En route vers Busan : le journal de bord de Marc-André Barriault
UFC lundi, 2 déc. 2019. 08:00 dimanche, 15 déc. 2024. 01:01RDS2 et RDS Direct présenteront le gala Fight Night 165 présenté en Corée du Sud le 21 décembre, de 19 h à 21 h 30
MONTRÉAL – Pour son premier grand voyage, un périple de trois mois entrecoupé d’une escale régénératrice à la maison, Marc-André Barriault avait presque tout planifié au quart de tour. Le départ pour les États-Unis, le 19 septembre. L’arrivée à Las Vegas, le 7 octobre. Le retour à Québec, le 15 novembre. Le vol pour l’Asie, le 10 décembre.
Mais cet aller-retour Québec-Montréal, le 28 novembre, ne faisait pas partie de l’itinéraire.
« Petite urgence aujourd’hui, explique Barriault, rejoint par RDS pendant cette accumulation de kilomètres imprévus. On a appris qu’il fallait se présenter à l’ambassade pour une question de visa. Les critères de sécurité ont été rehaussés et on devait aller en personne porter des papiers. J’ai donc été obligé de changer mes plans pour faire ça. Mais maintenant, tout est fait. »
Après sa défaite contre Krzysztof Jotko, en juillet, Barriault a décidé de mettre en exécution un projet qu’il caressait depuis qu’il s’était lancé dans les arts martiaux. Sa copine, la combattante Jade Masson-Wong, et lui ont tracé un chemin sur une carte, ont fait l’acquisition d’une roulotte, y ont fait entrer leurs trois chiens et sont partis vivre le rêve américain.
Ensemble, ils ont traversé 19 États et parcouru plus de 10 000 kilomètres. L’objectif : visiter quelques-uns des gyms les plus réputés en Amérique, se mettre en danger contre des partenaires d’entraînement de classe mondiale, faire le plein de connaissances et revenir les intégrer dans le plan de match avec les complices habituels.
Voici le journal de bord de ces aventures qui le mèneront à son troisième combat à l’UFC le 21 décembre à Busan, en Corée du Sud.
24 SEPTEMBRE - MILWAUKEE, WISCONSIN
Duke Roufus, un ancien champion du monde de kickboxing, est l’un des entraîneurs de combat debout les plus reconnus en art martiaux mixtes. Son gym, Roufusport, est notamment le quartier général de Tyron Woodley et Anthony Pettis. Avec l’aide de son gérant Stéphane Patry, Barriault est entré en contact avec cette institution du Midwest.
« On est resté là deux jours, le temps de faire trois, quatre entraînements. Il y avait deux gars de ma division qui se préparaient pour leurs combats à l’UFC dans ma division. Jade avait aussi une fille qui était là, la petite Maycee Barber, qui est en train de faire fureur. Ça a comme commencé le voyage sur une bonne note. C’était parfait pour se mettre dedans. »
27 SEPTEMBRE – SUR LA ROUTE
Barriault n’avait toujours pas de combat prévu à son agenda quand il a amorcé son pèlerinage. Il avait pris la route depuis quelques jours quand sa participation au gala de Busan s’est concrétisée.
« Dans un monde idéal, c’était sûr que je voulais avoir un autre combat avant la fin de l’année. Je n’aime pas trop attendre que les choses avancent et comme je sentais que j’étais passé proche de la victoire à mes deux premiers combats, je voulais avoir mes réponses rapidement. Et avec le voyage de perfectionnement que j’étais parti faire, je voulais finir ça avec un objectif et mettre tout de suite mon nouveau bagage à l’épreuve. »
« Je ne voulais pas non plus que l’UFC me mette dans un coin et m’oublie, alors j’ai été proactif. J’avais identifié des noms et j’avais dit à Stéphane de leur faire savoir que j’étais disponible. On a eu un premier nom au début – Markus Perez - mais ça fonctionnait plus ou moins parce que c’était pour le gala du 16 novembre à Sao Paulo, Brésil. J’aurais dû raccourcir mon voyage et le timing n’était pas très bon. J’ai demandé pour autre chose, mais on me disait que les places étaient pas mal toutes prises pour le reste de l’année. »
« J’ai commencé à regarder ce qui restait et je suis arrivé à la carte de Busan. C’est là que quelqu’un m’a parlé de Jun Yong Park et je me suis rendu compte que ça aurait bien de l’allure. J’ai envoyé ça à Stéphane et ça n’a même pas pris 3-4 heures que les gens de l’UFC nous disaient qu’ils étaient intéressés. Ils attendaient juste une réponse de l’autre bord. Et le même soir, avant que je me couche, j’ai reçu un appel. On s’en allait en Corée. »
« J’étais en début de voyage et ça a comme ajouté du sens à tout ça. J’ai envoyé l’info à mon équipe à Québec et on s’est dit : ‘Let’s go! On finit l’année en force’ ».
