un passage à Radio-Énergie, un groupe de filles discutaient ensemble et ils semblaient croire que tous les boxeurs du Québec sont champions du monde.

Mais il faudrait réaliser à quel point une présence en championnat du monde s'avère exceptionnelle. Trois de nos boxeurs (Jean Pascal, Joachim Alcine et Ngoudjo) ont perdu contre les meilleurs boxeurs de leur division. Ils ont déjà réussi un exploit en participant à ces affrontements. Il est devenu extrêmement difficile de conquérir un titre mondial en boxe dans le contexte actuel de ce sport plus international que jamais. Le Québec possède déjà deux champions en Lucian Bute et Adrian Diaconu ce qui est exceptionnel et ce l'est encore davantage de conserver sa ceinture.

En tant que promoteur, notre objectif demeure de produire des champions du monde, mais au-delà de cela on désire amener nos boxeurs au sommet de leur potentiel. Il n'y a aucune honte à s'incliner en championnat du monde. Dans un tel scénario, ça ne sert à rien de tout remettre en question.

De façon plus concrète, nous avons un plan d'affaires établi sur deux ans. Nous avons la chance de miser sur des partenaires fiables et de bons boxeurs avec beaucoup de relève. Cette défaite en championnat du monde ne nous fait pas que reculer, mais ça ne nous fait pas avancer également. Par contre, nous allons poursuivre dans la même direction et j'ai bon espoir que l'un de nos boxeurs devienne champion cette année.

Ce n'est pas impossible que le Québec traverse une disette de plusieurs années sans champion donc il faut savourer et apprécier la qualité de nos boxeurs.

Inconcevable, un round de 5 :10…

Je tenais à revenir sur un incident déplorable survenu lors du combat. J'admets que personne n'est parfait et que tout le monde peut faire des erreurs. Mais comment peut-on laisser durer un round pendant 5 :10 dans un combat de cette importance. Il aurait pu arriver n'importe quoi durant ces deux minutes au 10e assaut, c'est impardonnable.

Cette erreur revient tout simplement au chronométreur qui dormait au gaz… Avec mon expérience dans le monde de la boxe, je possède une espèce d'horloge qui me permet de savoir quand la fin d'un round approche et à un moment donné je me disais bien que ce round semblait bien long. Mais je ne pouvais pas imaginer que quelqu'un oublie ce travail aussi important. J'étais situé derrière les commentateurs de la télévision et ils étaient agités tout d'un coup. Ils m'ont montré leur horloge et le round durait depuis plus de quatre minutes.

Mais avant que je parvienne à faire le tour du ring pour découvrir ce qui se passe avec le chronométreur, il a finalement sonné la cloche après un round interminable de 5 :10.

Dan Rafael de ESPN a ajouté que ce fut le round le plus long de l'histoire de la boxe professionnelle!

Les partisans ont supporté Hermann jusqu'à la fin

Nous n'avons pas été déçus par la foule de 5700 partisans. En fait, nous avions évalué que 5000 spectateurs assisteraient à ce combat et nous avons une bonne connaissance de notre marché.

Nous sommes au courant que Hermann n'est pas un boxeur avec des racines québécoises et les gens ne s'identifient pas immédiatement à lui. Cependant, les spectateurs réunis au Centre Bell ont tous vécu le combat avec Hermann en l'encourageant et ils étaient conscients du courage qu'il a démontré. Ils ont apprécié la qualité de l'adversaire et ils ont supporté Hermann jusqu'à la fin.

*Propos recueillis par Éric Leblanc