C’est comme un maniaque d’Elvis qui met les pieds à Graceland pour la première fois ou un chrétien dévoué qui visite finalement les terres sacrées du Vatican.

Georges St-Pierre avait sept ans quand il a été initié par son père aux rudiments du karaté kyokushin, un art martial qu’il a perfectionné jusqu’à l’obtention d’une ceinture noire troisième dan et à partir duquel a été façonné le champion qu’il est devenu aujourd’hui.

Toujours en quête de nouvelles méthodes d’apprentissage et de différents partenaires d’entraînement, le petit gars de St-Isidore a fait le tour du monde, du Brésil à l’Italie, depuis qu’il s’est hissé au sommet de la hiérarchie de son sport. Mais jamais il n’était allé au Japon, où la discipline à travers laquelle il est devenu un homme a pris racine.

St-Pierre est débarqué au pays du soleil levant pour la première fois de sa vie mardi. Il s’y est d’abord rendu pour remplir quelques obligations de routine envers son employeur à l’aube du UFC 144, le premier gala que l’organisation tiendra en sol japonais en plus de onze ans, mais il s’est aussi déjà permis quelques visites qui donnent à ce périple des allures de retour aux sources.

À l’autre bout du fil mercredi soir, St-Pierre sonnait comme un gars qui ne voulait être nulle part ailleurs.

“J’ai rencontré Shokei Matsui, le grand maître qui est à la tête de la pyramide, si on veut, du karaté kyokushin au Japon. Ses associés et lui ont eu de bons mots pour moi. Ils m’ont dit qu’ils aimaient mon humilité et que j’étais un bon représentant de la discipline. Ils m’ont donné en cadeau un kimono traditionnel, une ceinture noire (symbolique) et un diplôme.”

“J’ai aussi visité le premier dojo fondé par Oyama Masutatsu, qui est considéré comme la véritable Mecque du karaté kyokushin ici, et un temple où sont décédés cinq samouraïs dans les guerres anciennes.”

St-Pierre n’est pas en contrées totalement inexplorées en Asie. En septembre 2010, il avait découvert la véritable ampleur de sa popularité lorsque son séjour aux Philippines avait semé l’hystérie parmi une multitude d’admirateurs insoupçonnés.





“Présentement, c’est moins fou qu’aux Philippines, constate le Québécois sur un ton qui dissimule mal son soulagement. Il faut dire qu’à l’époque, j’étais là-bas selon mes propres moyens, c’était une initiative personnelle. Ici, je ne suis qu’une partie de la grande famille du UFC, mon passage se fait plus discrètement. N’empêche, tout à l’heure en arrivant à l’hôtel, quelques amateurs m’attendaient et une fille m’a remis des baguettes avec mon nom gravé à l’intérieur.”

Et vous pensiez vraiment que Wayne Gretzky était plus connu que GSP à l’échelle mondiale?

Retrouver le plaisir

Georges St-Pierre avait 19 ans lorsque le UFC a effectué son dernier passage au Japon. Un peu plus d’un an plus tard, il commençait la compétition au niveau professionnel et atteignait les ligues majeures en l’espace de deux ans. S’en est suivie une montée météorique qui l’a portée au rang de superstar.

La courbe de popularité de St-Pierre a suivi celle de son sport. Marginal et encore méconnu il y a une décennie, le phénomène des arts martiaux mixtes jouit aujourd’hui d’une visibilité accrue au sein des médias de masse et le degré d’acceptation du grand public croît lentement, mais sûrement.

Notamment parce qu’il y a largement contribué, St-Pierre a bien entendu récolté les bienfaits de cette fulgurante hausse de popularité. Son talent et sa personnalité lui ont permis de faire fortune et de vivre une vie à laquelle le commun des mortels ne pourra que se permettre de rêver. Mais depuis quelques années, “Rush” a dû apprendre à composer avec l’envers de la médaille. Où il n’y avait auparavant que des louanges sont tranquillement venues s’immiscer la critique et les reproches.

Et n’allez pas un seul instant penser que St-Pierre y est indifférent.



“Sans dire que c’est juste à cause de ça, les critiques sont l’une des raisons qui ont mené à ma blessure”, avoue celui qui récupère d’une importante opération à un genou.

St-Pierre vous a entendu le blâmer pour sa victoire sans saveur contre Jake Shields, une performance qui, il l’avoue lui-même aujourd’hui, “n’était pas ma meilleure”. Il sait très bien qu’il ne finit pas assez souvent ses combats à votre goût. Il est au courant que certains d’entre vous prédisaient – et souhaitaient – une victoire de Nick Diaz dans un combat qui n’a finalement jamais eu lieu.

Et ce sont vos paroles, indirectement, qui l’ont poussé à se surpasser dans le gymnase. Un peu trop, même.

“Avant ma blessure, j’avais perdu le plaisir de m’entraîner. Je continuais ma routine et j’essayais toujours d’y ajouter des éléments pour me surpasser, mais c’était devenu plus difficile de me lever le matin et de me rendre au gym. Puis, je me suis fait mal, mais je ne voulais tellement pas décevoir que j’ai continué à pousser en croyant que ça allait se régler, mais ça n’a fait qu’empirer.”

Certains de ses détracteurs, inspirés par on ne sait trop quelles théories du complot, sont allés jusqu’à remettre en doute la véracité des informations qui circulaient à propos de son état de santé. St-Pierre n’était pas blessé. Il avait peur.

“Vous pouvez demander à mon docteur, rétorque le principal intéressé en échappant un petit rire. Quand c’est rendu que ton tibia est sorti de son axe… Pendant un mois, je me suis entraîné alors que je n’aurais pas dû, jusqu’à ce que le docteur Sébastien Simard, un ami à moi, me fasse comprendre que je n’avais d’autre choix que d’arrêter.”

En plus de prendre un soin jaloux de son corps – il repartira pour Los Angeles immédiatement après le week-end pour y poursuivre sa remise en forme StPierre recharge présentement ses batteries. À 30 ans, le champion des mi-moyens du UFC n’a encore rien perdu de son ambition.

"Je sais que je peux éprouver encore beaucoup de plaisir à pratiquer mon sport et avec tout ce qui est arrivé, ça va me donner une motivation supplémentaire. À mon retour, je sens que je serai désormais l’underdog Mes buts n’ont pas changé et l’un d’eux demeure de m’établir comme le meilleur combattant livre pour livre au monde.”

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