2 OCTOBRE – HUNTINGTON BEACH, CALIFORNIE
Le deuxième gymnase ciblé par Barriault est le Kings MMA, où le Brésilien Rafael Cordeiro dirige une équipe qui compte parmi ses membres Kelvin Gastelum. À son arrivée, le Québécois a aussi fait la connaissance de Marvin Vettori, un poids moyen qui se préparait à affronter Andrew Sanchez, celui-là même qui lui avait infligé sa première défaite à l’UFC.
« Je m’étais un peu annoncé, mais sans plus. Alors au début, les gars voulaient voir qui j’étais et ce que j’étais capable de faire. Donc au premier cours, on a pris ça mollo, on a fait les techniques avec les gars, on a roulé un peu. Le lendemain, Rafael m’a pris à l’écart et m’a intégré dans la préparation de ses gars. J’ai fait 5-6 rounds en alternance avec Kelvin et Marvin. C’est sûr qu’à ce moment-là, je n’étais pas encore dans une forme optimale, comme eux pouvaient l’être à l’approche d’un combat, mais ça n’a pas pris de temps que le coach a commencé à me donner des petits conseils. Il voyait que j’étais efficace dans le clinch, l’une de mes forces, et je leur ai quand même donné du trouble. Ils se sont bien ajustés, ce sont des gars de l’élite, mais j’ai aimé ça. Ça m’a permis de valider tout le bien-fondé de ce voyage, qui devait me permettre de me frotter à des gars comme ça au quotidien pour que, le jour de mon combat, sans dire que c’est devenu banal, je n’aurai pas de grosse surprise. »
Gastelum, c’était un de mes combattants préférés. Il a eu des gros combats dans sa carrière. Mais une fois qu’il est en avant de moi et qu’on échange, ça reste un humain comme un autre. On a fait ça dans le respect, mais je ne me suis pas gêné pour imposer mes forces et j’ai vu des fois que je pouvais être une certaine menace dans certains aspects. J’étais content d’avoir ces confirmations-là. Je suis plongé et j’ai nagé avec les gros poissons. Je suis content. »
9 OCTOBRE – LAS VEGAS, NEVADA
La capitale du vice a toujours été la destination principale visée par « Power Bar ». Ce séjour de cinq semaines lui a permis d’instaurer une routine et de passer aux choses sérieuses. En plus de passer à l’Institut de Performance de l’UFC pour se plier à une batterie de tests physiques, il s’est installé en résidence chez Syndicate MMA, un gym qu’il avait eu l’occasion de visiter brièvement lors d’un séjour précédent.
« C’était logique pour nous de retourner là-bas. On avait créé des bons liens dans le passé et on a revu la plupart des membres de l’équipe que qu’on avait vus l’hiver passé, donc ça n’a pas été dur de rentrer dans la gang. »
« Il y avait du bon challenge pour moi. Il y avait un événement qui était là pendant qu’on s’entraînait et beaucoup de Russes sont venus faire la fin de leur camp d’entraînement au Syndicate. À chaque jour, je voyais des gars rentrer; je ne savais pas c’était qui, mais ils avaient l’air tough, alors je m’arrangeais pour me retrouver avec les meilleurs. J’étais content de pouvoir me frotter à ce calibre-là.
