La glace est officiellement brisée pour Instinct MMA, qui a livré son premier gala vendredi dernier à Boisbriand. Mon coéquipier Marco5o, un p’tit vite, a déjà fait part de ses impressions en fin de semaine. Voici maintenant les miennes, accompagnées des commentaires de certains acteurs de ce lancement réussi.

1. La logique veut qu’un combattant qui a été tenu loin de l’action pendant près d’un an et demi ressente un peu d’inconfort – la fameuse rouille – à son « retour au jeu ». Apparemment, le message ne s’est jamais rendu à Steve Bossé.

Bossé ne l’a pas eu facile au cours des 16 derniers mois. Des combats annulés à la dernière minute et des blessures inopportunes l’ont obligé à mettre ses aspirations en plan pour un moment. Et pour cette longue et frustrante attente, c’est Houston Alexander qui a payé le gros prix.

Des mouvements fluides, un arsenal diversifié et une bonne défensive au sol : Bossé a rappelé à ceux qui l’avaient peut-être oublié qu’il était aujourd’hui à des années lumières du combattant unidimensionnel recruté en 2007. C’est d’ailleurs à l’aide d’un coup de coude issu de l’enseignement de son entraîneur de muay thaï Kru Ash Alaabouch que Bossé a éteint les lumières d’Alexander, un combattant qui, bien qu’à l’aube de la quarantaine, peut encore faire la leçon à un jeunot qui oserait le prendre à la légère.



_Toutes les photos sont une gracieuseté de Brian Townsend, FightWorld.tv_

« Je ne m’attendais pas à le voir rouillé pour la simple et bonne raison que je savais qu’il n’avait jamais arrêté de s’entraîner, a confié le promoteur d’Instinct MMA, Stéphane Patry. C’est sûr que pendant tout ce temps, il n’est pas monté dans le ring, mais la différence entre ce qu’ils font dans le gym et le soir d’un gala, c’est seulement qu’il y a plus de lumières au plafond et plus de monde dans la place. Steve n’a vraiment jamais arrêté. C’est comme si ce combat-là, il l’avait fait avec un camp d’entraînement de 16 mois. »

Bossé devait être la tête d’affiche du deuxième gala d’Instinct, le 2 décembre à Québec, mais une blessure à une main s’est avérée plus grave que prévu et l’empêchera de se battre dans la Vieille Capitale. C’est mon ami Ken Wong, de la Voix des Guerriers, qui en a reçu la confirmation en début de semaine.

Avant même qu’Instinct 1 ne soit chose du passé, Patry avait eu des discussions avec l’agent de Mark Coleman pour amener l’ancien champion du UFC au Québec. Après avoir assisté à la performance de Bossé, ce dernier a poliment décliné l’invitation.

Toujours selon Patry, un autre ancien du UFC, le Britannique James McSweeney (qui a participé à la téléréalité The Ultimate Fighter comme poids lourds, mais qui a changé de division depuis), a fait savoir qu’il était intéressé. Personnellement, je ne donnerais pas cher de sa peau contre le Boss.

La proposition la plus alléchante présentement obligerait Bossé à accepter un combat à un poids compris de 195 livres. Mais ce ne sera pas pour l’instant…



2. Rarement entendra-t-on un combattant se plaindre d’avoir gagné de façon trop expéditive, mais c’est un peu le problème qu’a rencontré Patrick Côté face à Crafton Wallace.

La présence de Côté à Instinct 1 se voulait pour lui une importante audition pour un retour rapide au UFC. Plus sa performance serait spectaculaire, meilleures seraient ses chances de séduire ses anciens employeurs, qui s’en viennent au Canada dans deux mois.

Après s’être amusé un peu lors de sa marche vers l’octogone, Côté est sorti de son coin avec la rage au cœur. En 90 secondes, il en a fait assez pour démontrer qu’il n’avait pas pris ce combat à la légère. Mais dans un malheureux dénouement, son adversaire s’est blessé au genou droit en encaissant une projection et a été forcé de déclarer forfait.

Une troisième victoire de suite donc pour Côté, mais celle-ci est pour lui accompagnée d’un petit astérisque. D’où les sentiments partagés pendant que la pression redescendait dans les heures suivant sa performance.

« Je suis content, c’est sûr, mais sur ma fiche, ça va toujours être inscrit TKO (Injury) », m’a dit Côté en sortant de l’aréna. Celui qui montre maintenant une fiche de 16-7 ne semblait pas super confiant de recevoir un appel de Joe Silva, le matchmaker du UFC, au cours des prochains jours.

