Vous pourrez suivre les combats préliminaires de l'UFC 270, dont celui de Charles Jourdain, dès 20 h samedi le 22 janvier, sur les ondes de RDS INFO et RDS Direct.

MONTRÉAL – Charles Jourdain venait de signer un nouveau contrat valide pour quatre combats avec l’UFC. Il avait livré la marchandise à sa dernière apparition dans l’octogone, sortant de l’arène avec une sanglante et spectaculaire victoire en poche. Rien ne lui servait de faire des courbettes devant son employeur. Il ne devait de faveur à personne.

Pourtant, quand il a vu qu’un autre poids plume se retrouvait le bec à l’eau, Jourdain a levé la main. Mercredi dernier, moins d’un mois après avoir battu Andrew Ewell à Las Vegas, il s’est officiellement porté volontaire pour affronter Ilia Topuria dix jours plus tard en Californie.

Semble-t-il qu’on ne s’est pas bousculé aux portes pour relever ce défi de dernière minute. Topuria, 24 ans, est toujours invaincu en onze combats, dont trois à l’UFC. Il a signé ses deux dernières victoires par K.-O. Une autre, dit-on, lui ouvrirait les portes du top-15 de la division.

Toujours est-il que la candidature du Québécois a été acceptée.  Le 22 janvier, il se battra sur la carte principale de l’UFC 270. Il remplacera à pied levé Movsar Evloev, forcé de déclarer forfait en raison d’un test positif à la COVID-19.

« Plus je me coupe des réseaux sociaux, plus je me coupe de ce que le monde pense que les combattants devraient faire, plus je me dis que je suis quelqu’un qui aime se battre et que je ne veux juste pas perdre l’essence de ce que c’est, se battre, avance Jourdain pour expliquer sa décision. Je suis en grosse santé, je suis en excellente forme physique. Je n’ai pas besoin de me faire des peurs avec des « short notice », avec ceux qui me disent que je ne devrais pas faire ça, que ça va être trop difficile. Je me coupe de tout ça parce que j’aime me battre. À priori, c’est ce que je veux faire. »

Jourdain affirme que son gérant n’a pu s’empêcher de rire lorsqu’il lui a fait part de ses intentions, qualifiant son idée de « décision de fou ». Mais ce coup de tête a aussi rappelé à Stéphane Patry le jeune athlète ambitieux qu’il a fait progresser sur la scène locale, sous la bannière de l’organisation TKO, entre 2016 et 2019. Ce volontarisme a toujours souri au jeune cogneur de Beloeil, alors ses collaborateurs se sont vite rangés derrière le projet.

« J’aime me battre et là j’ai une grosse opportunité de me faire un nom à travers le monde. C’est pour ça qu’on a demandé ce combat-là. On est quoi, 96 poids plumes dans l’UFC ? Et il n’y en a pas un autre que moi qui s’est proposé pour affronter Ilia. J’ai envie de me battre, that’s it. »

Le mur

En choisissant ainsi son prochain défi, l’idée de Jourdain est que l’arrosé devienne l’arroseur.

L’été dernier, Jourdain se préparait à affronter le Britannique Lerone Murphy quand celui-ci avait dû se désister en raison d’un problème de visa. L’Américain Julian Erosa s’était vite présenté comme la solution à cet imprévu, mais le changement d’adversaire n’avait pas souri au Québécois, qui avait subi sa première défaite par soumission à la fin du troisième round.

Maintenant que les rôles sont inversés, Jourdain compte tirer profit de l’inexpérience de son rival en lui servant une médecine pour laquelle il n’est pas préparé.  

« Toutes mes défaites à l’UFC, ce sont contre des gars qui ont plus d’une trentaine de combats à leur actif, des gars qui s’adaptent bien. Tuporia, on l’appelle El Matador, mais c’est un taureau, c’est quelqu’un qui veut te rentrer dedans. Est-ce qu’il va avoir l’expérience de s’ajuster à un nouveau style si rapidement? Ça va être difficile parce que j’ai un style peu orthodoxe tandis que moi, j’aurai devant moi un droitier avec des mains fortes qui shoot. C’est le style le plus classique qu’on peut trouver. Ça ne veut pas dire que ça va être un combat facile! Mais j’aurais plus peur d’un combattant qui a perdu de plusieurs façons et qui est encore là, qui est encore en train de gagner, qui fight... »

À l’approche de son 18e combat professionnel, Jourdain a passé l’âge de se laisser intimider par une fiche parfaite. Il avait 22 ans quand T.J. Laramie lui a taché la sienne, écorchant pour la première fois son orgueil et affectant une vision de son sport qui n’a fait que gagner en sagesse depuis.

« Un combattant invaincu, quand ça frappe un mur, ça frappe un os** de mur!, s'emporte Jourdain. Ilia est sur un rush, il veut signer un nouveau contrat, il veut monter dans le top-10. Il est pressé. Je le sais, j’étais pareil.  C’est pour ça que quand j’ai vu ça, je me suis dit que c’était parfait pour moi. C’est une belle opportunité. »

Jourdain jouit d’une réputation enviable dans le monde des arts martiaux mixtes. Ses qualités athlétiques, son don pour animer le spectacle et sa personnalité attachante l’ont aidé à étendre sa popularité bien au-delà des frontières du Québec depuis trois ans. Son manque de constance semble être la seule chose qui l’éloigne de la véritable gloire que connaissent si peu d’élus.

Malgré les bains de sang et les éclatants triomphes, Jourdain n’a toujours pas célébré deux victoires consécutives depuis son accession à l’UFC. De belles choses pourraient l’attendre en 2022 s’il parvenait finalement à aligner les succès. Mais pour l’instant, les ramifications qui découleront de son audacieuse décision ne l’interpellent pas.

« Tout ça, c’est de la politique, dit-il. Moi mon but, c’est de me battre contre les meilleurs. J’ai déjà accepté les conséquences d’une défaite et les résultats d’une victoire. J’ai tout accepté, il me reste juste à performer. Peu importe ce qui suivra, il faut que je sois en paix avec tout ça. »