J’ai eu l’occasion de jaser avec pas mal de combattants de MMA depuis que j’ai commencé à m’intéresser plus sérieusement au sport et à y dévouer une partie de mon travail il y a quelques années. Ça vous étonnera peut-être, mais je ne peux me plaindre d’aucune mauvaise expérience.

Bien évidemment, certains ont plus de jasette que d’autres, mais une entrevue qui a mal tourné? Pas que je me souvienne. Un sujet désagréable et impoli? Jamais dans cent ans. On grimace juste à penser aux brutalités dont ces gars-là sont capables, mais quand vient le temps de parler de leur métier et de leur passion, il n’y a pas d’athlètes plus disponibles et généreux.

À la liste des vrais bons gars avec qui j’ai eu la chance de m’entretenir, j’ai ajouté la semaine dernière le nom de Matt Serra.



_Serra, à gauche, en compagnie de Frank Mir et Dan Hardy._

J’ai eu l’idée d’appeler l’ancien champion des mi-moyens du UFC quand Patrick Côté m’a raconté qu’il avait décidé d’aller passer quelques jours à son gym situé à Long Island. Faut aussi dire que le dernier homme à avoir battu Georges St-Pierre est bien placé pour savoir dans quoi s’est embarqué Carlos Condit, qui sera l’ennemi numéro un samedi soir dans un Centre Bell survolté. C’est dans ces mêmes conditions que Serra avait donné une revanche à GSP en avril 2008.

« Ses souliers seront probablement plus confortables que les miens par contre, a dit Serra pendant un entretien téléphonique d’une quinzaine de minutes. À l’époque, les gens de Montréal me détestaient parce que j’avais traité Georges de « frenchy » et à cause des autres choses que j’avais dites pour promouvoir le combat. »

Serra était apparu dans l’enceinte enseveli sous les huées alors que St-Pierre, transporté vers l’octogone par la chanson « Numéro 1 » du groupe hip-hop québécois Sans Pression (_I’m back!_, répète-t-on dans le refrain), l’attendait de pied ferme.



« Tout ce dont je me souviens, ce sont les cris assourdissants de la foule qui scandait ‘F-You Serra!’. L’environnement était hostile, mais je n’étais pas du tout intimidé. C’est le genre de chose dont je peux généralement m’inspirer, bien que ça ne m’a été d’aucune aide ce soir-là », reconnaît honnêtement celui qu’on surnommait « The Terror ».

« Georges espère probablement que Condit va viser le genou »

Bâti sur un châssis de 5 pieds 6 pouces, Serra a toujours su faire beaucoup avec peu au cours de sa carrière. Sa fiche de 11–7 dit qu’il a connu des succès mitigés, mais ses connaissances en jiu-jitsu et sa grande expérience lui permettent aujourd’hui, en complicité avec Ray Longo, d’entraîner quelques-unes des vedettes montantes au sein du UFC. Son écurie compte notamment sur Costa Philippou, Chris Weidman et Al Iaquinta.

Comme plusieurs observateurs neutres, Serra le coach ne voit pas beaucoup de scénarios où Condit reprend l’avion pour Albuquerque avec la ceinture dans ses bagages en fin de semaine.

« La question est de savoir s’il peut le pincer au bon endroit. C’est aussi simple que ça. Parce que s’il ne peut pas, je vois St-Pierre dominer un peu partout. Le grappling risque de faire la différence. Les amenées au sol de St-Pierre le placent aussi dans une classe à part et même si je sais que Condit n’est pas un manchot au sol, je sais le nombre d’heures que son adversaire met avec John Danaher chez Renzo Gracie. »

« En plus, je dirais que Georges a probablement déjà affronté plus de gars qui ressemblent à Carlos que le contraire n’est vrai, ajoute Serra. Carlos s’est battu contre des gars très talentueux, je ne veux rien lui enlever, mais c’est vraiment difficile de copier le style de St-Pierre à l’entraînement. »

La stratégie que décidera d’employer Condit samedi soir laisse beaucoup de gens dans l’inconnu. Plusieurs gérants d’estrade suggèrent que le Natural Born Killer amorcera le combat en lion pour ne pas laisser à St-Pierre le luxe de se dérouiller. D’autres sont convaincus que le champion intérimaire voudra tester le genou reconstruit de son rival.

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« S’il cible le genou, peu importe de quelle façon, il s’exposera automatiquement à une amenée au sol, déduit Serra. En fait, Georges espère probablement que Condit décidera de viser son genou. »

Une question de priorités

À 38 ans et absent des feux de la rampe depuis deux ans, Serra refuse de se décrire officiellement comme un retraité, mais admet qu’un retour dans l’octogone n’est pas dans les plans pour le moment. Son temps, il l’investit présentement dans la carrière des autres et dans la vie familiale.

« Ma femme est enceinte de notre troisième enfant, c’est une primeur que je te donne! Alors je passe beaucoup de temps avec elle et nos deux filles, je prends mon petit espresso et j’enseigne à la prochaine génération! »

Dans des circonstances normales, il serait à Montréal en fin de semaine pour travailler dans le coin de Philippou et pour montrer son appui à son bon ami Côté. Mais les dégâts laissés derrière par l’ouragan Sandy l’ont forcé à revoir son agenda.

« Je dois veiller sur ma mère qui n’a toujours pas d’électricité. Vous devriez voir les files d’attentes pour se procurer du combustible ici, c’est complètement fou! »

Même sans son aide, Serra croit que Philippou, qui est en quête d’une cinquième victoire de suite, fera bonne figure contre le Canadien Nick Ring.

« On voit que Costa croit en lui maintenant et ça fait une grande différence. C’est d’ailleurs ce qui explique ses récents résultats. C’est un vrai tueur, ce gars! La puissance dans ses mains est à un niveau supérieur et il a beaucoup amélioré sa défense contre les amenées au sol et son travail au sol. Je crois bien qu’il va aller chercher le K.-O. à Montréal, mais on verra bien… »