Stéphane Patry a fait savoir que si les choses ne se développent pas au goût de son ancien protégé, la porte sera ouverte chez Instinct pour un quatrième combat consécutif en sol québécois.



3. Dans le grand salon où se sont rassemblés les combattants pour casser la croûte et retrouver les membres de leur famille une fois les quelque 4300 spectateurs (selon l’organisation) retournés à la maison, on n’en avait que pour un homme : Butterbean.

Le visage rougi et découpé par les poings d’Éric Barrak, le corpulent pugiliste a été encerclé dès qu’il a franchi le pas de la porte. La pièce était remplie de jeunes hommes taillés au couteau, mais c’est avec le charismatique boxeur que les ring girls tenaient à se faire photographier.



« Ça me ferait plaisir de revenir me battre ici. Les gens ont été fantastiques avec moi, je me suis senti à la maison. Et vous avez les plus belles filles que j’ai vues de toute ma vie! », a-t-il dit entre deux bouchées de sandwich.

Ça ne fera pas plaisir à tout le monde, mais l’intérêt est réciproque du côté du promoteur. Tant que Butterbean voudra se battre, il aura sa place avec Instinct.

« Mais c’est certain que quand on va le ramener, ça sera dans un contexte où son adversaire va vouloir se battre », a ajouté Stéphane Patry qui, vous l’aurez compris, n’a pas été enchanté par la victoire de Barrak.

« Barrak voulait gagner, alors il a joué ça safe Mais en même temps, un gars qui a parlé autant avant le combat et qui évite son adversaire, qui se bat comme s’il défendait sa ceinture de champion du monde du WBC, c’est un peu ordinaire pour le public. Je ne pense pas qu’il a donné le goût aux amateurs de le revoir et je ne pense pas qu’il a donné le goût au promoteur de le ramener. J’ai été déçu de sa performance et il le sait. »



Pourtant, toujours selon la Voix des Guerriers, Patry aurait depuis offert un contrat de trois combats à Barrak, qui a d’ailleurs accordé une excellente entrevue à cette excellente émission en provenance de Québec.

Et pour ce qui est du défi que Barrak a lancé à Donald Brashear, Patry jure qu’il n’y est pour rien. Vous avez le droit de ne pas le croire…

4. Mission accomplie pour Derek Gauthier. Le sympathique combattant a réussi à mettre ses deux récentes défaites successives derrière lui et à retrouver ses repères dans l’octogone. Comme bonus, il a battu Travis Coxavec la soumission de la soirée, un kimura barré au milieu du deuxième round.

« C’est allé à mon goût. Tout ce que je voulais faire, je l’ai fait et ça a bien sorti. C’est sûr que ça aurait pu être mieux, ça peut toujours être mieux, mais je suis très content », a commenté Gauthier au lendemain de sa victoire.

Celui qui partage son entraînement entre Rosemère et Montréal avait quelques blessures mineures à soigner lors de notre entretien – une cheville enflée et une main endolorie – mais rien qui ne l’empêchera d’être du gala Instinct 2 en décembre.



5. Ajoutez le nom de Martin Grandmont à la liste des candidats au K.-O. de l’année dans le monde des arts martiaux mixtes.

Grandmont, qui semble être un gars assez calme et discret dans la vie de tous les jours, s’est organisé pour se faire remarquer à sa manière une fois entré dans l’octogone samedi dernier. Après avoir mangé quelques coups de pieds sur les jambes de la part du spécialiste de muay thaï William Sriyapai, le Hammer s’est choqué et est allé étamper sa cheville droite sur la tempe de son adversaire, qui s’est affaissé sur-le-champ.

Après sa victoire, Grandmont s’est empressé de souligner le travail de son entraîneur Yanick Bergeron, qui lui a commandé d’utiliser sa jambe droite quelques instants avant le coup fatal.

« Martin a été patient. On avait une stratégie et il a attendu le moment parfait pour l’exécuter » se réjouissait Bergeron, fier comme pas un, en fin de soirée.

« J’avais remarqué qu’en esquivant, Sriyapai baissait ses mains et se penchait vers la gauche, explique celui qui dirige le Collège Team Bergeron à Drummondville. C’est là que j’ai dit à Martin de lancer son pied droit à la tête. Ça n’a pas pris cinq secondes avant qu’il le rentre. C’est un coup qu’on pratique depuis une éternité, ça remonte à sa carrière amateur. C’est sa signature! »



Habitant maintenant à Lac-Mégantic, Grandmont passera ses prochaines fins de semaines à faire la navette vers Drummondville et Montréal. Pas le temps de chômer, puisqu’il affrontera Phil Baroni à Instinct 2. « Je vais arranger mon char, pis ça va être correct », a-t-il dit tout bas, sourire en coin, en pensant à son horaire automnal chargé.