« J’ai aussi mis les gants contre Frank Mir. Une bonne journée, il s’est retrouvé seul pour son sparring et j’ai accepté d’aller l’aider.
« J’ai fait un round avec lui et en sortant de la cage, son coach m’a demandé si je pouvais rester pour en faire un peu plus. Il m’a dit qu’il avait vraiment aimé ce qu’il avait vu et il voulait travailler avec moi sur des affaires spécifiques. Il trouvait que j’avais un bon uppercut au corps à corps et que je réussissais quand même à brasser son poulain. C’est sûr que Frank Mir, ce n’est plus ce que c’était, mais ça reste quand même une légende et il est encore dangereux. Il se préparait à se battre contre Roy Nelson, qui a lui-même une bonne main arrière, un bon uppercut. Ils voulaient répliquer ça avec moi. Et j’étais bien content de pouvoir les aider. Ça a été un autre moment fort pour moi. »
« J’ai aussi vu Henry Cejudo, Amanda Nunes. C’est impressionnant sur le coup, mais après tu réalises que tu fais partie de la même grande famille que tous ces champions. Ça m’a fait du bien de vivre ça et de ramener ça avec mon équipe. Ma confiance est bonne. »
15 NOVEMBRE - QUÉBEC
Depuis deux semaines, Barriault est de retour à la maison et peaufine sa préparation avec son entourage habituel.
« Pendant tout le temps que j’étais là-bas, je suis resté en contact avec Dany Laflamme, mon entraîneur. J’aurais aimé lui fournir un peu plus de matériel vidéo, mais comme Jade et moi on s’entraînait souvent en même temps, ce n’était pas toujours évident de se filmer. Mais j’ai gardé beaucoup de notes. Je m’étais fait un cartable et quand je suis arrivé, on a revu ça et on s’est mis au travail. Depuis que je suis revenu, on décortique ce qui n’a pas marché au dernier combat et on détermine où on veut s’en aller. Tout s’emboîte bien. Il n’y aura pas de magie à faire, juste des petits ajustements qui cadrent bien avec mon style et qui vont me rendre encore plus efficace. »
« Jun Yong Park, c’est vraiment le bon défi au bon moment pour moi. Il y en a qui disent que j’ai peut-être fait les choses à l’envers. J’aurais dû avoir ce genre d’adversaire à mon premier combat pour ensuite me diriger vers des gars comme Jotko et Sanchez, mais je ne regrette rien. L’expérience que j’ai acquise avec ces combats, elle est là et elle va sortir, elle va paraître. »
« Ce Coréen-là, je sais qu’il est tough et qu’il va vouloir se battre. Même s’il goûte à ma force de frappe, il ne cherchera pas à aller dans mon dos pour éviter le combat. Je pense qu’il va vouloir remettre ce que je lui donne. Mais je ne m’en vais pas là pour me battre avec mon égo et simplement voir qui frappe le plus fort. J’ai beaucoup d’outils que je veux sortir pour m’assurer que je cause plus de dommage que j’en subis. J’ai de la lutte, j’ai du sol, j’ai tout un arsenal. »
« Aller me battre dans son pays, ça ne me dérange pas. J’ai fait deux combats au Canada. Il y avait une pression qui venait avec ça et je l’ai gérée du mieux que je pouvais. Là, je voulais vivre autre chose. Je veux voir le monde, je veux voyager. Et surtout, j’aime les défis. »
« Les entraîneurs qui seront dans mon coin reviendront au Québec au lendemain du combat, le 22. Moi, je vais rester là-bas jusqu’au 28 avec ma copine et son père, qui feront le voyage pour venir assister au gala. Mais mon itinéraire s’arrête le 21 au soir. Après ça, ça va être juste du surplus, ça va être le fun. Mais en réalité, il n’y a pas de lendemain pour moi dans ce combat-là. Je suis conscient de son importance pour la suite de ma carrière, mais je suis convaincu d’avoir ce qu’il faut pour passer à travers ce gars-là. Je pense que c’est le combat qui va me faire briller. »