MONTRÉAL – En début de soirée vendredi dernier, une mauvaise nouvelle a émané des bureaux de l’UFC. Douze combattants brésiliens inscrits sur la carte du 27 juin en Floride avaient été incapables d’obtenir le visa de travail nécessaire pour franchir la frontière américaine, forçant l’organisation d’arts martiaux mixtes à remodeler presque intégralement le programme de la soirée.

Le premier réflexe fut de parcourir le document en vitesse à la recherche du nom de Steve Bossé. Le combattant québécois devait affronter Thiago Santos, un artiste du muay thai de Rio de Janeiro, ce soir-là. Ça ne regardait pas bien…

Steve Bossé à l'entraînement

« Si ça avait été le cas, j’aurais été le gars le plus malchanceux de la Terre, soupirait Bossé à la veille de son départ pour la péninsule ensoleillée. Mais tout est en place pour que ce soit un événement marquant pour ma carrière en fin de semaine. »

Rarement, depuis le début de carrière, Bossé aura pu dire qu’il a été favorisé par le sort. Promis à un bel avenir dès ses premières frappes, en 2007, il a vu de nombreuses blessures ralentir un parcours néanmoins parsemé de succès. Les portes des ligues majeures se sont ouvertes devant lui une première fois l’an dernier, mais une épaule amochée l’a forcé à abandonner le projet et à annoncer sa retraite. Il y a deux mois, la flamme s’est rallumée et on a cru, l’instant de quelques jours, qu’on le verrait finalement dans l’octogone, mais une complexe saga d’ordre légal l’a laissé en plan.

Mais cette fois, c’est la bonne. Comme Santos s’entraînait depuis déjà plusieurs semaines au gymnase d’American Top Team à Coconut Creek, juste au nord de Miami, les débuts du « Boss » à l’UFC n’ont pas été compromis. Et donc à quelques jours de son apparition sous les plus brillants projecteurs de son sport, le colosse de Saint-Jean-sur-Richelieu se ferme les yeux et peut entendre Bruce Buffer crier son nom à une foule en délire et aux auditeurs de RDS2, qui diffusera le combat en direct.

« Ça fait partie de ma visualisation, c’est sûr, confie Bossé. Je suis très excité à l’idée de tout ce qui va se passer samedi et j’ai hâte de montrer au monde ce que je sais faire. J’ai un adversaire au style similaire au mien. C’est un guerrier, un gars capable de manger des coups. Il aime mettre de la pression et j’aime mettre de la pression, donc j’ai hâte de voir qui va prendre le centre du ring le plus vite. D’après moi, il va y avoir des échanges très tôt. C’est un combat parfait pour faire mon entrée à l’UFC. »

Santos et Bossé ont effectivement des profils qui s’apparentent. Le Brésilien a 31 ans, montre une fiche de 10-3 et a obtenu la majorité de ses victoires par K.-O. Bossé, qui aura 34 ans en juillet, a gagné dix de ses onze combats, dont huit grâce à la force de ses coups. Les deux pugilistes sont des spécialistes du combat debout qui n’ont généralement pas d’intérêt à amener l’action au sol.

À première vue, le facteur expérience favorise celui qu’on surnomme « Maretta ». L’ancien participant de l’émission de téléréalité The Ultimate Fighter : Brazil s’est battu quatre fois à l’UFC tandis que Bossé n’est jamais sorti du circuit local montréalais. Mais il s’agit là d’un détail dont celui qui a bâti sa réputation comme dur à cuire sur les patinoires de la Ligue nord-américaine de hockey ne se formalise pas.

« C’est sûr que c’est différent, c’est l’UFC. Mais quand je parle à tous mes amis qui y sont allés, ils me disent de ne pas m’en faire, que c’est la même affaire. Oui, c’est impressionnant quand tu regardes à la télé, mais en réalité, quand tu entres dans la cage, c’est la même chose. Alors j’essaie de me préparer pour des émotions que je connais. Je me vois échanger avec lui, je me vois tout le temps sortir gagnant des échanges, je me vois en train de lui faire mal et je me vois gagner avec les bras dans les airs à la fin. J’essaie de m’habiter le plus possible de ces émotions-là. »

En plus des papillons qui virevoltent habituellement dans le ventre des recrues de l’octogone, Bossé devra gérer un autre inconvénient potentiel : la rouille. Pour les raisons énumérées plus haut, le puissant cogneur ne s’est pas battu depuis plus de deux ans et n’a pris part à la compétition que deux fois au cours des quatre dernières années.

« Il y en a qui vont dire qu’ils sont craintifs quand ça fait longtemps qu’ils n’ont pas été actifs, mais moi, ce n’est pas quelque chose qui me stresse parce que j’en ai l’habitude. L’important, c’est d’avoir eu un bon camp d’entraînement pour avoir retrouvé le synchronisme », rassure le prometteur trentenaire.

Des objectifs réalistes

Justement, Bossé dit sortir d’un camp qui s’est déroulé à la perfection. Il a continué de perfectionner son muay thai avec son bon ami Kru Ash, s’est concentré sur sa boxe avec son complice de toujours Laszlo Marien et est retourné au Tristar pour échanger avec Nordine Taleb et Francis Carmont. Le « Prédateur », Patrick Côté, lui a également offert son aide.

« Yan Pellerin m’a aussi donné un bon coup de main, tient-il à préciser. C’est un gars qui n’a pas eu une fiche victorieuse dans sa carrière, il avait un peu de misère à gérer la pression, mais qui excelle dans le gym. Comme partenaire d’entraînement, je ne pouvais pas demander mieux. »

Pellerin, un vétéran de la scène des arts martiaux mixtes québécoise, fera le voyage en Floride pour être dans le coin de son bon ami. Il y travaillera en compagnie de Marien et de Stéphane Patry, le gérant de Bossé.

Les quatre compagnons prendront la route en espérant pouvoir faire de cette réunion une tradition. À l’âge qu’il a, alors qu’il tire déjà le maximum d’un corps qui peut l’abandonner à tout moment, Bossé se fait réaliste et se retient de proclamer qu’il aspire à devenir champion du monde. Le discours, souvent entendu dans les campagnes promotionnelles en manque d’originalité, sonnerait faux de toute façon.

Entrevue intégrale avec Steve Bossé

« Si je peux être épargné par les blessures et rester actif dans le gym sans avoir de trop longues périodes d’inactivité, je pense que je peux faire un bon bout de chemin et aller défier les gars dans le top-10. Je le crois sincèrement », ambitionne toutefois le fier compétiteur.

Et sur sa route, Bossé entend se faire remarquer. Citant Chris Leben en exemple, il promet de rester fidèle à ses atouts qui lui ont permis de jouir d’une popularité instantanée au Québec. Gagne ou perd, il aimerait qu’on se souvienne du spectacle qu’il a donné et qu’on souhaite le revoir sans attendre.

« Je vais tout faire pour aller le plus loin possible, mais ce que je veux surtout, c’est m’amuser et simplement participer à plusieurs événements. La journée où je vais prendre ma retraite, je veux pouvoir dire : "Wow, j’ai trippé, j’ai atteint la Ligue nationale, j’ai été capable d’y rester et d’accomplir des belles choses". Présentement, c’est comme ça que je vois ça. »