« Martin, c’est un gars des grandes occasions. Quand le show est gros, Martin est gros. Et le 2 décembre contre Baroni, je vous avertis d’avance… il va peut-être perdre, il va peut-être gagner, mais une chose est sûre, ça va être le meilleur Martin que vous n’aurez jamais vu », prédit Patry, qui défend son choix quand on lui dit que Baroni approche le bout du rouleau.

« C’est sûr que sa carrière est de l’autre côté de la pente, mais c’est quand même un combattant très dangereux. Si Martin gagne le combat, pour la première fois les gens vont savoir qui il est à l’extérieur du Canada. »

6. Dimitri Waardenburg demeure dans les plans d’Instinct même s’il est le seul Québécois inclus sur la carte principale à s’être incliné samedi soir.

« Dimitri a donné un bon combat. Quand Syd Barnier s’est blessé, on a trouvé un remplaçant avec une fiche de 4–0, un combattant complètement différent de Barnier. Dimitri aurait pu refuser, mais il y est allé quand même et s’est bien battu. Une défaite ne fait pas une carrière », a justifié Patry.

Le plan d’Instinct était d’opposer Waardenburg au vétéran Jens Pulver en cas de victoire. Retour à la table à dessin, donc, mais Pulver devrait être du gala à Québec.

7. À l’époque de l’organisation TKO, Patry avait réussi à faire des jeunes Ontariens Mark Hominick, Sam Stout et Chris Horodecki (le Sidney Crosby des MMA, ça vous dit quelque chose?) des combattants non seulement connus, mais extrêmement populaires au Québec.

Chez Instinct, l’homme d’affaires croit que Todd Stoute et Devin Henry pourraient chausser les grands souliers de leurs prédécesseurs.

Jamais à court de compliments envers ses poulains, Patry est allé jusqu’à qualifier Stoute, un mastodonte qui évolue chez les mi-lourds, de « futur champion du monde ».



_Todd Stoute_

« Je pense que ce gars-là a un gros potentiel. Je ne crois pas qu’on peut parler d’un stunt de marketing quand je dis qu’il est un futur champion du monde, s’est défendu le promoteur. C’est sûr que c’est tôt dans sa carrière pour dire ça, mais il n’y a pas beaucoup de gars à 205 livres qui ont l’air de ce que Todd Stoute a l’air après deux ou trois combats. »

Stoute (3-0) sera de la carte d’Instinct 2, mais pas Devin Henry, un autre que Patry voit dans sa soupe. Pour plusieurs, Henry a été impliqué dans le combat de la soirée à Instinct 1, une guerre de trois rounds de laquelle Johan Croes est sorti complètement défiguré.



_Devin Henry_

« Ça fait quatre ans qu’il est champion nord-américain de muay thaï. Samedi, je crois qu’il est allé au tapis deux fois, mais il est revenu et a gagné son combat. Ce n’était pas un combat facile pour lui. »

8. Les attentes étaient élevées envers Evan Nedd, mais ce dernier n’a pas livré la marchandise contre Strahinja Gavrilovic. « Il n’a pas été l’ombre de lui-même », avoue Patry avant d’expliquer la situation.

« La réalité avec Evan Nedd, c’est qu’il a subi une grosse blessure et qu’il ne devait même pas être sur la carte. Il m’a appelé pour me supplier de l’amener à Boisbriand, mais la première chose qu’il m’a dite en sortant du ring, c’est qu’il aurait dû attendre au mois de décembre. C’est un gars qui se bat normalement à 205 livres et quand il est monté dans le ring, il avait fait du baby fat partout. Il a presque coupé 30 livres entre mardi et vendredi. Ce gars-là est vraiment meilleur que ce qu’il a montré. »



9. Steve et Stéphane Vigneault ont vécu de grands moments lors des belles années de TKO. Aujourd’hui, leur cousin Guillaume Vigneau tente de suivre leurs traces, mais ne vous attendez-pas à ce qu’Instinct abuse de la carte de la nostalgie pour vendre des billets.

« Steve et Stéphane ont été de grosses vedettes, alors je serais un peu imbécile de ne pas me servir du nom de Vigneau dans ma promotion, explique Patry. Mais je ne vais jamais mettre l’emphase sur ces deux-là pour faire de l’ombre à Guillaume. »

Vigneau, qui avait justement perdu contre Todd Stoute à sa sortie précédente, montre une fiche pro de 2–1.



10. Retenez bien ce nom : Jason Courchesne.



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