MONTRÉAL – Valérie Létourneau a entendu les sceptiques et elle les sait nombreux, mais elle est convaincue qu’elle possède les habiletés nécessaires pour devenir la prochaine championne de la division féminine des poids pailles de l’UFC.

« Je suis sûre que oui », répond sans aucune hésitation la Québécoise quand on lui demande si elle se croit du même calibre que la Polonaise Joanna Jedrzejczyk, qu’elle tentera de détrôner à l’UFC 193 en novembre.

« On a des styles complètement différents. J’ai mes forces et mes faiblesses, mais elle n’est pas parfaite. J’ai déjà commencé à regarder les vidéos et j’en vois plein d’ouvertures... tout comme j’en vois plein quand je regarde mes propres performances! », ajoutait du même souffle Létourneau quelques jours avant de s’envoler pour participer à une tournée promotionnelle en Australie. On a la même game, on s’en va avec les mêmes outils. La gagnante sera celle qui saura le mieux les utiliser. »

La bataille est loin d’être gagnée d’avance pour la Montréalaise exilée aux États-Unis. Invaincue en dix combats, dont quatre à l’UFC, Jedrzejczyk est en train de s’imposer comme une championne presque aussi dominante que sa consœur Ronda Rousey, qui règne sans opposition sur la division des poids coqs. Ses deux dernières victoires contre Carla Esparza et Jessica Penne ont été particulièrement spectaculaires. Dans une récente conférence de presse, le président de l’UFC, Dana White, l’a décrite comme son « autre petite rock star ».

« Carla est la meilleure lutteuse de la division, elle a battu tout le monde avec sa lutte, mais elle a été complètement dominée par Joanna. Elle n’a jamais été capable de l’amener au sol. Alors c’est sûr que l’UFC regarde ça et se demande qui peut bien rester debout avec cette fille-là », raisonne Létourneau, qui croit s’imposer comme la réponse à cette question.

« Pour moi, Claudia (Gadelha) était la première à le mériter, mais elle est blessée. Alors on fait quoi? »

Même si Létourneau montre un parcours parfait depuis qu’elle a signé son premier contrat à l’UFC il y a un peu plus d’un an, la décision de ses patrons de l’élever au rang d’aspirante numéro un n’a pas été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme dans le petit monde des arts martiaux mixtes. On trouve sa nomination précoce et on ne donne pas cher de sa peau dans ce combat qui se déroulera dans un stade de plus de 70 000 places à Melbourne.

« J’ai lu les commentaires sur internet, avoue-t-elle ouvertement. Les gens vont dire "pourquoi elle?"... mais qui d’autre? C’est vrai que je n’ai que trois combats à l’UFC, mais ma division existe depuis à peine un an. Trouvez-moi une fille qui a trois victoires en autant de combats présentement chez les 115. Il n’y en a pas d’autre. Ça arrive peut-être vite, mais c’est notre situation présentement. »

« Je me suis battue tellement longtemps pour rien, maintenant qu’une occasion comme celle-là se présente, je vais la prendre. Je ne vais pas dire : "Je ne la mérite pas, appelez quelqu’un d’autre!" », plaide passionnément celle qui a commencé sa carrière en 2007. « Et je sais que je suis de calibre pour être là, il n’y a aucun doute dans ma tête. Je voulais entrer à l’UFC, je voulais y goûter. Maintenant, je veux aller chercher la ceinture. »

Pas le temps de niaiser

Valérie Létourneau et Joanna JedrzejczykValérie Létourneau récolte aujourd’hui les fruits d’une audacieuse décision prise il y a un peu plus de deux ans. À la croisée des chemins, refusant d’abandonner les arts martiaux mixtes sans la certitude d’avoir tordu son potentiel jusqu’à la dernière goutte, celle qu’on surnomme « Trouble » a déménagé en Floride pour joindre les rangs d’American Top Team, une équipe qui lui a permis de faire avancer une carrière stagnante à une vitesse fulgurante.

Un an après avoir fait ses boîtes, Létourneau gagnait son premier combat à l’UFC et la voilà aujourd’hui en position pour devenir le troisième athlète canadien, après Carlos Newton et Georges St-Pierre, à être couronné de l’or de l’UFC.

« J’ai vécu des petites catastrophes, je n’ai pas toujours été super organisée, mais ma concentration a été à 200 % là-dessus depuis deux ans. J’ai vraiment tout laissé ici pour m’en aller là-bas et c’est fou comment ça a rapporté, se félicitait la mère monoparentale d’une fille de 12 ans. Depuis que j’ai eu l’appel de l’UFC, je vis juste du positif. C’est tellement motivant pour moi, ce n’est certainement pas maintenant que je vais lâcher prise. »

Létourneau répond au futur, et non au conditionnel, quand on lui parle des effets qu’une victoire sur Jedrzejczyk aurait sur sa vie et celle de sa petite Gabrielle.

« Ça va changer notre vie pour toujours. Avant je me battais pour des pinottes, j’étais motivée par ma passion. Cette passion m’habite encore, mais quand tu regardes la personne en avant de toi et que tu sais qu’elle a ton avenir entre ses mains, ça te fait vouloir la battre en tabarouette. J’ai 32 ans et je n’ai pas le temps de niaiser. Maintenant, je m’en vais dans la cage pour faire mon travail et prendre ce qui m’appartient. C’est comme ça que je me sens avant mes combats. C’est peut-être pour ça que je fais des meilleures performances. C’est une business pour moi maintenant. »